Professeurs

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09:10 am

« Mademoiselle Evans, pouvez-vous me répéter ce que je viens de dire ? »

La voix du professeur me fait sursauter. Ce n'est qu'à ce moment que je me rends compte que mon regard fixe toujours le lien écrit au marqueur. Contrairement aux autres élèves, je n'ai toujours pas sorti mes affaires. Mr. Collins me fixe, et je n'ai aucune réponse à lui donner. Mes joues rougissent, j'essaie de balbutier une réponse, mais je sais que je n'ai aucune excuse. Tous ont l'air de se moquer de moi.

« La place du fond ne vous fera jamais disparaître, Kirstie. Peut-être que travailler pour une fois ferait remonter vos notes. Mais apparemment, vous préférez dormir en cours. »

Cette remarque arrache un rire de la part des élèves. Comme si les humiliations quotidiennes de mes pairs n'étaient pas suffisantes, il fallait aussi que mon professeur s'y mette. Alors qu'il continue sa litanie, je sors mes affaires de mon sac et j'utilise mon cahier pour cacher le fait que mes doigts tentent de flouter le titre et lien de la vidéo. Je n'ai pas besoin qu'il me fixe pour une heure de plus, il m'a déjà assez hantée comme ça.

Plus que sept heures et dix minutes à tenir. Que sont sept heures dans toute une vie ? Je pense pouvoir les encaisser après ces quelques mois à vivre un enfer quotidien.

Je prends à peine des notes durant toute l'heure. À quoi bon ? Elles ne me serviront jamais à rien. Je préfère feindre de m'intéresser au cours plutôt que de recevoir des remarques acerbes de Mr. Collins. Il ne manquerait plus qu'il précipite mon suicide... plutôt mourir que le laisser avoir un impact sur ma vie. Haha, très drôle, Kay.

Et pourtant il ne manque de m'en adresser une dernière quand je quitte sa salle. Une bouffée de colère m'envahit, mais il ne sert à rien de répliquer quoi que ce soit. Gâcher une heure de ma dernière journée dans le bureau du Proviseur ne m'enchante guère. Je prévois de faire bien plus.

Autrefois, j'étais une bonne élève. Avant la fête, et la vidéo. J'avais d'ailleurs eu des résultats honorables durant les examens de Décembre. À cette époque mes professeurs et le conseiller d'éducation de ne se faisaient aucun doute : je recevrais une bourse pour entrer à une bonne université. Entre l'argent que ma mère avait mis de côté et mes bons résultats, mon futur était déjà écrit. Et il promettait d'être joyeux.

Et puis la vidéo est sortie. Ma concentration en classe a chuté. Avant que je ne change de bureau dans toutes les classes où il m'était possible de le faire, je m'asseyais au milieu. La parfaite place pour la souffre-douleur. Chaque fois que les professeurs se retournaient, je recevais une nuée de petits mots doux. Des gars qui me proposaient de leur offrir des faveurs en l'échange d'argent – ou pour mon propre plaisir – des dessins peu flatteurs, des insultes, une demande de date de sortie pour mon prochain film porno... Ce qui ne s'étaient avérés être que des baisers ont été transformés en actes sexuels des plus dépravés. Je ne faisais plus qu'embrasser, j'étais devenue une professionnelle des positions du kamasutra, et digne des meilleures actrices pornos. Encore une fois, on s'appropriait mon corps.

J'aurais peut-être pu m'y habituer, à force. C'était sans compter les gars qui me confiaient se faire plaisir avec leur main droite en pensant à moi, prêts à me rapporter une preuve de leurs actes. Et sur les filles qui gloussaient quand elles entendaient de telles paroles, suivies de « je suis sûre que ça lui fait plaisir ! ». Encore une fois, dans tout ça, j'étais celle en cause. Ceux aux pensées douteuses, salaces, peu acceptables, étaient jugés drôles. Mais moi, la victime, j'étais dégoûtante. Je ne comprendrais jamais pourquoi. Ça n'avait aucun sens. Bizarrement, aucune fille ne s'est jamais ventée user de ses doigts en pensant à moi pour se procurer le même plaisir...

24h Pour me SauverOù les histoires vivent. Découvrez maintenant