J’escalade le grillage après m’être assuré que la voie était libre. Et je me retrouve dehors, sans toi. Je vais essayer un nouvel itinéraire pour rentrer chez moi, seul.
Je me mets en route, fourrant mes mains dans mes poches pour calmer mon anxiété. Mon avant-bras me lance désormais. Je tente d’en détourner mon attention en observant tout autour de moi. Je ne connais pas du tout le quartier, mais j’avais toujours pu compter sur mon sens de l’orientation pour retrouver mon chemin même à moitié sonné après un combat. Je continue mon chemin, m’éloignant le plus possible du lycée. Je flâne dans ces ruelles inconnues jusqu’à me trouver à l’entrée d’un parc. La rue se poursuit mais une envie de me poser dans le parc pour lire me prend.
Après tout, j’ai encore le bouquin acheté hier dans mon sac.
Je pousse alors la barrière du square et entre. Il n’y a qu’une simple allée centrale, départageant deux espaces bien différends. A gauche se situent les jeux pour enfants ainsi qu’un terrain pour jouer au basket ou au foot selon l’envie. De l’autre côté, une pelouse ni vaste ni petite, juste assez pour quelques couples parsemés. Ne souhaitant pas me trouver trop proche des bruyant bambins à la joie non-refreinée, je me dirige vers la droite. Je trouve une place, bien au milieu de la pelouse. Je retire alors mon sweat, le pose dans l’herbe au soleil et m’installe confortablement dessus. Bizarrement, je ne sens aucun état d’urgence : je suis en train de te fuir mais je sais que courir ne sert à rien. Dans ma folie, je reste quand-même un peu lucide et logique.
Je fouille alors dans mon sac à la recherche de « La rédemption d’Althalus ». Je crois alors l’avoir trouvé et retire ma main de mon sac. Mais c’est le petit carnet noir qui se trouve dans ma main. Tiens ! je l’avais oublié lui ! Je le pose à côté de moi et, ne sachant pas comment réagir, je remets la main dans mon sac et récupère cette fois le livre. Je laisse alors mes doigts courir sur la couverture, l’observe et ouvre enfin le livre.
Souvent, quand on lit, on ne se rend pas compte du temps qui passe car on est bien trop absorbé. Et même une fois qu’on a enfin réussi à décrocher du récit, on se rend compte qu’il est tard et on résiste à la tentation de replonger dans cette autre réalité qui nous parait si fascinante par rapport à notre quotidien.
Moi non. Je me rend compte du temps qui passe quand je lis. Les rires des enfants qui jouent non loin, le vent qui coure sur ma peau, les douleurs sourdes de mon avant-bras, le soleil qui m’éclaire tantôt ou se cache derrière quelques nuages, les chiens qui courent comme des fous, grisés par leurs soudaine liberté… Je ressentais tout ça. La lecture d’un livre m’ouvrait non-seulement sur un univers imaginaire de l’auteur mais aussi sur le monde qui m’entourait. Mon ouïe se fait plus fine, tout comme mon odorat et mon toucher. Je sens jusqu’au parfum des filles qui passent pressées dans l’allée à quelques mètres.
Soudain, un éclair me traverse. Je pose précipitamment mon bouquin et attrape le mystérieux carnet noir. Je le rapproche de mon visage, et plus précisément de mon nez. Il sent évidement la colle de la reliure et l’odeur du papier neuf. Mais j’entraperçois aussi une odeur de papier mouillé puis séché et une once de sang. Pas le mien évidemment, j’avais appris à le reconnaitre. Mais l’odeur était si tenue que je doute désormais de l’avoir vraiment sentie et non tout simplement imaginée.
Je m’étais précipité avec espoir de sentir des brides de parfum de ma soi-disant « discrète admiratrice » mais je me retrouvais avec un mystère de plus : pourquoi une odeur de sang ?
Non, en fait je suis complètement paranoïaque. Je renifle de nouveau le carnet sans même dédaigner me cacher des regards interrogateurs de quelques couples ici et là. C’est bien ce que je pensais : aucune odeur de sang. Je me rassure de cette soudaine domination de la raison sur ma folie.
Je l’ouvre donc, prend un stylo dans ma trousse et le débouchonne. Je tourne la première page, vierge, et examine la suivante, tout aussi vierge. Etrangement, je ne me sens pas de remplir la première page. On dit souvent que c’est la première page la plus importante, car elle reflète l’ambition de l’auteur. Je décolle alors le post-it qui est au milieu du carnet et le colle sur la première page. Quel autre prologue aurait été plus complet et révélateur que ce petit message ?
Je pose alors la mine de mon stylo sur la seconde page, sans aucune idée de quoi écrire. Quelle idée ! Un garçon tenant un journal intime ! C’est la meilleure de l’année. Puis la honte me gagne : je me pensais bien supérieur à tous ces préjugés. Mais finalement, à part ma folie, je ne suis pas si différent des autres…
Décidant que mon stylo était rester immobile un peu trop longtemps, je me mets à écrire quelque chose : la date. Bah quoi ? C’est déjà un bon début. Quelques chiffres sur le haut de la page et dès lors je me détend, cette feuille plus tout-à-fait vierge me fait moins peur. Mais après, qu’est-ce que j’allais bien pouvoir écrire ? Les filles démarrent souvent par « cher journal » d’après ce que j’en ai entendu… Oui mais pour moi, personnifier quelques bouts de papier reliés entre eux ne me plait pas trop. A qui je pouvais bien écrire ?Mes parents ? Hors de question. Un membre de ma famille ? J’avais perdu contact avec eux depuis des années à cause de leurs brouilles avec Père. Un ami ? Non plus. La fille qui m’avait offert le carnet ? Cela me semble tout d’abord une bonne idée, mais une fois mon attention reportée sur ma feuille, je trouve cela totalement idiot. Si justement je me sens obligé d’ écrire à quelqu’un, ce n’est pas pour me rabattre sur quelqu’un dont je ne connais même pas l’identité. Mais déjà trois lettres s’étaient installées sur ma feuille : « Che ». Il me faut continuer. Alors, sans réfléchir je complète : « Cher Baptiste ».
C’est idiot, Je lutte pour me rappeler qu’il n’existe pas mais je lui dédie ce journal. J’ai envie de rayer ce nom maudit, mais quelque chose me retient inconsciemment. Enervé, je ferme le carnet et le remets dans mon sac, ainsi que mon roman. Je me lève, regarde autour de moi pour me réorienter et prends un chemin qui d’après mes facultés d’orientation devrait me ramener à la maison.
°je veux des com' svp! Je ne sias même pas si vous aimez et ça me stresse!°
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On aurait été mieux à deux
Teen FictionDans beaucoup de légendes du monde, les jumeaux sont maudits. Alors pourquoi pas ici? Lui est Jean... enfin était Jean. Il est désormais Jean-Baptiste : deux prénoms, deux personnalités, et pas mal de problèmes.