Retour avec Jeanne et Martin

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Nous sommes arrivés rapidement devant le lycée. Pendant tout le trajet, Oliver semblait plus distant avec moi, comme si j'avais dit quelque chose de mal. Je sais que je n'ai rien à me reprocher, mais pourtant, l'ambiance a changé entre nous depuis l'appel de ma tante. L'air est devenu plus pesant, l'atmosphère plus lourd et le climat plus oppressant.

-Je vois une voiture s'avancer vers nous, ça doit être eux, lance Oliver.

Je reconnais immédiatement la voiture de Jeanne et Martin. Je suis clairement déçue car j'aurai préféré qu'ils mettent plus de temps sur la route afin de finir ma discussion inachevée avec Oliver.

-Oliver, encore merci pour ce soir, bafouillé-je, je me sens bien mieux et...

-Ne me remercie pas Céleste, c'est normal. Répond Oliver du tac au tac.

-Pourtant j'ai comme l'impression de t'avoir un peu importuné...

-Céleste, ne crois pas ça, tu ne me déranges pas, bien au contraire, rétorque Oliver en me fixant avec ses yeux bleu azur.

-Pourtant, tu as dit...

-Oublie ça Céleste, ne t'embrouille pas l'esprit avec des broutilles. Allez, je file à l'arrêt de bus.

-Mon oncle et ma tante accepteront de te ramener avec plaisir, tenté-je.

-J'apprécie l'intention, mais je préfère rentrer en bus. Repose-toi bien et à demain Céleste.

-À demain, répondé-je dans un souffle.

J'observe Oliver filer droit devant lui sans me jeter un regard. Je me dirige d'un pas assuré vers la voiture de Jeanne et Martin. J'essaye de récupérer un semblant de sourire pour ne pas les inquiéter.

-Bonsoir, leur lancé-je.

-Céleste ! Comment vas-tu ? Me demande Jeanne inquiète.

-Beaucoup mieux, tenté-je de sourire, ne vous en faites pas.

-Que s'est-il passé ? Demande Martin en démarrant la voiture.

-J'ai fait une chute pendant l'entraînement, rien de grave.

-Rien de grave ? Répète Jeanne. L'infirmière scolaire nous a quand même appelés ! Ce n'est pas rien ! Tu étais inconsciente apparemment !

-Je pense que j'ai du faire un petit malaise, menté-je. Je n'ai pas beaucoup mangé à midi et je me suis beaucoup dépensée pendant l'entraînement. Un simple manque de glucide certainement.

-Une crise d'hypoglycémie ? Réfléchit Jeanne. Ah, c'est possible, Lucie en faisait souvent.

-Ma mère faisait de l'hypoglycémie ? Questionné-je en me redressant brutalement de mon siège.

-Oui et pas qu'un peu, rigole Martin. Elle pouvait s'évanouir n'importe où et n'importe quand, alors Jeanne pensait toujours à lui glisser un petit tube de lait concentré sucré dans ses affaires.

Je rigole alors. Martin en fait de même. J'adore ces moments où on parle de maman. Ils sont rares et précieux. J'imagine tellement maman, tête en l'air, oubliant de s'alimenter et s'évanouissant par manque de calories. Et je vois totalement sa sœur lui donner des conseils et l'armer de sucre liquide.

-Martin ! C'est loin d'être amusant ! S'énerve Jeanne. J'étais folle d'inquiétude !

-Elle essayait certainement de faire un régime draconien pour plaire à Sirius et elle ne t'en a jamais parlé ! Pouffe Martin.

-Pas possible ! Car, de un, ma sœur me l'aurait dit si elle faisait un régime, elle me disait tout. Et de deux, Sirius était tellement fou d'elle qu'il s'en moquait de ses quelques kilos superflus.

Un silence s'impose soudain. Certes, il nous arrive parfois d'évoquer ma mère, mais jamais nous ne parlons de mon père. Cela fait bien des années que je n'avais pas entendu son prénom sortir de leur bouche. Martin et Jeanne doivent le réaliser aussi car aucun ne continue la discussion. Pourtant, j'ai envie d'en savoir plus. Je veux connaître des choses sur mon père et sur la relation qu'entretenait mes parents.

-Et Sir... Enfin, je veux dire, mon père, il aimait maman tant que ça ?

Grâce aux phares des voitures roulant en sens inverse, je peux observer les regards inquiets de Jeanne et Martin qui se croisent. Le silence se fait de plus en plus imposant.

-Oui, Sirius aimait beaucoup Lucie, finit enfin par dire Jeanne dans une grande expiration. D'ailleurs, il était au courant pour les malaises de Lucie et il la raccompagnait très souvent le soir pour pallier son inquiétude. Il trouvait toujours une excuse minable pour demeurer à ses côtés jusqu'à ce qu'elle passe le seuil de la porte.

Je me jette en arrière en m'enfonçant dans la banquette. J'aime entendre que mes parents étaient si amoureux. Mais, cette question qui me hante depuis que j'ai l'âge de m'interroger, me revient violemment en tête : « si mon père aimait maman aussi fort, pourquoi nous a-t-il abandonnées ? »

-Oh ! Regardez, la maison des Malou a déjà été vendue ! S'exclame Martin.

Je n'ai même pas réalisé que nous venons d'arriver à la maison, le trajet fut rapide. Je me tourne alors vers la maison d'en face et scrute le panneau « vendu » sur l'imposant portail électrique.

-Ils ont trouvé des acheteurs rapidement, renchérit Jeanne. Je me demande bien comment sont nos nouveaux voisins, nous irons nous présenter dans la semaine.

Je jette un dernier regard vers le panneau indiquant que la maison va accueillir de nouveaux propriétaires. Les gens vont et viennent. Ils circulent dans nos rues, ils traversent nos routes, ils possèdent une maison dans notre quartier, ils nous croisent, ils passent dans notre vie. Ils sont juste de passage pour certains moments de notre existence. Pourtant, chaque personne rencontrée au cours de notre destinée s'immisce dans notre cœur, y trouve sa place et s'y installe à jamais.

Note de l'auteur : On en apprend un peu plus sur les parents de Céleste 😊 j'espère que ces petits détails vous feront plaisir 😊

La gardienne Céleste - Tome 1: EveilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant