VII. Parfois, il vaut mieux reculer...

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Mes pas me guident et je ne me pose pas de question. Ton absence est tellement inhabituelle que je ne sais à quoi occuper mes pensées. Je décide alors de me focaliser sur le petit carnet noir qui m’avait tant énervé quelques minutes avant.

Ce n’est pas aujourd’hui que je découvrirai qui me l’a offert. Il fallait que je sois patient, la personne qui l’a mis dans mon sac est quelqu’un de très discret, car je ne quitte jamais mon sac. De plus, je l'aurais remarquer car ce n’est pas souvent que les filles m’approchent. Au début oui, mais elles avaient vite appri à m'éviter. Il fallait croire qu’un garçon bagarreur avait quelque chose d’excitant pour elles. Je me souviens avoir lu un article là-dessus qui disait que la sélection naturelle avait obligé les filles à choisir un mâle capable de les protéger. Mais cela me semble bien ridicule, surtout qu'à notre niveau d’évolution ce n’est franchement plus nécessaire. Comme quoi, les garçons n’étaient pas les seuls à être dirigés par leurs hormones. Une belle claque pour tous ces satanés préjugés.

Mais je me disperse. Mes pensées reviennent au carnet. La fille qui l’avait glissé dans mon sac est vraiment discrète. Je me demande soudain si ce n’est pas une blague des gens de ma classe. Une blague mesquine pour se valoriser et m’humilier. Non, ce n’est pas trop possible. Ils ne sont pas assez intelligents, ni pour remarquer ma folie bien cachée, ni pour prévoir un plan aussi bien mené. Et encore, je sais que je ne les sous-estime pas.

Je redoute encore une hallucination de mon esprit, mais cela me semblait aussi peu probable que la possibilité d’un piège de la classe. Je le saurais la prochaine fois que je me battrai.

Le temps de ces pensées, je me retrouve dans ma rue. Mon nouvel itinéraire est quasi-aussi rapide que mon ancien (si on ne compte pas l’arrêt dans le parc évidemment). Je rentre alors chez moi, finalement de bonne heure par rapport à d’habitude.

« Coucou Jean-Baptiste ! Tu es rentré tôt aujourd’hui. Comment s’est passé ta journée ? me demande Maman, toute guillerette.

Ce petit bout de femme est vraiment admirable. Au premier abord, elle semble si faible, si dominée. Elle fuit la moindre confrontation, se fait toute petite dès que le ton monte et n’insiste jamais. A chaque fois qu’elle tente de me parler sérieusement, je la refoule sans aucun ménagement. Et elle prend alors cet air penaud et se tait avec obéissance. La plupart des gens ne connaissait que cette facette d’elle et était encouragés à en profiter, la prenant pour une lâche.

Mais elle cache un bel atout : elle a la patience d’un chêne millénaire. Tu peux essayer d’abuser de sa gentillesse, elle te le fera payer au centuple en te harcelant, jour après jour, sans jamais abandonner ni perdre patience. Une usure à long terme qui nous décourage de recommencer. Le peu de gens qui ont connu ça la respecte désormais, sans vraiment lui en vouloir.

Depuis mes 5 ans, depuis que j’ai su que j’aurais dû avoir un jumeau et que c’est moi-même qui l’avait tué, je n’avais pas encore céder. Ma haine et à la fois mon amour inconditionnels pour ce frère avec qui je partageais chacun de mes moments me donnaient la force de me battre de te résister Maman. Mais pour la première fois depuis 12 ans, je n’ai plus ces armes pour te contrer. Mais je m’en rends pas compte tout de suite.

-« Bonjour Maman. Rien de spécial aujourd’hui.

- Tu veux du gâteau ? J’avais envie de pâtisser alors je suis rentrée plus tôt et j’ai fait un gâteau au chocolat. »

Elle me lance un clin d’œil et souris. Puis elle dit d’une voix faussement innocente :

-«  Non, monsieur. Je ne suis pas gourmande du tout. »

Un petit rire m’échappe. Elle est si forte.

-« Désolé Maman, mais pour ton bien, je vais devoir me sacrifier et manger tout cet affreux gâteau.

- Ne compte même pas là-dessus ! Je le défendrais au péril de ma vie ! »

Je lui souris effrontément. Cela faisait tellement longtemps que je n’avais pas autant parlé avec elle. Elle me tend alors une petite assiette avec une part de gâteau sous le nez. Au moment où je tends la main pour l’attraper, elle esquive élégamment et plante sa cuillère dedans.

-« Hé ! C’est ma part !

- Hmmm. »

Et elle enfourne vivement sa cuillère bien pleine de MA part de gâteau dans sa bouche.

-« Ok, là tu m’as cherché ! Tu veux la guerre alors tu l’auras.

- Au secours ! Mime-t-elle exagérément en reposant vivement l’assiette et la cuillère.

Et commença alors une course-poursuite dans le rez-de-chaussée. Malheureusement pour elle, je suis plus grand et plus sportif. Je l’attrape alors qu’elle essaye de mettre le canapé entre nous-deux et la dépose  sur le canapé pour la chatouiller.

-« Arrête, c’est pas juste, cri-t’elle entre deux crises de rire. Arrête ! s’il te plait ! Je me rends, je me rends ! »

Je stoppe alors la "torture" des chatouilles et nous nous dirigeons ensemble vers la cuisine et ses promesses de gâteau.

"Je pense que demain, je ferais une tarte à la pomme pour ton papa. Il adore ça!"

J'ai envie de lui rappeler méchamment que Père n'aimait rien, mais je me contiens. Pour une fois que j'arrive à passer plus de cinq minutes avec Maman, je ne vais pas tout gâcher.

 Mais il n'y avait pas besoin de moi pour que nos rires se taisent. Une clé tourne dans la serrure et Père rentre. Et, à sa tête, on voit très bien qu'il n'est pas moins glacial que d'habitude.

-"Bonsoir Chéri!"

- Bonsoir. Qu'est-ce que tu fais là Jean-Baptiste?"

On aurait été mieux à deuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant