L'histoire du donjon

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Le chien au pelage sable se met à courir dans tous les sens, impatient de découvrir le reste des ruines. Mais ses compagnons humains ne partagent pas cet enthousiasme.
Après avoir récupéré une nouvelle lampe à la patine sombre et rouillée, y avoir versé de l'huile et l'avoir allumée, le soldat accro à l'héroïne rejoint le reste du groupe. Trois paires d'yeux se posent sur la petite femme à la peau mate, dans l'attente des explications promises. Dans un soupir et un hochement de tête, celle-ci accède silencieusement à leur requête et commence à parler. Sa voix pourtant étouffée résonne en écho sur les murs de la tour abandonnée, donnant la désagréable impression aux aventuriers d'étouffer dans l'espace clos à mesure de l'avancée du récit.

- La tour et son annexe ont été construites durant le Moyen Âge. Elles étaient censées servir de réserve, il me semble. Sauf qu'on a découvert un escalier qui menait sous le bâtiment. Personne ne sait qui l'a construit, ni à quoi il mène. Selon les histoires, beaucoup de soldats qui vivaient dans le donjon seraient descendus voir ce qu'il y avait, mais personne n'est remonté. Ceux qui avaient dormi ici disaient qu'ils entendaient des bruits bizarres, inhumains, comme des cris et des grognements. Lorsque les méthodes de guerre ont évolué, cet endroit est tombé dans la désuétude et personne n'y est revenu pendant des siècles.
Puis, un jour, un homme a décidé de s'installer là pour vivre. Je sais pas qui il était, ni pourquoi il a fait ça. Mais il paraît qu'il a réussi à descendre sous la tour sans mourir, et qu'il y a planqué quelque chose. Puis il est mort, et depuis, pleins de gens sont venus essayer de retrouver ce qu'il a caché. On dit que seuls les plus désespérés peuvent survivre aux souterrains qui courent sous nos pieds. J'imagine que ceux qui sont déjà venus ne l'étaient pas assez, vu que jamais personne n'en est ressorti.
Je ne sais pas vraiment d'où vient ce nom, "le donjon du condamné". Certains disent que cette tour a toujours été appelée comme ça, d'autres pensent que c'est l'homme bizarre qui l'a surnommée ainsi. Mais vu le nombre de disparus, ce choix des mots ne peut pas être anodin.

Un cri inhumain retentit du coté inexploré des ruines, comme pour souligner cette constatation. Un long hurlement, semblable à celui du loup, mais plus guttural et plus court. À ce son, le chien glapit de surprise et se blottit dans un coin, la queue entre les pattes. Les poils se dressent sur les bras des quatre acolytes et tous échangent des regards angoissés, prêts à déguerpir de cet endroit lugubre. Voyant que personne ne prend la parole, l'indienne s'en charge une fois de plus.

- Je vais récapituler la situation, arrêtez-moi si je me trompe. Nous avons parmi nous deux tueurs, dont un qui tue juste par amusement, un drogué qui peut craquer à tout moment et moi qui sait à peine me défendre. Je vais être claire avec vous : vous ne m'inspirez aucune confiance.
De plus, nous sommes dans un endroit apparemment maudit, où des dizaines de personnes ont disparu au fil des ans. Il paraît que des animaux sauvages vivent dans les ruines et nous venons d'entendre un cri qui semble confirmer cette théorie.
Et pourquoi sommes-nous là ? Pour trouver quelque chose - on ne sait même pas quoi - dans des catacombes sûrement infestées de saloperies monstrueuses.
Pour moi, le bilan est simple : je préfère encore retourner dehors où se baladent des gars qui veulent me tuer plutôt que de rester un instant de plus avec vous !

  - Alors dégage, personne ne te demande de rester, Pocahontas.

  Tout en crachant sa tirade, la blonde donne un coup de pied dans le postérieur du chien assis juste devant elle. Le molosse se retourne d'un mouvement brusque et tente de lui mordre la jambe.

  - Et prend ton putain de clebs avec toi ! hurle-t-elle en se défendant avec les pieds.

Sans un mot, l'indienne porte ses doigts à sa bouche et siffle. Au son strident, son chien fait demi-tour et trottine vers elle d'un air satisfait. Après avoir regardé la criminelle et les deux militaires une dernière fois, la femme à l'habit traditionnel se retourne et se dirige vers la porte qu'ils ont franchi une vingtaine de minutes auparavant.
Elle y pose sa main d'un geste hésitant, inspire profondément et tourne la poignée.

Rien ne se produit. La voyant insister, le marine la pousse gentiment sur le côté puis commence à tirer sur la poignée à son tour. La porte grince, mais résiste. Après plusieurs minutes d'efforts à ahaner et transpirer, le marine laisse retomber ses bras le long du corps et énonce l'évidence qui a déjà frappé tout le monde :

  - On est enfermés. Si on veut sortir d'ici, il va falloir passer par les ruines et descendre.

Le Donjon du Condamné [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant