XIII. Extrait du carnet (chapitre bonus)

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C’est la rentrée ! Ce jour tellement détesté par les enfants et qui était pour moi un jour si heureux. Les vacances , c’est bien, mais un peu long vers la fin. Je regardais autour de moi les parents qui trainaient derrière-eux leurs enfants ; la tête trop remplie de soucis pour entendre leurs plaintes. Leurs visages maussades exprimaient combien ils n’avaient pas envie de retourner au bureau.

A la fin de ma contemplation, je me retournai vers toi. Tu étais comme les autres enfants, tu trainais des pieds et boudais sans retenue. Mais nous étions seuls. Aucun parent pour nous trainer jusqu’à l’école.

Je te fis un petit sourire d’encouragement mais tu t’enfonças encore un peu plus dans ta bouderie. Je poussai un infime soupir et me mis à fixer mes pieds, tout penaud. Après tout, ce n’était pas ma faute si c’était la rentrée, quand bien même j’adorais ça et tu détestais ça.

Mais tu m’attrapas la main, comme une excuse, comme une promesse. Tu me souris timidement, réponse un peu tardive. Et ma bonne humeur revint « illico-presto !». J’étais tellement excité de retourner en classe. Que les vacances avaient été loooooooongues. Intéressantes pour sûr, mais longues. Elles n’avaient pourtant pas été différentes des vacances d’été habituelles. On était restés ici une petite semaine, occupant notre temps en ballade, piscine et bibliothèque… « blibliothèque » comme on disait. Puis Père était lui aussi entré en congé et on est partis tous ensembles pour deux semaines de campagne, deux semaines de montagne et deux à la mer. « La campagne pour le repos et le calme, la montagne pour les randonnées et le bon air et la mer pour l’iode et le soleil » disait toujours Maman. Mais là, cela faisait une semaine qu’on « préparait notre rentrée » à la maison. Père était reparti travailler et Maman veillait à ce qu’on revoit nos leçons de l’année dernière.

Les parents avaient toujours eu une organisation optimale et mathématique de leur vie. Mais ainsi nous n nous ennuyions peu. Ils veillaient toujours à ce qu’il y ait quelque chose de nouveau à découvrir chaque jour, maintenant ainsi nos esprits éveillés et curieux. Et que j’aimais découvrir ! Ensembles, nous emmagasinions deux fois plus de connaissances que n’importe quel autre enfant normal.

Bien sûr, le rythme scolaire avait toujours été trop lent pour nous deux. Nous comprenions trop vite. Seul mon manque de tenue, issu sans doute de l’ennui, nous avait empêchés de sauter une classe.

Mais là, nous entrions en CM2 ! Dernière année avant le collège !

Nous arrivions enfin à la grille, main dans la main. Depuis l’année dernière, Maman ne nous accompagnait plus sur le chemin de l’école. Nous étions tous les deux assez grands pour nous débrouiller seuls.

Je te sentais tressaillir. Cherchant la source de ton angoisse nouvelle, mon regard tomba sur la dernière personne que j’aurai voulu voir : le gros Aymeric. Il se dirigeait vers nous, l’air très fier de lui. Je te lachai la main et serrai mes poings de colère. Tu restais en retrait, toujours aussi peu combattif.

« Alors le barge ? Prêt pour être mon souffre-douleur une année de plus ?

- On est encore dans la même classe ?

- et ouais le débile, les CM2B ! Une nouvelle année à te martyriser !

- Lâche-moi !

- Surement pas ! Alors ? ton frère vient encore te voir ? Il est là tout-de-suite ? Je ne le vois pas.

- Tais-toi sale porc ! »

Il se mit à rire, content visiblement de ma réaction. Le rouge me monta aux joues, un rouge de colère. Je serrai les poings plus fort encore, tentant de me retenir de le frapper. Tu n’aimais pas quand j’étais violent, même avec lui. Mais je ne tiendrais pas une année de plus. Le rire faisait tressauter le gras de son menton. Puis il lâcha :

« Décidément, t’es trop con. Con et barge, pas de pot ! Bon allez ! Je te laisse : j’ai des copains, moi. »

Voilà ce qui arrivait quand on ne tait pas ses curiosités. Je n’avais pas compris que j’étais le seul à te voir. Et maintenant, j’étais le « barge », sans ami. Je n’ai jamais considéré que tu m’aies pourri la vie. Je t’en ai voulu quand, dans mon adolescence, j’étais persuadé que nos parents t’auraient préféré à moi. Mais ce type de mésaventures à l’école, je les mettais sur le compte de mon manque de discrétion.

A toi mon cher Baptiste

Ton Jean

On aurait été mieux à deuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant