maman,
je ne comprends plus ce qui m'arrive, ma peau
me brûle, ma bouche
s'enflamme et ma langue
ne suffit plus
pour gueuler
mon existence.
maman, pourquoi
m'as-tu appris à lire en découpant chaque mot
avec une fourchette et un couteau,
pour ensuite mâcher chaque syllabe poliment,
la bouche fermée, sans faire de bruit
et prendre le temps de tout digérer tranquillement.
pourquoi?
je sais comment lire
sur leurs lèvres intoxiquées,
mais pas comment articuler des injures,
pendant qu'Ils tricotent l'indifférence
tout doucement.
avant un coup d'État en plein dans nos ventres vides,
alors qu'on dort au gaz.
maman, c'est une guerre fade
qu'on goûte (à peine),
qu'on remarque (presque pas),
qu'on médiatise
(jamais immédiatement).
on attend encore un peu,
Ils disent tout bas.
c'est comme ça qu'on doit faire devant l'animal,
le sauvage.
jouer le mort, ne pas bouger
pour qu'il laisse tomber
qu'il n'ait plus de larmes à pleurer,
plus d'insultes à crier,
plus de vitres à briser.
qu'il se lasse d'espérer qu'un jour
on va le nourrir.
(qu'Ils laissent faire,
je veux leur dire.
Ils me dégoûtent,
Ils m'arrachent la faim,
Ils me font vomir.)
maman, c'est une guerre amère
qu'Ils dissolvent dans un verre d'eau tiède.
et c'est toujours eux qui ont les armes;
Ils les teignent à l'eau de javel.
maman, pourquoi je suis pas comme eux, moi?
je peux pas feindre mon ignorance, moi
je peux pas pleurer au compte-goutte
pour hydrater un mirage calculé,
moi,
j'inonde nos fissures thoraciques
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épaves
Short Storyque des mots maladroits, parfois poétiques, qui s'enchaînent, des idées sans but précis qui ont traversé mon esprit et que j'ai capturées à coups de clavier.