Chapitre 3

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Un homme, visiblement pressé, dont les chaussures aéro-planantes étaient défaillantes, manqua de tomber juste sous le nez de Renard qui recula légèrement. L'homme toujours dans les airs commença à s'excuser lorsqu'il vit le rouquin à côté de lui et repartit aussi rapidement qu'il était venu. L'aventurier n'en tint pas compte et continua son chemin, les mains dans les poches. Les quelques personnes marchant simplement sur le sol s'écartaient sur son chemin. Cependant, la plupart des habitants d'Alquilia étaient munis de ces étranges bottes permettant de planer à deux ou trois mètres du sol. Certains avaient, également, des espèces de sièges faits d'un métal parfaitement lisse reflétant toute la lumière du soleil. Tout cela virevoltait au-dessus de la tête des gens flânant dans les larges rues. La majorité des personnes présentes regardait ou discutait avec les hologrammes affichés devant leur figure, sortant d'un petit boitier métallique. Les femmes, habillées avec d'étranges tenus colorées munies de plumes et de dentelles à outrance, souriaient, dévoilant leurs dents incroyablement blanches. Leurs enfants riaient en courant et jouant sur les étendues de dallages scintillants, mais ils étaient sévèrement rappelés à l'ordre car il ne faut pas paraître trop dévergondé. Les jeunes gens qui l'avaient compris restaient donc très calme, le visage fermé aux côtés de leur parent, les glorifiant abondamment devant les autres. Les hommes restaient aussi sérieux, la plupart d'entre eux se rendait d'un endroit à un autre pour leur travail, ils avançaient, le regard fixe. Ils étaient costumés avec des vêtements très serrés aux reflets argentés qui leur donnaient une allure de robot. Ils rentraient dans divers immenses immeubles semblant les engloutir. Ces bâtiments étaient faits d'un verre si transparent qu'on aurait pu voir la rue de l'autre côté. Il y en avait qui étaient parcourus de lierre dont on ne distinguait pas le bout tant le sommet des immeubles se fondait dans les nuages.

La première fois que Renard était venu à Alquilia, il avait été hypnotisé par chaque détail de ce lieu si étrange et magnifique à la fois. Il avait gardé les yeux grands ouverts tout le long de sa traversée dans la ville, sans se préoccuper des regards noirs autour de lui. Mais il avait aussi trouvé cet endroit effrayant, tous ces gens bizarres aux visages figés dans les mêmes expressions, vêtus de vêtements aux structures de métal... Il avait eu peur de l'immensité du décor semblant l'écraser et de tous ces grands visages bleus affichés un peu partout, répétant les mêmes phrases inlasablement : chers habitants d'Alquilia, l'administration alquilienne vous remercie de rester calme et courtois, pour votre bien et pour le bien de chacun. Chaque écart de conduite sera séverement puni. Nous vous souhaitons une agréable journée.

Désormais, plus rien ne l'impressionnait, il gardait la tête penchée et marchait rapidement. Il avait remarqué depuis bien longtemps que tout cela sonnait faux et n'y prêtait plus d'attention. Tous les aventuriers faisaient de même d'ailleurs, ils appréciaient retrouver l'odeur étouffante de leur petit bout de quartier à Mairpork où tout était bruyant et où ils avaient su trouver un peu de joie dans leur misère. Un bonheur sincère contrairement à ici. C'était ce qu'avait dit Ragtard quand il avait accompagné Renard pour sa première fois dans Alquilia. « Ce n'est pas une chance d'être aventurier car les autres ont au moins l'espoir qu'il y a monde meilleur au-delà du mur » avait-il ajouté. Renard s'en souvenait très bien et se le remémorait chaque fois qu'il venait s'aventurer à Alquilia.

C'est justement en y pensant qu'il arriva devant l'immeuble où avait lieu son rendez-vous. A l'entrée, une femme discutait avec une autre en vantant les mérites de son fils d'une quinzaine d'année, présent à ses côtés. Il faisait parti des enfants qui avaient compris qu'il fallait mieux ne pas faire de vague en se tenant bien droit, les bras le long du corps. Il avait le regard fixé dans le vide lorsqu'il croisa celui de Renard. Le jeune homme ouvrit légèrement la bouche et ses yeux devinrent ronds comme des billes. Le rouquin fut surpris de constater que c'était un regard implorant mêlé d'admiration que lui lançait le garçon, qui devait avoir à peu près le même âge que lui. Ce n'était pas la première fois que cela lui arrivait, mais à chaque fois cela l'agaçait. Après tout, il ne pouvait s'empêcher de se demander ce que pouvait lui envier un jeune alquilien promis à un avenir radieux. Le regard de l'adolescent se faisait de plus en plus insistant, et, par conséquent, mettait de plus en plus mal à l'aise le jeune aventurier. Mais la mère remarqua rapidement la présence de l'indésirable qui se rapprochait dangereusement et agrippa fermement sa progéniture par les épaules pour l'emmener ailleurs. Renard soupira et secoua vivement la tête. Il rumina ce court moment quelques instants, alors qu'il entrait dans l'immeuble luxueux. Ici encore, une grosse tête de femme aux cheveux parfaitement attachés, était projetée au milieu du grand hall. Elle saluait poliment les nouveaux arrivants avec la même phrase, assez similaire au speech des hologrammes présents à l'extérieur.

Les aventuriers de MairporkOù les histoires vivent. Découvrez maintenant