Libérée

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17 juin 2017

- Le directeur général de cet établissement à accorder votre demande de quitter l'hôpital. Vous allez nous manquer Rose. Bonne chance dans le futur et faites attention à vous, me dit ma psychiatre sèchement.

Avec un vulgaire sac de poubelle comme valise, je vais quitter ma maison depuis les quatre dernières années laissant derrière moi mon enfance, la tristesse, la peur, Layla...

Pour faire place à l'adolescence, au bonheur, la liberté et Benjamin.

Ce n'est qu'à l'annonce de son prompt rétablissement que j'ai décidé de quitter pour de bon. Je le rejoindrai et je pourrais tout de même cohabiter avec lui. De toute manière je n'ai nulle part où aller et j'ai écris une fausse lettre provenant de ma grande tante imaginaire que j'irais habiter à ces côtés.

Rusée la fille. Le pire dans ce stratagème de mensonges est qu'ils l'ont cru et qu'ils ne vérifient même pas si c'est vrai.

Après un long soupir pour me donner de l'énergie, je parcours le corridor assombri par le manque de lumière. Je passe devant la chambre de Greg et passe près de verser une larme à la vue de notre tunnel maintenant caché par un étagère.

Mes doigts frôlent les murs qui m'ont autrefois suppliés de leur venir en aide. Près du cadre de porte, je peux voir Layla en pleine session avec le psychiatre dans sa chambre .
Je lui adresse un sourire dans l'entrebâillement mais elle ne me voit pas.

Je passe par la salle de séjour et l'aire de vie commune.
Je suis maintenant devant les portes.
Je ferme les yeux et dépose un pied devant, suivi de l'autre.
Quand je les ouvre, je suis à l'extérieur pour de bon.

Je me retourne et voit à quel point l'établissement respire du désespoir.

Mais quand je regarde devant moi, vers la route, je ne vois que de l'espoir.

Benjamin

L'espoir, l'espoir. Mais quel est ce mot sans sens?

L'infirmière m'a bien dit durant mon repos forcé que l'espoir que je quitte l'hôpital enfin pour rejoindre ma Rose était pratiquement nulle.

Vu mon état végétatif, je deviens lentement un légume que tout le monde oublie au fond du réfrigérateur.

De toute manière, cela fait des semaines que je ne me suis pas levé debout. Ainsi que j'ai eu une petite phase d'amnésie. Quand même normale, je ne me souvenais pas de qu'est-ce qui s'est passé, de comment s'en est arriver là et pourquoi.

Toutefois, je me souviens de lors de mon réveil, une voix qui m'a semblé si lointaine m'a murmuré au creux de mon oreille: Rose, va l'a cueillir au jardin de la prospérité.

Je n'ai rien compris, mais j'irais l'a rejoindre peu importe où qu'elle est.

Je me redresse sur mon lit à l'aide de la télécommande.

J'ignore comment de temps je suis cloué à ce lit et comment il m'en reste encore, mais ce que je sais c'est que ça se terminera aujourd'hui.

Je tire sur les fils électriques qui me relient à une énorme machine et part à la course difficilement dû à l'inactivité de mes articulations, mais je reprends peu à peu du poil de bête.

Je suis sur la rue nue pied et la route me brûle la peau.

Chaque inspiration, chaque pas, chaque expiration et chaque mouvement que je fais me rapproche peu à peu de l'espoir et de la liberté.

Un seul but, rejoindre Rose.
Mais avant toute chose, je m'arrête brusquement. Ma poitrine me fait mal et mes jambes menacent de lâcher en tout moment. Je réalise à cette instant même que je suis toujours en jaquette d'hôpital et que je meurs de faim.
À ma gauche, j'arrive à voir une halte de magasins. Je m'y dirige en reprenant mon souffle.

Aucune monnaie et aucun argent sur moi, je vais à un magasin à grande surface en déposant rapidement sur mes épaules le premier manteau que je vois. Étrange pour le mois de juin mais je n'ai pas la choix.

Au chemin, je bouscule une petite fille sans le faire exprès. Je tente de m'excuser, mais son père me remarque et me crie après:

-Vous devriez avoir honte! Elle aurait pu être votre petite soeur! Sale pédophile regardez-vous!

Effectivement, vêtu uniquement de mon manteau arrivant au genou, j'ai l'air de cela.
Je tiens quand même à me défendre et à être prêt à répliquer, mais derrière lui, une main se déposant sur son épaule, une femme que je reconnais lui dit de ne pas s'en faire et d'aller ailleurs

Cette voix, cette main au doigt d'artiste portant cette bague...

- Madame Dean, criais-je sans me retenir.

La dame prête à continuer dans les rayons se retourne brusquement

- Comment... Comment savez-vous?

Je m'approchais d'elle en laissant à l'égard son compagnon et la fillette.

- Oh mon dieu, c'est bon de se revoir après toutes ces années, j'ai cru que vous aviez quitté la ville?

Sur les regards interrogateurs de ses acolytes, elle me supplie du regard d'aller en parler plus loin.

- Ah, euh, ravie de te revoir. C'est un de mes anciens élèves.

L'homme, dont les traits se sont apaisés croise les bras et fait signe qu'il ira plus loin.

-Fiouf.. Toi viens avec moi.

Elle m'empoigne la main et me dirige hors du magasin.



Entre les toilettes et les abreuvoirs, elle tente de m'expliquer à travers ses sanglots.

- Oh Benjamin, je suis tellement navrée, je n'ai pas eu le choix tu comprends? Surtout après le décès de son père.

Quoi? Je l'interromps dans ses paroles suite à ma grande surprise

- Je ne comprends plus rien.

Elle pousse un long soupir, se ferme les yeux, respire profondément et colle ses deux mains ensembles.

- Après avoir laissé Rose entre les mains de gens biens...
- Ce n'est pas vrai! Vous l'avez interné, interné! Comment des parents peuvent-ils faire une chose pareille à leur seule et unique fille? Ayez-le sur la conscience au moins!

Elle commença à pleurer de plus belle.

- Écoute, je... Je n'avais pas le choix. Après l'avoir in, inter, internée... Son père s'est enrôle dans l'armée. Il devait sortir sa frustration hors de lui et surtout ailleurs qu'à mon égard.
- Continuez
- Pendant une semaine après que Rose soit partie, il buvait énormément et rejetait sa colère sur moi. Il était devenu très très violent. Après, il constatait ses dégâts, s'excusait des tonnes de fois et m'envoyait même des fleurs au bureau. Mais quand je revenais, le soir, il recommençait et recommençait. Ça l'a été la pire des semaines de toute ma vie.
- C'est affreux. Il est où maintenant?
- Au cimetière Sacré-Coeur, me réponda-t-elle sans émotions.
- Il... Il est... Mort?
- Hélas, oui. Durant un camp d'entraînement. Son coéquipier l'a tué par accident.
- Horrible.
- J'ai vendu la maison et je me suis installée ailleurs refaire ma vie avec le gars que tu as vu tout à l'heure. C'est lui qui m'a supporté durant la semaine de l'enfer.
- La petite fille c'est...
- Ma fille.

Je te surveilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant