le métronome thoracique

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Je ne sais pas comment expliquer un cœur.

Le cœur, c'était un métronome animé.

Il battait dans nos veines bleuies, notre peau mince, il battait à travers nos âmes égarées sans jamais s'arrêter, il battait la mesure sans jamais perdre de temps.

Parfois, lorsqu'on tendait l'oreille, on parvenait à l'entendre, ou du moins imaginer sa pulsation.

Il résonnait toujours de plus en plus fort, nous propulsait vers une éternité éphémère, la vie, ou une illusion bien réelle, le temps.

Il décrivait un écho qu'on ne pouvait pas retenir, un écho incontrôlable qui tentait de guider le rythme de nos cerveaux qui n'en faisaient toujours qu'à leur tête.

Le cœur, il rendait parfois aveugle. Si aveugle qu'il fallait lui faire assez confiance pour tâcher de ne pas échapper nos sens restants.

Il était enfermé dans sa cage, et ses libertés étaient prisonnières d'un piège thoracique.

On n'arrivait jamais à suivre ses états d'âmes, et moins on les discernait, plus il les amplifiait, et il tentait souvent d'accélérer lorsqu'on ne les écoutait pas. Il tentait de s'évader, briser ses barreaux.

Il se jetait contre les parois de son cachot et tentait de se briser lorsqu'on ne lui faisait pas attention. On l'entendait voler en éclat, et on pouvait ressentir ses morceaux cassés percer nos poumons, voler notre oxygène. On devait donc respirer un air irrespirable, suffoquer et lui donner du temps pour cicatriser.

Le cœur, il s'abreuvait d'œuvres d'arts, se nourrissait de souvenirs, et tombait amoureux des âmes envolées qui croisaient son chemin. Il éclorait à travers les larmes qu'on lui donnait.

Injecté d'adrénaline, il cognait avec une telle puissance qu'on devait parfois courir pour arriver à suivre son tempo.

Un battement de cœur, c'était l'ombre du sourire qu'on a si longtemps espéré, c'était le froid de la première neige, c'était une nuit noire envahie d'étoiles qui perçaient le ciel, c'était notre chanson préférée, c'était la voix de la personne qui nous tenait éveillés chaque nuit, c'était le vent d'octobre qui chatouillait nos joues, c'était les effluves des premiers jours de printemps qu'on avait attendus trop longtemps, c'était le crépitement des flammes qui valsaient avec l'air, c'était les premiers rayons du soleil de mai qui projetaient une flaque de lumière sur le sol, c'était les constellations qu'on dessinait sur des joues tachetées des éphélides d'été, c'était les larmes qui frayaient un chemin creusé à l'avance sur des visages troublés, c'était les bras que l'on tenait ouverts sous les gouttelettes de pluie qui embrassaient nos paupières amoureuses, c'était les cris lancés dans le néant tels des promesses qu'on aurait souhaité avoir le courage de tenir, c'était les couleurs qui semblaient toujours plus vibrantes après être sortis de la pénombre. Un battement de cœur, c'était les sensations indescriptibles qui laissaient une empreinte éternelle dans chaque expiration qu'on soufflait.

Mais d'une manière imperceptible, à chaque seconde, le cœur s'époumonait. À chaque seconde, il nous rapprochait de la fin de la symphonie qu'il dirigeait aveuglément et passionnément. Lorsqu'il annonçait sa dernière pulsation, il était usé de rire, usé de douleurs, usé de fatigue, usé de vie.

Et ça, personne ne pouvait le voir.

Le cœur, il était fascinant.

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