Chapitre 11

5 2 1
                                    

Quelques mètres plus loin, nous arrivons devant la maison entourée d'une piste en bêton. Je l'ignore et Peter pareille. Claude semble mal à l'aise. Rose regarde fixement devant elle. Marjorie tourne la tête. Par contre Juliette, Manon et Esteban la regardent, inquiet.

-C'est quoi ? interroge Juliette

Personne ne répond.

-Pourquoi il y a une si grande piste autour de cette maison ? ajoute Manon

-C'est une maison entourer d'une piste de ciment d'environ 500m. Grâce à cette piste, on peut la voir de la montagne, j'explique à contre cœur

-Pourquoi ? demande Esteban

-Pour tuer les personnes qui s'y aventurent, je continue

Je regarde la piste malgré moi. Il ne reste rien du bombardement. J'aurai dû m'en douter. Ils ont nettoyé pour que d'autres personnes se prennent dans leur piège. C'est comme à la chasse. On croit qu'on peut y arriver, qu'on peut échapper à son assaillant mais l'arme est trop rapide et c'est si près du but, que le chasseur gagne. Je détourne les yeux dégoutés et j'avance plus vite. Les autres suivent mon allure. Nous dépassons la piste et la maison. Nous passons devant le village en ruine sans nous arrêter.

Le soleil, à son zénith, les arbres et tape fort. Nos tee-shirts sont trempés de sueur. C'est la journée la plus chaude depuis que nous sommes partis. Nous avons tous hâte d'arriver et en même temps nous sommes terrifiés. Je fredonne les chansons que ma mère chantait. Les yeux fermé, je marche en essayant de dénouer ma gorge et mon estomac fait des bonds dans mon ventre. Peter s'arrête et je lui fonce dedans. J'ouvre les yeux et recule un peu assommée. Je scrute l'horizon à la recherche d'une raison pour laquelle on n'avance plus. Au loin, je vois notre village en poussière.

Les derniers mètres, j'avance au ralentie. Juste devant notre village, je m'arrête. Les autres ne le voient pas et continuent d'avancer. Ma respiration s'accélère, mes mains deviennent moites et mon cœur bat plus vite. La chaleur me semble trop forte, le vent trop froid, le soleil trop éblouissant et surtout, j'ai du mal à respirer. Je ferme les yeux. Tout tourne autour de moi et mes yeux me font mal. Soudain, je sens une main se glisser dans la mienne. J'ouvre les yeux surprise. Peter est là. Il me regarde :

-Ca va bien se passer

-Oui

-Tu as peur ?

Je lève les yeux et les plongent dans son regard. Je m'y enfonce doucement.

-Oui, je murmure

-Viens, on est parti ensemble et nous y retournons ensemble.

Je hoche la tête et chuchotons en même temps :

-Ensemble

Nous avançons.

Les maisons ont disparu. Il ne reste que le sol et certain murs. Les anciennes rues sont recouvertes de débris de murs ou d'objets. Les lieux publique, pour certains, tiennent encore debout. Le pire, c'est les os qui jonchent le sol. Les os de qui ? Ma mère ? Ma voisine ? Le chien ? Je chasse ces pensées. Par endroits, sur les routes cabossées, il reste des traces de brulures. Je me stoppe. Peter, qui me tient toujours par la main, s'arrête aussi. Là, devant moi, les restes de notre maison. Je cherche Rose. Elle l'a vue. Je lâche Peter et m'avance parmi les débris. Notre cuisinière est toute brulée. Le reste de la maison est entièrement détruite. Je vais là où se trouvait notre chambre à moi et à ma sœur. Des morceaux de bois sont éparpillés partout. Je suppose que c'est ce qui reste de nos lits et notre armoire. Je déplace délicatement les morceaux de bois brulés. Je retrouve des bouts de tissus. Impossible de savoir à quel vêtement ils appartenaient. Je ne vois pas les morceaux de verre et je m'y coupe le doigt. Une goutte de sang tombe et imbibe le bois. Je glisse mon doigt dans ma bouche. Je plisse les yeux. Non, je n'ai pas rêvé. Avec l'autre main, je déplace les copeaux de bois. Là, au milieu des débris, je retrouve... Le cadre photo du mariage de mes parents. Nous n'étions pas encore nées. La photo est traversée par de nombreuses fissures et par endroit, de petits morceaux du verre se sont échappés et perdu dans ce champ de ruines. Je me relève toujours le cadre à la main. Par chance la photo n'est pas abimée. Je la montre à Rose. Elle a les larmes aux yeux. Pas moi. Est-ce normal ? Non, bien sûr que non. Je savais déjà ce que j'y verrais. J'étais préparé. Du moins, je savais que ce serait des ruines, des cendres et que tout le village était mort. Je me dirige ensuite vers, ce qui a été, la chambre de ma mère. Sous la bibliothèque en cendres, je trouve une feuille. Elle venait d'un livre. Je déchiffre la première phrase de la page à moitié brulé :

La vie est une succession de choix qu'il faut savoir assumer ensuite.

Je laisse retomber la page. Est-ce une coïncidence ? Je repars la phrase imprimé en moi. J'y réfléchirais plus tard.

Peter ne s'arrête pas devant sa maison. Je le regarde impressionné. Je me place à côté de lui. Mes doigts se glissent dans les siens qui se referment sur les miens. Puis nos regards sont attirés sur le Dri. Il est là et se dresse fièrement parmi les décombres. Le hangar désaffecté où nous allions à partir de 12ans au cas où nous serions attaqués. Leurs espoirs n'étaient pas vains car tout cela nous a réellement servi. Si quelqu'un était arrivé, le premier jour de Septembre un an plus tôt, et m'aurait raconté tous ce que j'allais vivre, je lui aurais ri au nez. Pourtant, tout cela est arrivé.

Nous sommes tous là. Figé devant le Dri et personne n'ose entrer. Je me cramponne à la main de Peter et le tire en avant. Ainsi j'entre la première suivi de près pas les autre. Exactement comme dans mes souvenirs. Les murs noircis par le temps. Il y fait froid comme d'habitude. Je lâche Peter et cours dans la salle où se trouve mon casier. Il est là et n'a pas bougé. Je l'ouvre. Mon pantalon non plus n'a pas bougé et les affaires que j'y avais laissées, sont toujours immobiles. Les manuels qu'ils m'ont donnés à la rentrée sont empilés au fond du casier. J'enfile mon pantalon et sors de la pièce. Les autres n'ont pas bougé. Je leur fais signe de me suivre. Je les emmène dans la cantine. Ils s'assoient sur les bancs et je vais en cuisine. Peter m'accompagne. Nous ouvrons les placards. Tous les fruits et légumes sont moisis. Nous ouvrons le congélateur. Là, nous trouvons quelques aliments encore bon. Peter allume la cuisinière et commence a préparé le diner. Je fouille dans les placards et finis par trouver des assiettes et des couverts. Je n'étais jamais venu dans la cuisine. Il y a plein de machine qui me sont inconnu et beaucoup de placards. Ensuite je mets la table puis retourne en cuisine et observe Peter. Ses gestes sont rapides et précis. Il sait utiliser chaque engin.

-Tu savais qu'on allait retrouver des ruines ? je demande intrigué

Il ne s'arrête pas et me répond :

-Aurait-il pu en être autrement ?

-Non, j'admets, mais ça ne te fais pas peur cette solitude ? Ce silence ?

Là, il s'arrête et me scrute :

-Nous venons de vivre un mois en forêt tout seul. Pourquoi ? Tu as peur ?

Je baisse les yeux :

-Oui, je murmure

Il me sourit :

-Je croyais que tu aimais le silence et la solitude ?

-Très drôle, dis-je ironiquement

-Ne t'inquiète pas, tu n'es pas seule, chuchote-t-il en souriant

Je lui rends son sourire.

Après le dîner, Claude installe les matelas dans une salle du Dri. Il se relève et dit :

-Je vais aller à la capitale

-Pourquoi faire ? demande Rose

-Pour leur expliquer ce qui c'est passer et pour qu'ils reconstruisent la ville

-Pourquoi il fera ça ? je demande intrigué

-Parce qu'ils ont promis de vous aider et qu'ils ont détruit vos vies. Ils vous doivent bien ça Non ?

-Si, j'admets

-Je pars demain

-Si vite ! s'écrie Rose

-Le plus vite sera le mieux. Vous voulez m'aider ? demande Claude à Rose, Juliette, Manon et Esteban.

Il acquiesce même s'ils ne savent pas ce qu'ils vont faire. Moi, je m'éloigne. Je déambule sans vraiment avoir de chemin. Mes yeux fixent mes chaussures. Elles sont très abimées. Je n'aime pas ce silence et cette solitude si profonde. Pourquoi avons-nous fait ça ? La vie est une succession de choix qu'il faut savoir assumer ensuite. Je relève la tête. Non, je ne regrette pas mon choix.

Je m'arrête. Je suis dans un champ. Le champ où j'aimais tant aller. Je me laisse tomber dans l'herbe. Dans un an, au plus tard, notre ville sera reconstruite et nous serons tous très heureux. Que vais-je faire de ma vie ? Peut-être que j'aurais des enfants ? Peut-être que je me marierais ? Peut-être que je travaillerais ? Je laisse mes pensées mêlée aux souvenirs vagabonder. Une douce brise printanière me caresse le visage. Mes doigts déterrent délicatement chaque brin d'herbe. Je rêve de cette vie où je vais pouvoir vivre dans une ville paisible. Je n'aurais jamais plus peur ou faim...

Les Rescapés  2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant