Diabolik Lovers : Le requiem des six Ève

Chapitre 3 : Un tourbillon d'émotions

     Un silence de mort s'ensuit. Puis...

-Tu ne nous apprends rien là. Nous sommes au courant qu'il ne nous porte pas dans son coeur, d'ailleurs c'est réciproque, sourit Raito.

-Ça je le sais. Cependant, il compte utiliser une ruse pour mieux vous atteindre...il m'a demandé d'ouvrir une porte sur le monde des esprits.

-Tu l'as pas fais j'espère?

     Je réponds d'un signe de tête négatif. Comme si j'allais ouvrir un portail vers l'un des mondes les plus dangereux qui soit, pour les beaux yeux d'un vampire aussi cruel et charismatique que moi. Même pas en rêve ! Je préfère encore rester emprisonnée à vie. Je vois Ève, enfin Yui, prendre la parole d'une voix hésitante.

-Excusez-moi mais...qu'est ce que le monde des esprits ?

Je m'attendais à cette question de sa part. Elle est humaine, c'est normale. En fait, la façon dont la question est posée me fait rire. Bien sûr, la jeune fille me dévisage.

-Hahahaha, Yui-chan...tu es si innocente que c'en est presque comique...Viens avec moi, au rez-de-chaussée, tu veux bien ?~

     J'attrape sa main toute frêle et l'entraîne hors de la pièce, les garçons sur nos talons. En parcourant les escaliers, j'entends l'humaine crier "Aika-san, pas si vite, je vais tomber !" ...Ce qui me pousse bien entendu à aller de plus en plus vite. Qu'est ce qu'elle est marrante, cette Ève... J'espère seulement qu'elle aura les épaules pour supporter ce que je vais lui dire.

     J'atteins enfin ma destination, au bas de l'escalier principal. L'endroit le plus intimidant et le plus majestueux du manoir. Dans un pas de danse, je place la jeune Ève face à moi, sans lui lâcher la main. Les autres vampires se placent en cercle autour de nous. Je fais signe à la jeune fille de me donner ses mains. Elle s'exécute. Bon signe.

-Je vous préviens, vous allez voir des choses que je dois tenir secrètes. Mais comme c'est une situation d'urgence, je ne peux pas vous laisser ignorants.

     Je ferme les yeux lentement et me concentre. Je sens de l'énergie parcourir mon corps, se propager de plus en plus, telle une puissante onde de choc. Leur énergie. Je ressens alors les émotions de chacun. Ayato, Reiji, Ève, tout le monde. Les mêmes sentiments surviennent : l'incompréhension, l'incertitude, l'indécision, l'appréhension et la peur. Des sentiments plus ou moins forts selon chacun d'eux. Des sentiments négatifs qui peuvent engendrer de nombreuses erreurs. Piquée par la curiosité, je me mets à analyser chacun d'entre eux.

     Je ressens la colère de Subaru, contre son père, contre Kou Mukami ! ...Contre un peu tout le monde en fait. Mais il y a aussi sa peur pour Yui, qu'il semble vouloir protéger... À l'instant où je parviens à saisir ce sentiment, un autre fond sur moi. C'est à la fois doux, chaud et bienveillant, mais également blessant et effrayant. L'amour...un sentiment auxquels même les immortels ne peuvent se soustraire...un sentiment que je n'ai pas connu depuis longtemps. Ressentir cette chaleur, qui n'est pas la mienne, et qui est adressée à quelqu'un d'autre, me donna une impression de bien-être puis de malaise, qui se transforma en un sentiment familier : la solitude. Le fait d'être seule, à l'écart, je comprends ces sentiments mieux que personne...

     Vite, je quitte Subaru pour passer à Shu, à côté de lui, de marbre. Il est pourtant inquiet, et se pose des questions, notamment concernant quelque chose ou plutôt quelqu'un qui appartient à son passé... De plus, bien qu'il le cache et ne le sait peut-être pas lui-même, il tient à ses frères plus qu'il ne veut l'admettre. Je pense qu'au bon moment, il prendra son rôle d'aîné à cœur.

     Je me dirige ensuite vers Reiji. Son calme légendaire si froid cache un tourbillon d'émotions, allant de l'inquiétude à la colère, avec cette profonde rancœur que je lui ais toujours connue... On a peine à le croire, mais c'est l'un des frères Sakamaki les plus sensibles.

     Je me dirige ensuite, dans un mouvement psychique, vers Raito...et je passe tout de suite à Kanato. Ces deux-là le cachent bien, mais ils ressentent eux aussi une sombre inquiétude derrière l'un, son air confiant, et l'autre, son air las. Kanato...si sensible lui aussi.

     Quant aux frères orphelins, la souffrance est omniprésente, telle une blessure encore ouverte après plusieurs années, et elle me frappe de plein fouet. J'ai le souffle coupé mais je me concentre encore. Et je découvre que Yuma, tout comme Shu, est étrangement préoccupé par une personne du passé, que Kou se débat encore en secret avec sa douloureuse enfance et qu'Azusa ne se sent vivant qu'à travers sa douleur, d'où son besoin de se scarifier (sans compter qu'il aime ça...). Tous trois sont brisés et se battent. Cependant leurs blessures se réouvrent continuellement...
Ruki... Lui aussi. Ses démons le hantent, le livre qu'il tient continuellement est tout ce qui lui reste de son père, il fut abandonné par sa mère...son bilan n'est pas mal non plus. Il semble intéressé par Reiji et considère Ayato comme son rival le plus dangereux. Ses sentiments envers Yui sont complexes. Il tient à elle, sans le savoir réellement, ou bien il se ment à lui-même. Ses sentiments se rapprochent de ceux de Subaru... Ses frères de cœur et elle sont ses seules sources de réconfort.

     Et enfin, le plus complexe. Il est le seul à réussir à me résister, le pire c'est qu'il y parvient inconsciemment. Ayato Sakamaki. Si insensible, que je me suis souvent demandé s'il avait un cœur. À le voir s'empiffrer, on ne peut en douter ! Et pourtant, son sourire sincère lors de nos retrouvailles est l'un des rares que je lui ais vu. Il ne montre jamais ses émotions, la colère est une exception. Quoiqu'il arrive, il ne montrera jamais un signe de surprise ou d'incertitude. Il est si borné qu'il pourrait foncer tête baissée dans n'importe quel danger, même en sachant qu'il n'a aucune chance ! Il combine plusieurs défauts et semble cacher ses qualités. Son arrogance est un bon exemple, même si elle lui vient, en partie, de son passé. Son cœur et son âme sont vides, car il n'a jamais connu ou ressenti d'amour et n'en a jamais reçu. Il ne sait pas ce que c'est, contrairement aux autres qui ont tous eu une attache dans leur vie, bien qu'ils soient aussi brisés que lui. J'essaye de pénétrer davantage son cœur, mais je me heurte à un mur. Je ressens malgré tout, au fond de lui, un vide glacial, une sorte de gouffre sans fond.

  Sa capacité à me résister cache une grande force morale, que tous ses frères possèdent. Cependant, eux sont moins secrets. Les Mukami sont solides mais ils sont plus fragiles. Ils ne pourront jamais être aussi impitoyables que des vampires purs, leur humanité est devenue un fardeau... 

J'ai froid... Ses sentiments me rappellent les miens. Je ne fais plus attention aux autres, je ne suis plus concentrée et tous leurs sentiments fondent sur moi, tandis qu'ils dansent dans ma mémoire. Merde. Je savais pourtant ce que je risquais. La solitude, encore et toujours. Je ne veux plus ressentir. Plus jamais. C'est difficile d'aider les autres, lorsque l'on pleure à l'intérieur. Mes pensées se mélangent... Je dois les aider... Les Ève, les Mukami, les Sakamaki...non qu'ils se débrouillent seuls ! Je...ne vois plus rien... À l'aide...quelqu'un, n'importe qui... Je suis si seule...

     Soudain, dans le noir, je ressens une douce chaleur dans la poitrine. Elle vient du fond du cœur d'Ayato. Connectée aux autres par moi, liée aux autres par sa nature, celles de Subaru, Ruki et Yui la rejoignent. Un filet d'amour de chacun des vampires vient ensuite à moi. C'est peu, mais ça me suffit. Je me redresse à l'intérieur de lui, et reviens à moi. Avant de revenir dans leur temps, dont j'ai modifié la perception, je me prépare à faire une dernière chose. Pour eux, il ne s'est écoulé que quelques secondes. Pour moi, de longues minutes sont passées. Je retiens les émotions positives de chacun en moi et les connecte entre elles. Mes propres ondes balayent pour un moment les pulsions et sentiments négatifs de tout le monde. Ils n'auront plus aussi soif de sang que d'habitude. C'est une de mes manières de reprendre courage : rendre les autres heureux. Ce lien émotionnel n'a pas pour seule fonction de leur donner de l'espoir, mais de les unir. Cela pourrait être utile, dans les temps à venir...