Chapitre 1 - Conrad

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La vie naît dans le silence pour s'éteindre dans le silence. Une existence entière, balayée telle un amas de poussière aussi rapidement qu'un battement de cils. Une mort imminente, rongeant le monde de ses crocs empoisonnés. Voici le fléau que l'humanité toute entière essaie de fuir. Une lente agonie qu'elle a créée de ses propres mains, plongeant notre planète au cœur d'une bataille perdue d'avance. Notre bonne vieille Terre se meurt, privée des ressources qui ont fait sa grandeur.

– Bienvenue, matricule 923. Nous espérons que votre voyage a été agréable.

Une voix synthétique me vrille le cerveau.

Mon rythme cardiaque, jusque-là imperceptible, se perd dans un engrenage de montagnes russes.

Mes muscles se tétanisent au contact du froid.

Une armée de poils se dresse à la surface de ma peau trempée.

Un bon voyage ? Désolé de te décevoir, ma belle, mais je n'ai fait que dormir.

La lourdeur de mes paupières m'oblige à lutter. Si je veux ouvrir les yeux, il va falloir que j'y mette un peu plus de volonté.

Réagis, bordel ! Je crois que tu t'es assez reposé !

Mes pupilles se dilatent à la vue d'une sphère transparente. Je suis prisonnier d'une paroi en verre, allongé sur une plaque métallique bien inconfortable.

Claustrophobie, bonjour !

Ma respiration saccadée témoigne de ma panique. Même si mes idées s'éclaircissent au fur et à mesure de mon réveil, elles ne me permettent pas de conserver mon calme. Il faut que je quitte mon caisson au plus vite.

Je tourne la tête dans tous les sens en espérant trouver un quelconque bouton de sortie. L'angoisse me fait presque ignorer la raideur de ma nuque. Mes méninges sont encore trop paresseuses pour se souvenir. Un supplice d'une cruauté monstrueuse se profile. Je déteste par-dessus tout les lieux clos.

Mes membres s'agitent faiblement. Je n'ai pas la force de les mobiliser davantage. Ma main s'écrase contre la vitre qui me retient captif. L'oxygène filtré par mes narines commence sérieusement à submerger mes poumons. Ils se contractent douloureusement, m'obligeant à perpétuer cet instinct de survie anodin dans des râles rauques et suffocants.

– Mais... Ouvre-toi ! Merde !

Au tour de ma gorge de se joindre à cette danse meurtrissante. J'ai l'impression qu'un incendie vient de se déclarer à l'intérieur de ma trachée.

Mon poing tente une nouvelle attaque.

Le verre résiste, bien trop épais pour être ne serait-ce que fendiller.

– Bienvenue, matricule 923. Nous espérons que votre voyage a été agréable.

– Et si tu fermais... ta gueule ?

– Je n'ai pas compris votre directive, matricule 923. Veuillez la reformuler.

Bingo ! Ça me revient maintenant. Cette IA est programmée pour répondre à des demandes claires, pas des insultes.

– Déverrouille mon caisson.

Un déclic ravit mes oreilles. La vitre s'ouvre en deux, me permettant de me redresser. Je m'assois avec la plus grande peine. Chaque fibre de mon corps semble encore plongée dans ce sommeil sans fin.

La prochaine fois, coupe-toi la langue plutôt que d'accepter une mission pareille.

Parce-que tu crois que j'avais le choix ?

Galandys (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant