La stèle funéraire me parut beaucoup plus pâle qu'à ma dernière visite, comme si de nombreuses années avaient déjà érodé la pierre, alors que cela ne remontait qu'à cinq petits mois.
Le temps semblait s'être accordé avec ma tâche du jour. Les nuages s'étaient amoncelés au-dessus de ma tête, rendant la scène plus sinistre, plus triste.
Je m'accroupis en face de la stèle, et sortis de ma poche un paquet maladroitement décoré de papier cadeau.
- Salut Alex, dis-je d'une voix rauque.
Le silence me répondit. Évidemment. Les mots gravés dans la pierre semblaient me fixer.
- Bon anniversaire, continuai-je.
Je tendis le paquet devant moi.
- J'ai trouvé ça chez moi. Je me suis dit qu'il fallait que tu saches que je l'avais retrouvé.
Déchirant le papier, j'ouvris le paquet et en sortis un collier fin et masculin que je montrai à la dalle de pierre.
Ma voix se mit à trembler.
- Il avait glissé sous mon lit.
Mon regard alla du collier à la stèle et, pendant un court instant, je me demandai ce que je faisais là. Au fond de moi, je me trouvais ridicule, mais j'avais besoin de lui parler, même si je ne recevais aucune réponse.
- Je crois que je vais le porter, murmurai-je, pour avoir l'impression que t'es toujours là.
Je marquai une pause et rangeai le collier dans une de mes poches. J'avais une furieuse envie de me mettre à parler sans m'arrêter, à raconter ma vie et tout ce qui n'allait pas, comme je le faisais d'ordinaire avec Alex quand il était vivant, mais mes lèvres semblaient soudain lourdes comme la pierre.
Refusant de m'attarder, le menton tremblant, je me relevai et fis volte-face pour marcher vers la sortie. Je ne contrôlai rien, mes jambes semblaient se mouvoir toutes seules.
Cependant, je me stoppai soudain net.
A quelques pas devant moi, accroupi devant une stèle, j'avais reconnu le jeune homme croisé au Starbucks la veille. Les dents serrées, je fis aussitôt demi-tour. Je n'avais pas du tout envie d'une nouvelle confrontation, c'était une journée suffisamment difficile pour en rajouter. Le problème, c'était qu'il se trouvait entre moi et la sortie.
En soupirant, je fis volte-face une énième fois. Je pensais qu'avec un peu de chance, il ne me remarquerait pas.
J'ai toujours eu peu de chance dans la vie. A chaque fois qu'un problème ou une chose désagréable me tombait dessus, je pouvais être sûre que d'autres suivraient.
Ce jour-là n'échappa pas à la règle. J'avais à peine fait trois pas que je vis sa tête se tourner vers moi. Il m'avait vu.
Bizarrement, son visage s'éclaira légèrement, comme s'il venait d'apercevoir un vieil ami.
Je le vis se relever et se diriger vers moi. Tendue, je le laissai s'approcher sans rien faire. Il avait le regard grave, lui non plus ne devait certainement pas être là pour le plaisir.
Une fois qu'il fut à ma hauteur, il me dévisagea et dit lentement :
- Si on m'avait dit que je te recroiserai au cimetière...
Perturbée par le fait qu'il semblait sûr qu'on allait se recroiser de toute manière, je fronçai les sourcils.
- Ouais, murmurai-je en haussant les épaules.
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Café au lait
Romanceça aurait pu être un été comme les autres... © UneModernGirl - Elle adorait la musique, il préférait contempler le ciel. Elle vivait dans un monde de café et de musique classique, lui se contentait de se perdre dans les étoiles. C'est l'histoire d'...