onze du onze

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C'est novembre. Y a des ébauches de blizzard dans les feuilles mortes, comme des morceaux de styromousses déchirés par dessus les restants d'octobres, comme un cadeau de Noël déballé trop tôt par un enfant maladroit, impatient.

C'est novembre. Y est cinq heures de l'après-midi et la seule preuve que le ciel est pas en train de nous tomber dessus, c'est les lampadaires qui reflètent la dernière lumière qu'on va voir de la journée sur les flocons timides qui gèlent nos oreilles qui sont tout juste en train de se déshabituer aux soirées chaudes d'un été indien à la québécoise, été toujours étiré comme un élastique qui finit par nous éclater au visage.

C'est novembre et j'ai froid. Pas grave, j'ai 3 mois pour m'y habituer. 3 mois québécois, c'est presque une éternité, c'est compter sur sa main en attendant que ses doigts tombent de froid.

Mais y a quelque chose de presque religieux dans le fait de regarder quelqu'un faire du vélo sur un tapis tout blanc, de marcher à contresens au même rythme qu'un chien qui porte un manteau probablement plus chaud que le sien. De laisser la voix de Freddie Mercury se réchauffer le creux du cou, de sentir l'odeur du froid sur les parois de ses narines. Ma religion, c'est de marcher dans Montréal après la première neige en écoutant du Queen et d'empreinter des rues qui ne n'appartiennent pas, en dessous d'un ciel pollué que je préfère imaginer noir.

Ma religion, c'est la fausse nostalgie en me disant que cette amorce d'hiver-là, elle me rappelle la première fois où j'ai vu les gratte-ciel transcender une tempête toute neuve, alors qu'en fait c'est juste la deuxième fois.

C'est novembre, le mois des premiers pyjamas à l'envers, le mois des citrouilles fripées qui traînent dans de la poussière givrée, le mois des cent milles excuses pour aller se chercher un latté trop sucré trop cher trop décevant mais trop addictif, le mois des joues rougies réchauffées par un potage à la courge. Celui aux souliers mouillés, celui aux vingts piasses retrouvés dans nos manteaux d'hiver poussiéreux qui semblent venir d'une autre époque. Celui aux coquelicots en velours rouge oubliés (ironiquement) dans une flaque d'eau. Celui où la dépression se guérit par un CD de Michael Bublé inséré un peu trop tôt dans un stéréo.

Novembre, c'est ça ma religion.

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