C'était effectivement ce mercredi. Évidemment. Je n'étais pas assez stupide pour me fier totalement à elle... Durant le moment, agréable, je l'avoue, où nous nous sommes embrassés, j'ai eu le temps de fouiller discrètement les poches de sa veste. Je n'avais rien trouvé d'intéressant, si ce n'est une carte de travail au cinéma du coin. Après quelques recherches d'informations, j'ai pu déduire qu'elle travaillait tous les jours sauf le mercredi. Malheureusement, je m'étais vite rendu compte que c'était un nom d'emprunt, d'où mes recherches sur les réseaux sociaux...
Le message est on ne peut plus simple, précisant juste le lieux, le jour, ainsi que la date et l'heure du rendez vous. Heure qui se trouve être 17h30. Je consulte mentalement mon agenda, je n'ai pas besoin de version papier. Effectivement, je n'ai rien de programmé pour ce mercredi à cet horaire la. Je pense qu'il est temps pour moi d'aller me coucher, étant donné que nous sommes dimanche, après cette nuit, il ne me restera plus que deux jours de préparation. Avant le moment de vérité. Enfin, façon de parler, ce n'est qu'une rencontre. La question que je me pose, est de savoir si elle a compris que je savais que c'était elle qui se cachait derrière l'identité de John Kent. Ce bon vieux John Kent...
Je ferme les yeux. Ais-je déjà dit que la nuit n'était pas une chose normale pour moi ? Je n'ai sans doutes pas développé plus que ça. Le sommeil est, pour le passé, un moyen de me hanter... Cette nuit n'échappera sans doutes pas à la règle.
Ça commence globalement comme toujours, je me relève dans une rue sans nom, sans particularité aucune et je marche... Quoi que je fasse, je ne peux m'arrêter de marcher, j'ai beau tout tenter, il n'y a rien à faire, mes pieds refusent de se plier à ma volonté. J'espère qu'un jour, je pourrai décider de mon sort dans ce rêve, mais je ne me fait pas d'illusions, cela n'arrivera dans doutes jamais... Ça y est, j'ai rejoint la rue sans fin. A partir de maintenant, je peux à peu près aller dans les directions que je veux, mais c'est sans importance. On dit que tous les chemins mènent à Rome, mais dans ce rêve tout droit venu du passé, tous les chemins mènent au 37. La maison numéro 37, impossible d'y échapper, un piège tordu fait que, même en prenant des détours jusqu'à en avoir les pieds en sang, on finit toujours devant ce grand portail blanc. Aujourd'hui n'est pas différent d'hier ou de demain, mes mains tremblantes ouvrent le verrou du portail et le pousse pour que je puisse me retrouver à contempler une fois de plus la grande maison victorienne... La maison numéro 37. Je passe la porte et tombe inévitablement sur le salon, peut importe l'entrée que j'emprunte. Pourtant, en réalité, ce n'étais pas comme ça. Ça y est, j'arrive devant le canapé ou la dame m'attend. A partir de là, rien ne change jamais, seul dépend le temps durant lequel je tiens le choc que me fait le rêve. La dame se lève, aujourd'hui, elle est habillée d'une simple robe rouge sang. "Je suis madame Orveigne, c'est votre père qui m'envoie." Comme toujours, je reste immobile, à la fixer, j'ai beau hurler à mon corps de bouger, de ne faire ne serais ce qu'un mouvement, rien n'y fait. "Je suis ici pour vous rendre plus fort, Ambre, rentre je te prie !" Ambre a cette fois ci les traits d'une jeune fille blonde aux yeux bleus, belle et bronzée, de taille moyenne. "Quel âge as tu ?" me demande t-elle. Je ne sais même plus à quoi ressemblait véritablement Ambre. Étais t-elle brune, rousse ? Je ne saurais le dire. Je m'entends répondre : "Treize ans." Dans ma voix, je sens percer la fierté, la fierté d'un petit garçon innocent qui ne sait pas encore ce qui va lui arriver. C'est à ce moment que la dame vêtue de rouge parle, c'est à ce moment que tout bascule. "Ambre, montre lui ce que je t'ai enseigné." Pleins de souvenirs me reviennent en mémoire, ses cris, ses gémissement et son sang sur mes mains... Mes cris, mes gémissement et mon sang sur ses mains. Elle qui me prend les mains, les pauses sur ses hanches : "Pose les ici" disait Ambre de sa voix douce. Puis, peu après la dame qui revenait : "On a finit pour aujourd'hui, on se revoit bientôt", me laissant là haletant, chaque jours un peu plus abîmé... Ou renforcé, tout dépend du point de vue. Je me souviens également de la gentille Ambre, tentant parfois, quand la dame ne nous écoutais pas, de me dire des choses que je ne pouvais comprendre... "Ce n'est pas de ta faute, tu n'y es pour rien." répétait t-elle sans cesse. "Ce n'est pas à cause de notre relation que tu dois croire à l'amour. Tu ne m'aimes pas et je ne t'aimes pas... Personne ne t'aimera jamais..."
Personne ne t'aimera jamais...
Je rouvre les paupières, j'ai les yeux qui piquent et mes larmes coulent à flot. Je ne veux plus de la nuit, je ne veux plus rêver.Je suis prêt. Cela fait deux jours que je me prépare, un seul message de John était venu perturber la monotonie de ce laps de temps si particulier pour moi... "J'adore Simba, et puis, magnifique musique ! Pour le numéro de ton siège réservé, c'est un numéro qui te rappellera des souvenirs". J'ai eu beau demander plus de précisions, ce John Kent ne s'est pas reconnecter après m'avoir adresser ce texte. J'ai divisé à raison, le message en deux. Tout d'abord la partie sur Simba et la magnifique musique. Deux films passent aux horaires qu'elle m'a donné : Une réadaptation du Roi Lion, ainsi qu'un énième film d'action avec des acteurs faisant des cascades impossibles et des actrices blondes à couper le souffle. La logique aurait voulu que je réserve une place pour notre amis le Roi Lion, mais, si ça avait été aussi simple, ça m'aurait déçu d'elle... J'ai donc chercher puis trouver la liste de toutes les personnes ayant participer au film d'action. Sans surprise, dans la catégorie "équipe du son et des musiques", j'ai trouvé Joshua Simba.
C'était déjà moins simple que simplement connaître ses classiques enfantins. Il ne reste plus que la question du numéro de siège à réserver. J'appelle le petit cinéma du coin, où elle a fixé le rendez vous. Elle ne le sait sans doutes pas, mais il se trouve à moins de dix minutes à pieds de mon appartement actuel. Une femme à la voix agréable décroche.
- Allo ? Cinéma le Sablier Bonjour !
- Oui, Bonjour madame, j'appelle pour réserver une place pour le film en salle deux.
- Salle deux ? Très bien, qu'elle place voulez vous réserver ?
J'avais envisager cette question, bien évidemment.
- Dites moi, le seize est-il réservé ?
- Attendez quelques secondes... Oui, il l'est !
Ce n'est donc pas mon jour de naissance, je tente avec le mois :
- Est-il de même pour le quatre ?
- Absolument...
Je commence à avoir un très mauvais pressentiment, je tente avec mon année de naissance, les deux parties sont déjà réservées également... Mon sentiment se confirme quand je l'entend hésiter au bout du fil :
- Attendez, il y a quelque chose d'inhabituel... A cet horaire, tous les sièges ont été réservés, ça n'arrive presque jamais !
- Tous ? Vous êtes sur ?
- Oui... Ah non, il y en a un qui ne l'est pas...
Une sueur froide me coule le long de la joue...
- Lequel ?
- Le numéro 37.37.
Personne ne t'aimera jamais.
On se revoit bientôt.
Personne ne t'aimera jamais...
Putain, j'aurai du me douter qu'il y avait un problème quelque part. Comment peut elle être au courant de ça ?! Ce n'est sûrement pas une coïncidence, elle avait préciser que ce chiffre était important pour moi.
Je sors de chez moi et me rue vers le cinéma. J'ai oublié de raccrocher mon téléphone fixe, mais ce n'est pas un problème, il faut que je sache. Pour la première fois depuis l'époque de madame Orveigne, je doute et j'ai peur. Peur qu'il m'ait retrouvé.
J'entre dans le cinéma, prend le dernier ticket pour le film et avance dans le couloir.
J'ai un très mauvais pressentiment.
On se revoit bientôt.
Personne ne t'aimera jamais...
Je rentre dans la salle noire.
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Éternelle
عشوائيJe cherche une réponse à l'éternelle question du "Pourquoi ?"... Je me dis que je ne suis pas quelqu'un de normal, ce qui fait de moi une personne tout à fait normale... Ah oui, et j'aime les gens qui ont de la répartie.