Il faisait noir, et très froid. Mes petits petons nus étaient recouverts de ma grande chemise de nuit crasseuse au bout, les coutures s'en allaient même. Elle était bleu ciel et tacheté de petits points blancs. Un minuscule nœud était fait au niveau de mon col. Je tenais de ma main droite un chandelier et la gauche s'agitait autour de moi afin que mon corps tout entier ne trébuche pas. Soudain, j'entendis mon prénom hurler par ma mère. Je courais à présent. Dans les couloirs sombres, mais je voyais la flamme du chandelier commencer à s'éteindre. J'allais bientôt me retrouver dans le noir complet. Et c'est ce qui se passa. J'étais tombé dans l'éternelle couleur.
« Non ! criais-je »
« Marion ! »
Je me réveillai en sursaut, ma vieille amie était face à moi et avait l'air apeurée.
« C'était ta mère, n'est-ce pas ? me dit-elle sûre d'elle »
Il faut dire qu'elle connaissait bien cette situation... Je baissai le regard, et elle comprit qu'elle avait visé juste.
« Toujours le même rêve ? me demanda-t-elle »
Je hochai la tête pour lui signifier qu'elle avait une fois de plus raison. Elle soupira et se leva, elle tapota sur sa longue jupe et me dit qu'elle allait partir acheter des légumes au marché. Elle me proposa de l'accompagner, mais je refusai. J'avais une sensation immense de fatigue, ma nuit avait été douloureuse et j'avais besoin de redormir un peu.
Le clocher du village sonnait midi pile. J'ouvrais mes yeux engourdis. J'avais dormi plus de deux heures. Je me sentais enfin légère après avoir pris une douche tiède, sans le poids de la fatigue sur les épaules. J'avais une soudaine envie d'écouter de la musique, j'allai donc en direction de ma voiture, qui comportait évidemment un poste radio. Je m'assis sur le fauteuil conducteur et mis la musique à fond. La vie était belle. J'avais l'impression que rien ni personne ne pouvait m'empêcher d'écouter de la musique, de me sentir légère, de vivre tout simplement. Un léger sourire de satisfaction se dessina sur mon visage. J'étais heureuse et mon visage n'hésitait pas à le faire voir. Je commençai à siffler l'air de la douce musique qui passait à la radio. C'était bon, c'était bon de sentir la sécurité dans la vie. Mes yeux étaient fermés depuis plusieurs minutes, mais ils se rouvrirent quand je me rendis compte que le sentiment de bonheur que je ressentais à cet instant précis était en tous point pareille à celui de mon rêve dans la maison de l'inconnu. Du rêve que j'avais fait dans mon propre rêve. Tout redevenait étrange d'un seul coup. Cette confiance que j'avais éprouvée envers l'homme du lac m'avait paru tellement réelle... C'était comme si on venait de me dire que j'avais tort malgré que la vérité soit devant nos yeux. C'était perturbant. La musique cessa d'un seul coup. Cela me fit l'effet d'un arrêt cardiaque. Ma main sur ma poitrine, essayant de calmer mon angoisse soudaine. Je sortis de la voiture et décidai de rejoindre ma vieille amie au marché, j'avais besoin de compagnie.
J'étais en plein milieu de plusieurs stands de légumes abandonnés, mais je ne la voyais pas. Peut-être était-elle rentrée à la maison... Je me dirigeai donc vers celle-ci. Mais quand j'arrivai devant, les volets étaient fermés, comme si elle et son mari avait précipitamment abandonné la maison miteuse. Je fronçai les sourcils et poussai la porte d'entrée qui était entrouverte. Je passai d'abord la tête afin de m'assurer qu'il n'y avait personne, et effectivement tout était vide. Les sols étaient sales, les meubles étaient recouverts de draps blancs, et les coins de pièces de toile d'araignées. Seuls les insectes avaient l'air d'habiter cette maison devenue comme par magie ruine. Je n'étais pas assourdi par ce qu'il se passait, au contraire, j'avais l'impression de gérer la situation, comme si tout ce qui se passait était normal. Pourtant rien ne l'était, rien ne l'était dans ce village...
J'entrai finalement entièrement mon corps dans la maison, puis commençai à faire quelques pas. Le bois craquait sous mes pieds autant que les poutres au-dessus de moi. Une odeur de brûlé vint faire frémir mes narines. Je tournai la tête vers la cuisine pour voir si l'odeur venait de là-bas, puis je contournai le comptoir afin de m'approcher un peu plus et d'être sûr qu'il n'y avait pas de fuite de gaz ou même un début d'incendie. Mais derrière moi, juste au moment où j'allais entrer dans la petite cuisine j'entendis des pas, comme si un enfant courait derrière moi. Je me retournai brusquement, mais je ne vis personne. Alors mon regard se reporta sur la cuisine et mes jambes y rentrèrent. Il n'y avait ni feu, ni fuite de gaz à mon plus grand soulagement. Je ressortis de la petite pièce d'où venait la seule lumière de la maison. Il n'y avait qu'une petite fenêtre au-dessus de l'évier, mais cela suffisait à ne pas se retrouver dans le noir total.
J'étais à présent retourné dans l'entrée, quand je m'apprêtai à monter les escaliers afin de vérifier l'abandon des chambres du haut, quand j'entendis quelques chuchotements incompréhensibles juste au creux de mon oreille. Je sursautai. Je clignai plusieurs fois des yeux rapidement, pris un bon bol d'air et montai les escaliers bruyants. Arrivé en haut de la maison, je regardai autour de moi, les meubles du couloir étaient eux aussi recouverts de draps blancs. Les tableaux étaient poussiéreux, et quand je tentai d'allumer le lustre, je me rendis compte qu'il ne marchait plus. J'observai les plafonds des chambres, ils étaient en très mauvais état. On pouvait apercevoir des nids d'oiseaux, des toiles d'araignées, de la poussière... On pouvait même voir le ciel si on se penchait légèrement. Cette maison était devenue en l'espace d'une petite heure une vraie ruine abandonnée. Et moi ? Je restais calme, comme si tout cela était normal. Seulement, il n'y avait rien de normal, ni dans ce village, ni dans la forêt, ni au lac. Non, tout était... anormal.
J'avais l'impression que plus aucune colère, tristesse, peur, ne pouvaient m'atteindre. C'était comme si... comme si j'étais celle qui contrôlais tout ce qui se passait. Comme dans mon rêve, comme si j'étais Dieu. Personne ne pouvait m'empêcher de voir et de ressentir ce que je voyais et ressentais.
Je sortis de la dernière chambre de l'étage en soufflant. Je savais que ce sentiment ne pouvait exister réellement. Je savais que tout cela n'était qu'un simple rêve. J'allais sans doute me réveiller dans ma voiture, la musique toujours aussi forte. Ou bien dans le lit que j'empruntais à ma vieille amie. Je n'en savais rien. Je voulais juste que tout cela se termine, je voulais arrêter d'espérer un rêve irréalisable. Mon front restait collé au bois de la porte et mes pensées ailleurs. Soudain, je sentis du mouvement au ré de chaussé, je descendis les escaliers qui grinçaient encore, puis je me retrouvai dans la grande pièce sombre, seule. Il se passait quelque chose dans cette maison, c'était évident. Des bruits de pas, des chuchotements, du mouvement... Mais surtout, le sentiment d'être observée. Chacun de mes mouvements était scruté minutieusement, par de petits yeux curieux, et visiblement invisible.
L'ambiance générale de la vieille maison était tendue, la seule chose contraire à celle-ci, était mon esprit. Pourtant, un milliard de questions se posaient dans ma tête, un milliard de questions sans réponse. Et mes yeux, sans vie, scrutaient, eux aussi, la pièce dans laquelle je me trouvais à présent, la même première pièce dans laquelle j'avais été après avoir mis un pied dans cette ruine que je pensais être la maison de ma vieille amie.
Tout était tellement calme, trop calme...
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Une Chaleureuse Froideur
ParanormalJ'ai la vie que j'ai toujours voulu avoir: je suis journaliste, j'ai écris mon propre livre qui parle des personnages qui logent dans ma tête, je peux penser sans compter... Tout était fait pour que je vive une vie de rêve, si je n'avais pas ressent...