Les sentiments sont une science étrange que j'ai bien du mal à comprendre. Ils sont aussi bien éphémères qu'éternels, agréables que douloureux.
Alors j'en ai décortiqué un, juste pour voir. Je l'ai assaisonné de mes ressentis, de mon point de vue et d'un soupçon de mon expérience personnelle. Et voilà ce que ça a donné.
À plusieurs reprises, j'ai voulu les arrêter. Les empêcher de commettre ces crimes. Ces crimes odieux. Ces crimes en mon nom. En mon nom. Toujours en mon nom. Mais sans jamais l'avouer de vive voix.Sans jamais l'admettre. Parfois même, sans le savoir. Mais moi, moi, je le sais. Moi je l'ai compris. Depuis longtemps. Depuis bien trop longtemps. Et ça me répugne. Je me répugne. Non. Non. Ils me répugnent. Tous. Tous autant qu'ils sont. Tous ces humains qui se croient au-dessus de tout mais qui sont pourris jusqu'à la moelle.Je les déteste. Je les hais. Je les hais. De me faire subir ça. De se détruire sous mes «yeux». En mon nom. Sans me voir. Mais moi,moi, je les observe. Silencieusement. L'un poignarde son meilleur ami. D'autres se séparent, en larmes. Un autre se mutile. D'autres encore se battent. L'un se suicide. D'autres se vengent. Un autre égorge son voisin. D'autres encore complotent. L'un subit. D'autres sont les bourreaux. Un autre se noie dans la folie. D'autres encore exercent leur haine . L'un se tait. D'autres hurlent de rage. Un autre reste impassible. D'autres encore font semblant. Semblant. Toujours semblant. Semblant d'être heureux. Semblant d'aller bien.Semblant de rire. Semblant d'aimer. Semblant d'espérer. Semblant d'avancer. Semblant de vivre. En mon nom. Sans jamais s'en rendre compte. Sans même se rendre compte des sentiments d'autrui. Sans se rendre compte qu'ils se font du mal à eux-mêmes. Alors moi, je les observe. Je me tais et je les observe. Encore et encore. Sans intervenir. Non. Je ne peux pas. Ils ne me voient pas. Ils me ressentent. Ils me ressentent du plus profond de leur être misérable. La plupart du temps, ils m'associent à quelque chose de négatif. Et ils en profitent pour se détruire. En mon nom. Toujours en mon nom. Toujours. Toujours. Toujours. Toujours. Toujours. Toujours. TOUJOURS. TOUJOURS. TOUJOURS. En je ne peux pas les arrêter. Non. Bien sûr. Ça aurait été trop facile. Alors je me contente de les observer. Chaque jour. Chaque heure. Chaque minute. Chaque seconde. Depuis longtemps. Depuis des mois. Depuis des années. Depuis des générations. Depuis des siècles. Depuis des millénaires. Depuis des millions d'années. Depuis la nuit des temps. Ça ne cessait pas. Ça ne cesse pas. Ça ne cessera pas. Jamais. Non. Jamais. Pourquoi cela cesserait-il? Je suis la parfaite excuse. L'infaillible alibi. L'atout majeur. L'éternel tourment. Le moyen de faiblesse. Je suis la clef de réalisation du crime parfait. Celui qui déchiquette son collègue le fait en mon nom. L'enfant qui casse le jouet de son camarade le fait en mon nom. L'homme qui trompe celle qu'il dit aimer le fait en mon nom. L'adolescente qui se dispute avec sa meilleure amie le fait en mon nom. Le voleur commet son délit en mon nom. L'être au cœur brisé qui se pend au milieu de son salon le fait en mon nom. En mon nom. Toujours en mon nom. Pourquoi? Pourquoi? Pourquoi? Pourquoi? Pourquoi? Pourquoi? Pourquoi? Pourquoi? Pourquoi? POURQUOI? POURQUOI? POURQUOI? Pour eux, je suis quelque chose de mal. De mauvais. De néfaste. De cruel. D'insupportable. Pour eux, je suis le péché. L'un des sept péchés capitaux. Pourtant, malgré tout, je reste quelque chose de naturel dans leur quotidien. Oui. Mais jamais, non jamais, ils ne l'avoueront. Oh non. Bien sûr que non. Ils sont bien trop fiers. Bien trop orgueilleux. Bien trop vicieux. Bien trop aveugles. Bien trop lâches. Lâches. Oui. C'est le mot. La lâcheté. L'humanité se définit par la lâcheté. La lâcheté de l'être humain. L'une de ses nombreuses faiblesses qui prouvent qu'il est loin d'être parfait. Celle qui permet à tous ces êtres d'agir en mon nom. Qui leur permet de se terrer dans un sentiment de complaisance. Je ne suis rien d'autre qu'un prétexte. Un simple prétexte à toutes les horreurs qu'ils commettent. Sans avoir de remords. Du moins, sans toujours en avoir. Je les hais. Je les hais. Je les hais. Je les hais. Je les hais. Je les hais. Je les hais. Je les hais. Je les hais. JE LES HAIS. JE LES HAIS. JE LES HAIS. Ils me répugnent. Les voir se disputer me répugne. Les voir se battre me répugne. Les voir s'entretuer me répugne. Me révulse. Mais je continue à les observer. Que puis-je faire d'autre? Je ne suis rien. Je suis éphémère. Imperceptible. Pas toujours identifiable. Sans eux,finalement, je ne suis rien. Après tout, je dépend d'eux et de ce qu'ils ressentent. En fait, si on regarde bien, ce sont eux qui m'ont permis d'exister. Exister. C'est un bien grand mot pour quelqu'un comme moi. Oui. Ils me répugnent. Mais sans eux, je n'ai aucun but. Alors je les observe agir en mon nom. En mon nom. Toujours en mon nom. Qui suis-je? La jalousie. Je ne suis autre que la jalousie.
Fin
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Dans les Songes d'une Ecosse
Short StoryViens, voyageur. Laisse-toi tenter par l'odeur douce-amère des pages de cet ouvrage. Entends la mélodie de ce piano et laisse les rires de cette jeune fille te guider. Ne prête pas attention aux coups de feu et méfie-toi du petit Pwcca. (La couvertu...