1940

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Les corps basculèrent un à un, tels des quilles soufflées par la puissance du vent, et fauchées par la main de l'Homme. Leurs yeux hagards se levèrent vers les cieux, se noyant dans une inconnue pénombre. Tandis que leur dernier souffle, qui fut craché dans un élan brusque, vint doucement caresser les abîmes nuageux. Ainsi furent-ils soufflés, tels des flammes vacillantes porteuses de lumière, qui dès lors dévoilèrent les prémisses d'un sombre décor.

L'Homme n'était plus, mais la bête subsistait. Armée jusqu'aux dents, elle détaillait impassiblement l'œuvre de sa folie. Aucune once d'humanité ne semblât traverser le regard des soldats, pas même les miens. Je me tenais debout, étrangement serein, serrant de toutes mes forces, mon fusil entre mes mains. Peu à peu, les corps dénués de vie furent ensevelis sous un amas de pierres et de poussières. Bientôt, leurs yeux terrifiés, leurs visages dévastés, leurs lèvres emmurées, disparurent sous la terre foulée par les vivants, pour ne devenir qu'un lointain souvenir à l'égard de tous les soldats, y compris moi. Si seulement j'avais su que cela n'était que le début d'une terrible machination...

Hiver 1945, je me remémorais ce jour où pour la première fois, j'ai abattu un Homme de sang-froid.

Du sang sur les mains [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant