Chapitre 2 : Une invitée clandestine

666 27 1
                                    

     Tout le monde est en route pour le manoir. Les Mukami, qui ne sont pas franchement emballés de se réfugier dans la demeure de leurs rivaux, restent derrière moi, un peu en retrait. Mais ils m'ont promis d'affronter les loups avec moi, dans l'espoir que Ève choisisse l'un d'eux. Nous nous laissons guider par Ayato. En tête de file, celui-ci inspecte les environs, avec l'air déterminé de quelqu'un qui n'a rien à perdre. Je me poste derrière lui, pour lui faire comprendre que je suis avec lui, et m'éloigne de Ruki, dont je sens le regard profond fixé sur moi.

     En silence, nous parcourons les ruelles d'arbres et de haies, les allées de fleurs, et passons à proximité de la forêt, jusqu'à se poster juste devant l'entrée du manoir. La grande porte s'ouvre, ses grincements familiers retentissent. Si familiers... Depuis que je suis arrivés ici, ils sonnent parfois comme un présage...

     Reiji apparaît en face de nous, sorti de nulle part, en redressant tranquillement ses lunettes. Son regard s'arrête sur les orphelins. Je vois son air étonné et légèrement colérique. Et je me dis que le plus difficile nous attend. Il s'adresse aussitôt à son petit frère :

-Ayato, que fais-tu avec ces types ? Décidément, quelle plaie !

     Le jeune homme le défie du regard, suivis des autres adolescents, apparemment vexés. Pendant quelques instants, j'ai l'impression de me retrouver entre deux feux. Je perçois la colère se dégageant de leur pupilles. Tout le monde est tendu. Kou, les mains dans les poches, est crispé et Yuma se frotte la nuque, dans un tic nerveux. Même Azusa observe (calmement) la scène, son attention pour une fois détournée des blessures qui strient ses avant-bras. Voulant éviter une confrontation qui pourrait dégénérer, je prends les devants et me plante face à Reiji. Sa froideur ne me dissuade pas de rétorquer :

-Reiji-san... Les frères Mukami ne sont pas contre nous. Ils se sont aussi fait attaquer. Ce qui fait d'eux des cibles, même sans pouvoir être des Adams potentiels...

-Et en quoi cela nous concerne-t-il ?

-Et bien...ils pourraient nous aider.

-Je ne vois pas en quoi ils pourraient nous être utiles. Ils risquent seulement de nous gêner, rien de plus.

-Reiji, coupe Ayato, énervé. Nous sommes tous dans le même bateau. À plusieurs, nous aurons plus de chance de survivre à cette foutue Lune rouge et de faire face. Et s'ils meurent, tant pis pour eux, ils l'auront choisi.

     Le petit frère marque un point. Néanmoins, ces propos restent insuffisants. Il en faut plus, pour  convaincre cet intellectuel, qui réfléchit encore. Cette fois, à ma grande surprise, Ruki s'avance à son tour. Nos regard se croisent légèrement, puis le Mukami examine Reiji avec attention. Je vois sa main monter jusqu'à sa poitrine, ses doigts déboutonner sa chemise blanche, laissant voir son pansement. Sa blessure n'est pas encore guérie. Il montre ses bandages à Reiji :

-Si ce que Ève dit ne te suffit pas, voilà quelque chose qui devrait te faire réfléchir. Si c'était toi, le blessé à ma porte, que ferais-tu, dis moi ?

     Reiji maintint son attention sur le grand bandage rouge recouvrant le torse du blessé. Il ferme les yeux et se lance dans une grande réflexion. Il semble presque en train de se préparer  à rendre un verdict pénible, plutôt que d'y réfléchir. Je ne tiens plus en place, Kou, Yuma, Azusa et Ayato non plus d'ailleurs.

-Très bien, répond presque à contre-cœur le second fils en rentrant silencieusement dans la demeure.

Ruki et les autres lui emboîtèrent le pas, suivi de Ayato et moi. Je constate avec épouvante l'étendue des dégâts à l'intérieur. 

Diabolik Lovers : Le requiem des six ÈveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant