6. Je pensais que vous auriez au moins eu la décence de vous changer, mais...

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« - Merci de m'avoir raccompagnée, Geoffroy... »

Il descendit à son tour de sa monture pour me serrer contre lui :

« - Ce n'est rien. Je n'allais te laisser au milieu de Versailles alors que la nuit tombe. »

Il embrassa mon crâne, et souffla contre ma peau :

« - Sois courageuse. Au moindre problème... Fais-moi chercher. Je viendrai.

- Merci... Merci d'être là. »

J'embrassai sa joue. Mon frère eut un sourire désabusé :

« - Il fallait bien qu'une personne croie en toi. »

Ma gorge se noua. Louis ne m'avait pas crue. Je reniflai, et m'écartai de lui. Il me salua de la main, avant d'enfourcher de nouveau sa monture. Je le saluai avec de grands gestes, jusqu'à ce qu'il disparaisse de ma vue. Alors, l'angoisse revint dans mon cœur.

Je repoussai de mon esprit les images de ce Philippe, me susurrant avec un plaisir malsain chacun de mes secrets. Il était hors de question que je cède. J'allais rester. Je pénétrai d'un pas qui se voulait déterminé dans la demeure. Il n'y avait aucun bruit, signe que les enfants étaient sûrement couchés. Je les avais abandonnés, pour suivre une piste qui m'était apparue comme la solution à tous mes problèmes, alors qu'en réalité... J'avais été stupide. Je déglutis difficilement, sachant pertinemment que ma brusque absence n'était pas passée inaperçue.

Et en m'avançant dans le petit salon, je tombai presque nez-à-nez avec Louis. Il me fixait, me dominant de sa haute taille. Il était furieux. Il s'avança de plusieurs pas vers moi :

« - Puis-je savoir où vous étiez ?! »

J'inspirai profondément, ne sachant que dire. Devais-je lui avouer la vérité ? Mais quelle vérité ? Que j'étais allée voir Philippe de Vendôme pour exiger des explications, mais qu'il avait manqué d'abuser de moi ? Qu'il m'avait révélé tous mes secrets ? Je crispai une main sur mon corsage, et sentis la dentelle sous les doigts. En baissant les yeux, je m'aperçus que la dentelle de mon corsage pendait lamentablement, arrachée par les mains avides de Philippe.

Le regard de Louis se fixa dessus. Je le vis serrer les mâchoires, juste avant que ses yeux n'avisent la dentelle de mon jupon, arrachée elle-aussi, et ma coiffure, d'où s'échappaient des mèches bouclées. Il se redressa encore plus, puis me demanda d'un ton glacial :

« - Je vois que vous étiez manifestement en très bonne compagnie. »

Je crus recevoir un coup au ventre. Ainsi, il me croyait réellement capable de partir, d'abandonner les enfants, tout cela pour m'abandonner aux bras de mon amant ?! J'étais furieuse. Ainsi, tout ce que je lui avais avoué, mon manque d'expérience avec les hommes, ma timidité maladive, mon besoin de douceur et d'amour, il l'avait oublié ?! Pensait-il vraiment que la brutalité amoureuse me plaisait ?! Je mourrais d'envie de m'énerver, de pleurer en repensant au comportement de cet homme. Mais je devais être forte. Et distante. Alors, je me redressai aussi en répondant à sa première question :

« - J'étais avec Philippe de Vendôme. »

Son visage se déchira. Comme s'il était blessé. Je sentis une brusque bouffée d'espoir en moi, qu'il balaya en répliquant :

« - Votre vie sentimentale ne me concerne point. Mais sachez que la prochaine fois que vous abandonnez ainsi mes enfants, dont, je vous rappelle, vous avez la charge... Ce ne sera pas la peine de revenir. »

Mon sang se glaça. Être privée des enfants ? Je n'allais pouvoir le supporter ! Je baissai les yeux, déglutissant difficilement. Il était prêt à me priver du bonheur de m'occuper des petits, uniquement à cause d'une rumeur. Il n'avait même pas voulu entendre ma justification, ma version de l'histoire. Une brusque colère m'envahit. Je le détestais tellement ! Mon cœur se déchira, et j'étouffai un gémissement de douleur. Non, je ne le détestais pas. Je l'aimais. Je l'aimais plus que tout. Et il m'avait rejetée.

Deux sœurs pour un roi (Tome 2) ✅Où les histoires vivent. Découvrez maintenant