Lysa

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Clopes sur clopes, gin sur gin, Lysa (attention on le prononce Laysa, elle est inflexible et vous dédaignera si vous écorchez son nom entre autres).Elle est seule, à une table dans le coin d'un bar qui fut très chic il y a une dizaine d'années, puis des impayés ont fait se succéder des proprios persuadés que le lieu permettrait de payer le loyer excentrique exigé. Faut dire que la vue sur l'océan, l'immense terrasse souvent balayée par les embruns, en font un lieu unique, mais souvent déserté, comme à présent, par les dandys et les mondaines. Mais ce propriétaire a m'air d'avoir les reins solides et a l'air de se moquer de la recette. Regard intense, chacune de ses venues fait frémir les femmes , qui , pour la plupart, ne viennent que pour lui, ou du moins dans l'espoir de le voir , et qui sait, d'être remarquée. Beau, pas plus de 35 ans, une allure distinguée, ainsi que son parler, font qu'elles craquent toutes. Et à ce moment là, nous n'avons pas encore évoqué ses yeux, d'un brun-vert, si difficile à définir, qu'on les croit parfois vairons."Deux gins s'il vous plait, Roger""Tout de suite, Miss Lysa". Elle lui avait dit d'emblée préféré être appelée Miss Lysa plutôt que Madame ou pire Mademoiselle.Elle aussi avait de l'allure, une classe qui semblait trop chic pour l'endroit, aussi magnifique soit-il. Elle était bien dans un coin de la salle mais juste à la limite de l'éclairage naturel de l'immense baie vitrée arrondie, ce qui lui permettait de louer avec la transparence de sa robe rose très clair, qui dévoilait le galbe parfait , évidemment, de ses longues jambes gainées de résille très pâle.Une dizaine de clients sont assis face à l'océan, qu'ils peuvent voir malgré la terrasse qui longe la baie vitrée, au loin un yacht sublime met un scooter à flot. C'est un lieu ou les possesseurs de bateaux aiment à venir s'exhiber, même si la clientèle à diminué, les prix font une sélection et seuls les plus aisés y viennent.Que dire de Lysa. Elle ne travaille pas, même si beaucoup la suppose escort girl, les femmes entre elles usent d'autres mots. On la prétend veuve, mais nulle alliance ni marque au doigt pour l'attester.Tous les racontars inventent une magnifique et triste histoire d'amour impossible entre elle et le patron (dont personne ne connait le nom). Comme elle venait ici avant son rachat, ils supposent que c'est la seule raison de cette dépense faramineuse. Pourtant, jamais un regard entre eux. Comme si elle savait à quel moment il regardait autre part, elle commandait ses deux gins sur glace, un zeste de citron, bien évidemment. De même lorsque quelqu'un rentre, il ne regarde pas directement comme s'il lui permettait de se renseigner avant lui, ce n'est que quand elle retourne à sa vue océanique, qu'il se retourne avec stupeur magnifiquement feinte vers les nouveaux clients. Il faut dire qu'en plus d'être séduisant, pour le moins, il est prévenant et connaît tous ses clients par leurs noms et prénoms , ainsi que leurs habitudes. C'est ainsi que l'endroit reprend peu à peu du succès et l'on recommence à venir de loin afin de s'exhiber auprès de la haute société. Il arrive même que de grands musiciens de jazz ou de blues, improvisent un boeuf. Il faut dire que , toujours selon les rumeurs, il connaitrait très bien tous les musiciens les plus en vogue. De temps en temps , bien sûr, comme partout, un pique assiette, ou un ivrogne, dérange le parfait arrangement de cette immense salle parfaite jusqu'aux grands lustres de cristal accordés aux murs et au curieux miroir travaillé étrangement derrière le bar. Il est terriblement difficile de s'y voir dedans, tant sont imbriqués les morceaux de cristal le composant. Cette curiosité attire d'ailleurs un grand nombre de clients au bar, ce qui les fait consommer, la couleur jaune clair dominante des cristaux impose presque le champagne. Celui qui ne pourrait en prendre une bouteille (hors de prix) serait vite dédaigné. Mais revenons aux perturbateurs qui sont très vite éjectés de l'établissement, on ne les revoit jamais, si vous êtes évincés , n'espérez pas revenir, sa mémoire est imparable. De temps en temps, au petit matin, la plupart du temps, des policiers, très convenables il faut en convenir, viennent se renseigner sur la disparition de l'un de ses clients jetés dehors. Le patron horrifié, n'ose imaginer qu'il ou elle ait pris sa voiture, la falaise étant sii dangereuse pour y rouler en état d'ébriété. Cela suffit , avec quelques billets pour les œuvres de la police afin que l'affaire ne s'ébruite pas, pour que les policiers partent faire des recherches le long des côtes totalement impraticable autant pour s'y promener, sortir de l'eau ou plonger.Pendant ce temps, Lysa boit son gin avec une curieuse couleur rouge ondulant dans le verre.

RuellesWhere stories live. Discover now