Chapitre Quatre

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Le reste de la journée s'est passé normalement - aussi normalement qu'une journée entière avec un gars qui n'arrête pas de faire des sous-entendus étranges peut se passer. Bon, d'accord, peut-être que c'est moi qui voit des sous-entendus là où il n'y en a aucun, mais c'est pas de ma faute, essayez de passer une journée avec ce genre de personne et vous verrez que vous aussi vous vous inventerez tous les scénarios possibles et imaginables. Hmpf.

On a passé une autre nuit chez les Jeon, une nuit où j'ai refusé que Jungkook dorme encore une fois par terre, puis, le lendemain matin, nous avons repris la route dans la voiture de ma mère pour Daegu, ma ville natale.

Ça faisait tellement longtemps ! La verdure, les villes, les bâtiments - selon certains, les grandes villes se ressemblent tous, mais pour moi, elles sont toutes différentes. Séoul, la ville où j'habite, une ville très peuplée et presque étouffante, une ville où un jeune étudiant comme moi, la tête bourrée de rêves, peut parfaitement se voir vivre toute sa vie. Busan, deuxième ville la plus peuplée de Corée, ville toujours aussi grande, vertigineuse, étouffante à la manière de toutes les métropoles, mais qui reste rafraîchissante, surtout grâce à ses magnifiques plages. Puis Daegu, ma ville, celle dont le simple nom rappelle des souvenirs heureux, tristes, des premières fois, des premiers pas, qui sont ce qui m'a forgé, et qui fait que je suis ce que je suis. Daegu, la ville dont le souvenir me rend, aujourd'hui, plus triste qu'il ne me rend heureux.

Mes parents se sont tus dés que nous sommes arrivés. J'imagine qu'ils ont deviné immédiatement ce à quoi je pensais dés lors qu'ils ont vu l'air grave qui avait pris place sur mon visage. Je suis leur fils, après tout. Ils me connaissent par cœur.

J'aurais voulu leur sourire, leur assurer que tout allait bien, mais je ne pouvais pas. Tout était beaucoup trop différent, maintenant, même si rien n'avait réellement changé.

Mes parents ont déménagé récemment, s'installant en plein centre ville pendant une certaine période. Ils ne resteront pas longtemps, juste assez pour pouvoir passer à autre chose. C'était leur manière à eux de faire leur deuil.

Je pensais qu'ils m'amèneraient là, mais ils ne se sont pas arrêtés en ville, continuant jusqu'à la campagne environnante, là où j'habitais autre fois, avec mes parents, et feu ma grand-mère.

C'est la première fois que je viens ici depuis sa mort. Je suis venu à son enterrement, mais même là, je n'avais pas osé rentrer dans la maison.

C'était dur, pour moi, parce que je regrettais tout des mois qui ont précédé sa mort, qui ne remonte pas à très longtemps. Les mois où je n'ai pensé qu'à moi, à comment j'allais devenir, une fois que je serai indépendant. Puis j'étais parti, et je n'avais même pas cherché à rendre visite à mes parents, ni à ma grand-mère, que je chérissais pourtant plus que tout. Je préférais alors passer du temps avec Jimin, faire la fête jusqu'à pas d'heure, criant sur tous les toits que YOLO, je préfère vivre maintenant et regretter plus tard.

Mais le plus tard était arrivé beaucoup plus tôt que ce que j'avais prévu, et en septembre, j'avais reçu un appel de ma mère très tôt le matin, que j'avais évidemment loupé puisque j'étais en pleine crise existentielle (comprenez que je décuvais à cause d'une soirée trop chargée en alcool). Elle avait cependant laissé un message vocal, et bien que j'étais irresponsable, je n'étais pas un mauvais fils. Alors je l'ai écouté.

Je ne me souviens plus du contenu exact, je ne l'ai écouté qu'une fois, avant de le supprimer. Je ne pouvais pas le supporter. Je sais juste que dedans, c'était mon père qui parlait, la voix grave, tentant tant bien que mal de garder sous contrôle tous les signes qui montraient à quel point il était dévasté. Mais moi non plus, je n'étais pas son fils pour rien, et quand il m'avait sèchement ordonné de revenir le plus vite possible à la maison parce que ma grand-mère était morte, j'avais entendu un cri de désespoir.

Colocataires - t.kOù les histoires vivent. Découvrez maintenant