24h Pour me Sauver

Vidéo

08:50 am

C'est en arpentant les couloirs du lycée la tête basse que je commence ma dernière journée sur Terre. Il n'y aura pas de demain. Ou alors peut-être que mon fantôme reviendra hanter le lycée pour me venger de ce que ses élèves m'ont fait ? J'ai toujours rêvé leur flanquer une belle frousse. Mon esprit frappeur serait le meilleur moyen de leur rendre leurs méchancetés coup pour coup.

Ma musique est le seul élément qui me permet de m'échapper du monde extérieur. Les jeunes se saluent en grands cris, accolades, rires et blagues. Et puis il y a moi. La seule fille la tête rentrée dans les épaules qui triture le cadenas de son casier en espérant disparaître de la surface de la terre. 60 à droite, 20 à gauche, 40 à droite... Aucune photo. Rien. Le vide absolu. Seuls mes livres se disputent la place immense qu'offre mon casier. Là où tous les jeunes accrochent des photos de leurs amis et tendre moitié, mots doux ou souvenirs heureux, les parois métalliques me font face. J'ai tout enlevé il y a quelques mois. Les sourires hypocrites, les déclarations mensongères, les réminiscences entachées par leur abandon. Un soupir, un regard à mon poignet, il ne me reste plus que neuf heures avant de mettre fin à toute cette douleur. Neuf heures pour dire au revoir à tous ceux qui m'entourent.

« Alors Evans, quoi de neuf ? »

Dan, comme à son habitude, m'arrache un écouteur de l'oreille et se pose contre le casier voisin au mien. Aucune considération pour son propriétaire comme toujours... Comme chaque matin, il m'arrache un petit sourire en coin.

« Comment était ce week-end chez toi ? » continue-t-il sur sa lancée. Rien ne l'arrête jamais.

« J'ai connu mieux... J'ai juste hâte que la journée se finisse. »

J'espère qu'il n'entendra pas le craquement dans ma voix. Il porte sa main à mon épaule et m'adresse un petit sourire compréhensif.

« Tout va s'arranger, tu verras. »

Puis il disparaît après un petit clin d'œil dans le couloir bondé d'élèves. « On se voit plus tard, Evans ! » me crie-t-il par-dessus le vacarme de la foule.

Dan... peut-être la seule personne que je pourrais appeler ami. J'aurai pu. L'une des rares personnes à ne pas m'avoir tourné le dos alors que le lycée se liguait contre moi. Mais il a d'autres chats à fouetter, une vie à vivre... Il ne sera pas éternellement là pour me remonter le moral. Je ne suis qu'un poids dans sa vie, un poids duquel il doit s'occuper. Et il est trop gentil pour me le faire remarquer. Son existence serait beaucoup plus simple si je ne la perturbais pas...

La cloche retentit une première fois. Je m'engage dans la foule dense et compacte d'élèves, me faufile entre les corps en mouvement pour arriver presque la première dans ma salle de cours. Un sifflement, une remarque que je ne veux comprendre, des rires moqueurs, et je rejoins enfin mon bureau. Celui dans le coin, au fond. Seule, et isolée du reste.

Mes yeux se baissent sur une inscription au marqueur. Étrange... on est lundi, d'ordinaire les tables sont lavées durant le week-end. Combien de fois avec Kat aura-t-on écrit des messages pour espérer recevoir une réponse la semaine suivante ? Notre subterfuge n'aura jamais marché, mais chaque semaine nous recommencions avec l'espoir que ces quelques mots survivraient jusqu'aux prochains jours.

En parlant du loup... mon ancienne amie s'est transformée en reine du bal transie d'amour au bras du quater back le plus populaire du lycée. L'histoire romantique digne des films à la Mean Girls par excellence. Sauf que j'aurais plutôt le rôle de Janis sans possibilité de revanche sur Regina George. Et que je ne fantasme pas sur Chad comme Cady sur Aaron. Kat ne m'adresse qu'un regard froid et haineux accompagné d'une moue dégoûtée en pénétrant la salle. D'un mouvement de tête elle balance ses longs cheveux brillants en arrière et s'assoit en une posture altière. Il ne reste plus rien de mon amie d'antan. La chenille s'est transformée en papillon et moi je ne suis que le cocon vide...