Les aventuriers de Mairpork

Chapitre 5

Ce que vous ne savez, comme la majorité des personnes en ce bas monde, c'est que malgré l'apparence désordonnée de Mairpork et surtout du quartier des aventuriers, un individu, caché dans l'ombre, se démenait pour y maintenir l'ordre. Un individu bien particulier, il était petit, vraiment très petit et poilu, vraiment très poilu. Il était le fruit d'expériences étranges menées il y a quelques années, par des personnes encore plus étranges terrées dans un recoin de Mairpork. Il avait monté les échelons, par on ne sait quel moyen, pour prendre les rênes des quartiers pauvres. Pourtant, seuls les plus importants aventuriers connaissaient son existence. Renard en faisait partie, il était même l'un des bras droits du « patron » comme ils l'appelaient tous. C'est, alors, de manière assurée qu'il se mit en route vers une petite porte placée dans l'une des ruelles adjacentes du quartier des aventuriers. La majorité des gens pensait qu'il s'agissait de la sortie de service de l'une des tavernes de la rue et n'y prêtait aucune attention.

Notre jeune aventurier entra discrètement comme à son habitude, et monta dans le petit escalier sombre. Les marches grinçaient affreusement à chaque pas, menaçant de s'écrouler. Il atteint le sommet rapidement et arriva dans un couloir, lui aussi plongé dans l'obscurité. Il n'y avait qu'une seule porte, plantée en face de lui, semblant luter pour rester debout. Il frappa à cette dernière avec précaution, se préparant à la rattraper lors d'une éventuelle chute. Une voix aigüe et lancinante lui dit d'entrer presque aussitôt. Le rouquin passa, donc, la porte et s'avança vers le bureau éclairé d'une lampe de chevet. La lumière jaunâtre ne couvrait que le meuble laissant les bords de la pièce, dans le noir. A côté du bureau, un vieillard était assis, le dos vouté et le visage dissimulé sous une capuche noire déchirée. Ses vêtements en lambeau laissaient apparaître ses mollets terriblement maigres. Il se tenait d'une main au bureau pour ne pas tomber de sa chaise. A côté de lui, sur un grand fauteuil, autrefois couvert d'un velours rouge vif, se tenait une petite silhouette. Une silhouette, elle aussi cachée sous une capuche, bien que la sienne était kaki, et surtout que de cette capuche sortaient deux grandes oreilles pointues. Sous le capuchon brillaient deux billes blanches effrayantes fixant Renard sans relâche. Quand ce dernier se rapprocha, ces deux points fluorescents disparurent au profit de deux yeux jaunes fendus par leurs iris noires, vaguement en forme de losange. Ce regard surplombait un museau portant une cicatrice, le coupant à l'horizontal, et une petite truffe humide reflétant un petit peu la lumière de la lampe. De longues moustaches blanches comme neige s'étiraient jusqu'aux bords de sa capuche. Ses babines toutes aussi claires avaient une petite tache brune sur le côté gauche. Sa gueule était fermée et n'affichait aucune expression.  Il était habillé de minuscules vêtements, un peu sales, de couleurs orangé, vertes et marron, également munis de quelques fils dorés. Il était assis comme un enfant, sur son fauteuil trop grand, les pattes arrières tendues devant lui et le dos bien installé contre le dossier devenu assez mou.

« - Approche Renard. » Dit le vieil homme à côté du chat.

Renard s'avança encore en peu plus du bureau et lança un regard interrogateur au vieillard.

« - Nous avons appris le contrat que tu as passé avec Athénaïs de Lussac pour tuer Monsieur de Molfraire... Malheureusement, tu ne peux pas faire cela, Monsieur de Molfraire est vital à Mairpork. C'est lui qui nous fournit les rares ressources en nourriture dont nous avons besoin, c'est pourquoi sans lui, nous sommes perdus. Ne croit surtout pas que c'est un saint, il veut juste contrôler Mairpork et avec cela contrôler une très grande partie d'Alquilia. Cela fait bientôt vingt ans qu'il fait ça, et avec le peu d'argent que nous lui avons envoyé en échange de la nourriture, il a pu économiser une petite fortune dont personne ne se serait douté. Maintenant, il est en passe de mettre la main sur Alquilia tout entier, ce qui va certainement être désastreux, mais malgré cela il ne faut surtout pas nous défaire de l'aide de cet homme car personne d'autre ne le fera... »