25 : Quand le passé vous enserre

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En média, Sarcasm de Get scared. J'avais envie de quelque chose d'un peu différent pour la mort et éviter une nouvelle chanson triste. En plus j'adore cette chanson ;)

Bonne lecture !

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 -Si je te disais que en ce moment même, je risque de passer l'éternité aux enfers pour sauver la personne que j'aime le plus au monde, crois tu pouvoir comprendre ?

Il releva la tête vers moi, comme concerné par mes paroles.

- Ecoute, l'histoire que je vais te raconter, jamais personne ne l'a entendue.


Hadrian me regardait avec tant de douleur refoulée que je crus un instant qu'il allait changer d'avis et me jeter contre le mur pour apaiser cette douleur qu'il semblait garder depuis trop longtemps. Heureusement pour moi, il n'en fit rien et se décida à commencer son récit :

- Il y a très longtemps, vivait une femme. Une femme qui devait vivre de noir, veuve. Son chagrin avait changé tout son bonheur en une peine immense et inchangeable. Elle ne vivait plus, elle survivait. Quelques années auparavant, son mari lui avait laissé un enfant. Un petit garçon frêle et qui, pour sa mère, était plus un fardeau qu'un bonheur. La jeune femme, prénommée Pervenche, avait à peine de quoi se nourrir cependant, jamais elle n'abandonna son fils. Elle se rendait malade et affamée pour qu'il puisse être heureux et ne manquer de rien. Elle l'avait élevé au détriment de sa propre vie. Une vie misérable qui, à cause de l'enfant, n'était plus qu'un maléfice. Plus son fils grandissait, plus il devenait un poids de plus en plus dur à porter. Mais même le dos courbé et le genou à terre, elle a continué à lui donner tout son amour. Parce qu'elle était sa mère et qu'une mère aime son enfant plus que tout au monde, plus que sa propre vie. Cet enfant, ce fardeau, c'était moi. Durant toute ma vie, je n'ai été qu'un ingrat, un nid à problème qui rendait l'existence de sa pauvre mère plus dure encore. Un jour, le pain est venu à manquer dans notre foyer. Ma mère, désespérée, a commis l'irréparable. Non pas qu'elle ai tué quiconque, elle a simplement volé un cheval appartenant au Seigneur pour le revendre et nous assurer les prochains repas. Malheureusement, un chevalier l'a vue et a immédiatement prévenu le Seigneur. Les gardes royaux ont débarqué à la maison et ont emporté ma mère, sous mes yeux ébahis. Je savais ce qui l'attendait, voler un bien seigneurial est un crime énorme. Mais je ne pouvais pas me résoudre à la voir sur la potence, elle qui avait tout donné pour moi. Elle m'a aimé, nourri, choyé alors qu'elle n'avait plus rien. En échange, je ne lui ai apporté que des problèmes. C'est à elle que je devais ma vie. J'ai donc été voir le Seigneur et lui ai dit que j'étais le responsable du vol de son cheval. J'ai à mon tour été arrêté et enfermé. J'ai passé la nuit dans une cellule miteuse, froide et humide. L'eau croupie tombant du plafond résonnait dans ma petite cellule, me gardant éveillé jusqu'aux matin. Mais le plus important, c'était que ma mère soit saine et sauve. Le lendemain, je fus emmené vers la grande place pour être pendu. Résigné, je m'apprêtais à monter les marches en bois de l'échafaud mais le Seigneur en personne m'arrêta. Il m'a alors dit qu'il savait que je n'étais pas coupable et que le chevalier avait parfaitement reconnu ma mère. Il a ajouté qu'elle serait donc pendue pour ses actes mais comme apparemment je tenais moi aussi à avoir la corde au cou, je serai pendu juste après elle. Je me souviens parfaitement de la cruauté et la sournoiserie qu'il avait dans les yeux ainsi que son petit sourire victorieux, content de me voir aussi choqué et démuni. J'ai hurlé de toutes mes forces, me débattant comme un diable mais rien à faire, les gardes me tenaient fermement. J'entendis alors la foule émettre des chuchotements et s'écarter aux passage de deux autres gardes, tenant une femme que je ne connaissais que trop bien. Habillée d'une robe de lin blanche, ses longs cheveux bruns méchés de blanc tombant dans son dos, elle avait un air assuré, pas le moins du monde apeurée. Seulement, quand elle me vit, la surprise envahit ses yeux bleus ternis soulignés de cernes. Le Seigneur fit alors son petit discours de sa voix mielleuse. Les larmes coulèrent le long des joues de ma mère alors qu'elle se débattait de toutes ses forces en hurlant que j'étais innocent et qu'il devait m'épargner. Les gardes ignorèrent son agitation et l'emmenèrent sans mal au pied de la potence. Ne voulant jamais cesser de se battre, ma mère hurlait encore alors qu'on lui passait la corde au cou. Ses cris ne cessèrent que lorsque la corde enserra son cou, l'empêchant de respirer et d'hurler. Elle baissa les bras et fixa son regard dans le mien avec un seul mot inscrit à l'intérieur : pardon. Ses mains lâchèrent la corde qu'elle tenait et retombèrent le long de son corps. Sous mes yeux, on venait de pendre ma mère. A mon tour, on me poussa rudement sur l'estrade. Je fixais la foule apeurée d'un air froid et emplis de tristesse. Alors qu'on me passait la corde au cou, je savais qu'une larme avait coulé. La première et la dernière que j'ai jamais versé. Ce n'est que lorsque la morsure de la corde se fit sentir et que mes pieds ne touchaient plus terre, à l'instant même de l'agonie, que la peine se mut en rage. Une colère démesurée, fruit du meurtre de la seule personne qui comptait pour moi. J'avais vu son cou enfler, son visage si pale devenir bleu, son corps se relâcher alors que ses yeux fatigués se fermaient pour la dernière fois et que son souffle suprême avait quitté la barrière de ses lèvres. Elle voulait juste mon bonheur et ça lui a coûté la vie. Je n'avais qu'une envie : tuer le Seigneur de mes propres mains, le faire payer pour ce qu'il avait fait. J'étais devenu si mauvais, si hargneux que, sans le savoir, je venais de m'offrir un aller simple pour les Enfers.

J'avais les yeux rivés sur le sol, le moral abattu par ce que je venais d'entendre. La mort de ma petite sœur me revint en tête, achevant finalement de m'effondrer.

- Prends-la grogna Hadrian.

Je relevais la tête, interdite et compris de quoi il parlait : une larme, claire, unique quitta son œil pour rouler le long de sa joue. Je me dépêchais de sortir la petite fiole et de récupérer le précieux liquide. Je la rangeais et observais Hadrian d'un air compatissant.

J'osais me rapprocher davantage et poser ma main sur son épaule. A ma grande surprise, il ne me repoussa pas. Il regardait au loin, les yeux perdus dans le vide, sûrement en train de se remémorer sa mère et son ancienne vie. Sa joue était parfaitement sèche à l'exception d'un petit sillage humide, le seul depuis des siècles.

- Tu ne dois pas t'en vouloir Hadrian, tu as fait ce que tu pouvais, tu as même donné ta vie dans l'espoir qu'elle soit sauve.

- Je sais. Mais la voir mourir en te regardant dans les yeux, c'était vraiment horrible. J'avais beau ne plus être un enfant, ça reste une épreuve épouvantable. Et si j'avais pas été si haineux à ma mort, on serait réunis, elle et moi dans la Vie Éternelle.

Je ne dis rien, laissant les bruits de la mine combler le silence instauré entre nous. Une sonnerie vint casser ce moment, annonçant la fin de la pause.

- Bon, je dois y aller, je n'ai plus beaucoup de temps.

Je commençais à partir quand un merci à peine audible fut prononcé par le pendu. Je me retournais et fis face à Hadrian qui me regardait les yeux emplis de reconnaissance.

- Merci répéta t-il. Grâce à toi, j'ai pu me délivrer de ce poids qui me pesait sur le cœur depuis trop longtemps.

Je souris et répliquais :

- Merci à toi de me faire confiance. Je m'en veux de te laisser là, à ton sort alors que je sais que tu es une personne fantastique au fond.

Le pendu haussa les épaules, faisant bouger en rythme la corde qui pendait autour de son cou.

- C'est pas grave, je l'ai mérité. Aller, va t'en avant de tomber sur un fou furieux.

Il me fit un clin d'œil et se releva, grimaçant à cause de ses blessures. Je le vis repartir à son supplice, un léger sourire sur les lèvres. Je pensais avec tristesse que ce sourire risque de s'envoler rapidement. Mais je n'ai pas le temps de réfléchir, le sablier s'écoule lentement mais sûrement. Maintenant que j'ai la larme, je dois rentrer au plus vite.   

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 Je suis de retour ! Et le PdD avec ! Mes vacances m'ont permis de retrouver du plaisir en écrivant et c'est le principal. Ce chapitre est peut-être un peu plus lourd à lire à cause du long pavé sans aération d'Hadrian mais je ne supporte pas de paragrapher les monologues. J'espère que ça ne vous à pas trop dérangé.

Egalement, je viens de poster l'avant-propos d'Ailés ! Si ça vous interresse, je publierai le premier chapitre dans l'après midi. J'en parle déjà dans mon annonce donc inutile d'en rajouter tout est là-bas. N'hésitez pas à jeter un coup d'œil (et qui sait peut-être plus si vous aimez ;)) ça me ferait super plaisir !

:D

Tous les bisous du monde ;)

Le pacte du DiableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant