Chapitre 3

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Les jours avaient passé et j'étais finalement resté dans le petit village pour mener mon enquête sur le lac. Je n'en avais pas parlé à ma vieille amie, pour ne pas l'inquiéter. Je n'étais pas du genre à me laisser faire, je n'avais ni peur de ce lac, ni de l'homme que j'avais croisé. D'ailleurs je comptais même le revoir pour en savoir plus.

J'étais arrivé devant lac ce matin-là, pour seule idée en tête : comprendre. J'étais devant l'eau claire, il devait être dans les environs de midi, j'avais préparé quelque chose à manger avant de venir, car je comptais rester la journée s'il le fallait, pour revoir l'homme du lac. J'en profitais pour penser, comme au chalet. L'air était doux, il n'y avait pas forcément de vent, juste une petite brise inspirante. Je n'entendais que mon souffle et le feuillage des grands arbres chanter. C'était beau. Cela faisait une éternité que je n'avais pas trouvé quelque chose d'aussi beau. En fait, depuis que j'avais perdu mon enfance, depuis que je regardais le monde tel qu'il était, sans me soucier réellement de la magie que le réel pouvait comporter. C'était beau ; c'était les seuls mots qui me venaient à l'esprit à cet instant. Ça semblait irréel, le paysage, le lac, la douceur de l'air, le ressentit. Je me rendis compte qu'il était revenu, c'était bon, c'était bon le ressentir encore. Je ne plus me souciais pas de s'il pouvait me faire du mal ou du bien. Par ce que oui, je n'en savais rien. Etait-il dangereux pour moi de m'évader dans l'inconnu ?

Le soleil était au plus haut, il brillait de mille feux, c'était l'heure de manger. Je sortis la petite boîte où se trouvait mon déjeuner, et regarda autour de moi afin d'être sûr de ne pas encore voir l'homme. Mais il n'était toujours pas là. Donc je mangeai. Mon repas n'était rien d'exceptionnel, juste une salade de tomates. Mais ça me suffisait. La saveur des aromates donnait un sentiment de fraîcheur en plus au ressenti. Quand soudain, une voix vint me demander à l'oreille si mon repas était savoureux. Je me retournai brusquement afin de voir qui se cachait derrière cette douce voix. C'était l'inconnu. Je me levai, et le regardai de haut en bas. Certes c'était très impoli, mais déranger mon déjeuner l'était aussi. Mais après tout, c'était moi qui étais venue pour le revoir.

Je lui demandai rhétoriquement s'il était revenu, et il me répondit d'un petit sourire qui me fit rougir. Il n'était pas mal sous son chapeau remarquai-je. Il aperçut mon regard porté sur ses lèvres, mais fit signe d'aveuglement. Il souriait de plus en plus, jusqu'au moment où il se mit à rire. Je devais être aussi rouge que mon repas... Alors je rigolai aussi.

« Je voulais vous parler, lui dis-je en reprenant son sérieux »

Il me questionna du regard en penchant la tête. Puis me demanda si je trouvais cet endroit étrange. Il marchait autour de moi comme s'il m'examinait.

« Que voulez-vous dire par étrange ? lui demandai-je

-Avez-vous ressenti quelque chose d'inhabituel en venant ici ?

-Peut-être. Mais pourquoi toutes ces questions ?

-Je le savais...

-Alors pourquoi me poser toutes ces questions ? m'impatientai-je

-Sinon vous ne seriez pas revenu... pensa-t-il tout haut »

Il releva la tête rapidement vers moi, et me regarda avec de grands yeux. Comme quand on a une idée de génie soudaine.

« Mais oui ! C'est ça, vous êtes... »

Il ne finit pas sa phrase et parti en sautillant dans les bois. Je restai là, la bouche entrouverte, pleine d'incompréhensions. J'étais revenu pour comprendre, pourtant je repartais pleine de doutes.

Je ne savais plus quoi faire, devais-je rester là à attendre qu'il revienne, devais-je partir dans les bois à sa recherche ou devais-je simplement me faire une raison et repartir. J'étais totalement désorienté. Je me perdais dans mes pensées, cherchant tant bien que mal une réponse, une réponse à toutes mes questions. Mais c'était peine perdue. C'était incompréhensible, tout ce qui se passait ici était incompréhensible ! Je perdais la tête. Mais je me rappelai de la pensée que j'avais eue quand j'avais décidé de rester pour enquêter : je ne me laisserais pas faire, je devais comprendre. Alors je repartis à sa recherche. Je n'étais jamais allé plus loin que le lac. Je ne connaissais que très peu cette forêt finalement. Et puis l'homme ne devait pas avoir de voiture, la route était à des kilomètres, mais surtout pas du tout dans la direction où il était parti.

Plus je m'enfonçais dans les bois, plus les chants du feuillage devenaient cries. L'ambiance était tout autre dans les bois. Les battements de mon cœur devenaient de plus en plus rapides et de plus en plus bruyants. Le calme était resté loin derrière moi. Mais je le comprenais, le lac était magnifique, bien plus que ces vieillards ridés avec leurs branches tordues. Je passais du paradis à l'enfer. J'entendais les animaux hurler à la mort. C'était effrayant, et mon regard le prouvait sûrement. Mes paupières devinrent soudainement lourdes, mes membres aussi. La fatigue vint m'atteindre et s'emparer de mon corps. Je tombai à genoux et -je ne sais pourquoi- je pleurai. C'était comme si toute la douleur que j'avais pu ressentir durant ma vie m'envahissait d'un seul coup. La tristesse, la peine, la colère, la haine : tout. J'avais du mal à garder mes yeux ouverts et encore moins à les fixer sur un point. De toute façon ils étaient plongés dans mes larmes. J'avais mal... Toute la souffrance attaquait mon être, et je ne pouvais rien faire face à elle, alors je la laissais prendre mon calme pour ne laisser que la folie. Une ombre apparut subitement. Je ne pouvais savoir de qui il s'agissait, mais c'était humain. J'en étais sûr. L'ombre me saisit, et me porta comme si je n'étais qu'un cadavre. Seul l'odorat m'était encore accordé, et je sentais, je sentais une odeur qui ne m'était pas inconnue. En revanche, la personne qui la portait, était bel et bien un inconnu. Comment pouvais-je connaître l'odeur d'un inconnu ? Comment pouvais-je seulement penser ?

Soudain, il m'apparut: le lac. En face de moi. Il était aussi lumineux que le soleil brûlant et pourtant aussi glacial que la nuit. Je me frottai les yeux pour être sûr de ce que je voyais. Et quand je les rouvris, ce n'était plus lui. Ce n'était plus le lac, mais l'homme à qui je l'avais associé.

J'étais allongé sur un gigantesque lit. La pièce dans laquelle j'étais, était-elle aussi très grande. Le style de la pièce n'était pas très moderne, mais jolie. Je ne ressentais plus la douleur du passé, juste un profond calme. Je relevai la tête et l'homme du lac me sourit. C'était un sourire de compassion. Je voulais lui parler, je voulais lui demander ce qui s'était passé, mais je n'en avais pas la force. Il me fit un baiser sur le front comme à un enfant, me remonta la couverture et me dit de me reposer. Je fermai alors les yeux et écoutai le calme. Je ne savais pourquoi, mais je lui faisais confiance.


Une Chaleureuse FroideurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant