Lysa (suite)

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Lorsque je pénétrai dans cette antre de l'apogée de la réussite sociale qu'était cet incroyable bar. Il avait eu beaucoup de noms, autant que de propriétaires peu ou prou.Le regard était d'abord attiré immanquablement par l'immense baie vitrée, qui, malgré cette fin de journée nous éblouissait toujours, ce qui faisait danser les robes et vêtures superbes des femmes de la haute. Pas besoin de danser, le moindre mouvement créait un mouvement hypnotique sur ses jupes pastels, avec de-ci de-là, quelque robe écarlate. En général, pour une fête , un anniversaire était la coutume. Étonnamment, quelle que soit l'heure de la journée le soleil inondait la pièce, tellement était grande cette verrière et la terrasse qui la longeait.Ensuite , le regard était attiré par le bar, forcément on s'y dirige souvent en premier. La première visite laisse le néophyte sans voix, la bouche ouverte, tellement les facettes du miroir derrière le bar, jaune champagne tout comme cette œuvre unique qu'est ce miroir de plus de vingt mètres de long, composé de dizaines , pour le moins , de cristaux parfois haut de plus de dix mètres, et qui assemblés avec une cohésion incroyable, faisait qu'il était extrêmement difficile de s'y voir soi-même , alors espérer voir quelqu'un d'autre en douce était une gageure.Dans un coin de la salle comme toujours Lysa buvait son gin, insensible au vacarme qui régnait dans cette salle dont le succès était remonté en flèches récemment. Un groupe de blues avec les plus grands noms jouait en ce moment, et le brouhaha incessant des conversations ne la touchaient pas, comme d'habitude , elle savourait son gin, le regard perdu sur l'océan, dans l'attente de quelqu'un, toutes les conjectures couraient, la plus fréquente étant qu'elle fréquentait ou était sœur avec le patron.Mais ce soir, je n'eut pas beaucoup de temps pour contempler cette femme admirable, mon rendez-vous étant arrivé.Homme d'affaire parvenu dans les assurances automobiles à force de volonté et surtout en n'hésitant pas à piétiner ses adversaires, grâce à des informateurs , souvent des secrétaires , qu'il payait grassement pour connaître les rendez vous prévus et s'y présenter quelques minutes avant son concurrent. S'il était généralement détesté par la plupart des concessionnaires, il était devenu incontournable, car, vu le nombre de clients qu'il ramenait à sa compagnie d'assurance, il avait des prix défiant toutes concurrences et ainsi de suite. Il faisait peu de cas de ce que les gens pensaient de lui, seuls l'argent semblait l'intéresser. L'argent et qu'on le reconnaisse. C'est pour cela qu'il rentrait à grand fracas dans tous les lieux où il allait. Il en fut de même ici.La porte n'était pas encore fermée qu'il vitupérait déjà exigeant le meilleur champagne pour son invité et lui, et une bouteille bien sûr. Et il s'en vint à ma table sous les regards ébahis des clients où un tel comportement ne passait pas trop bien. Bien choisi comme endroit , mon cher, très bien choisi, dit-il en regardant ostensiblement les croupes des femmes comme il le ferait de pouliches. Je suis presque sûr qu'il n'avait pas perçu la magnificence des lustres, l'originalité du miroir ou la vue enchanteresse. Malheureusement il vu Lysa, et la remarque grossière qui lui échappa ne le fit pas pour les autres convives. Le patron vint lui-même servir la bouteille de champagne, chose que je n'avais jamais vue. J'ose espérer qu'il vous plaira!Moi aussi mon cher , partant d'un énorme éclat de rire, puant un mélange de whisky et de vin, il gouta et d'un air surpris, il dit "étonnant , une autre bouteille, et serait-il possible de vous en acheter une caisse?" Le serveur qui était venu remplacer le patron très discrètement, lui répondit," j'ose me permettre que ce cru est assez onéreux". "Je m'en doute sinon il ne serait pas si bon, et où donc est passé ton patron, ne suis-je pas assez digne pour lui que je doive parler à son larbin". Je ne savais plus où me mettre. "Monsieur à été appelé par une affaire urgente mais il m'a assuré que vous le reverriez très vite". Passant déjà à autre chose, et donc ignorant le barman, il grogna une autre insanité sur le châssis de Lysa, toutes ses vulgarités étaient en rapport avec les voitures, il en était d'ailleurs très fier. La réunion, extrêmement gênante pour moi, mais aussi pour d'autres clients qui avaient fait un cercle isolant autour de nous. dura plus de deux heures, il était saoul, je m'étonnais qu'il tienne debout, vu que je feignais de boire, il bu les deux bouteilles tout seul et en recommanda même une. Je savais que ces bouteilles étaient hors de prix, bien au dessus de mes moyens, soit ils voulait épater tout le monde, ce qui aurait marché partout ailleurs qu'ici, soit il estimait que faire affaire avec ma société était cruciale. Quoi qu'il en soit, il me proposa, pour mon malheur, une virée en ville pour fêter ça, étant venu avec un ami, je n'avais pas de moyen de locomotion, étant prévu que nous finirions la soirée autre part. Je balbutiai un, "je ne sais pas si vous êtes encore en état de conduire", ce que toute la salle entendit, et avait d'ailleurs déjà bien compris.C'est à ce moment que le serveur vint à notre rencontre, et, en me regardant," Miss Lysa désirerait vous entretenir, elle vous fera conduire à votre lieu de rendez vous". Un silence assourdissant se fit dans la salle même l'orchestre avait arrêté de jouer, le serveur s'étant débrouillé pour le dire d'une voix forte sans crier. On devinait les pensées, des clients, Miss Lysa qui parle à quelqu'un. Du jamais vu, même moi, client "récent", je savais qu'il se passait quelque chose. Mon fort vulgaire interlocuteur, comprit qu'il n'était pas invité, et en allant payer sa note me cria nous nous retrouvons au pied d'argent, bar-restaurant de luxe sur le déclin, surtout fréquenté par des escort girls et les hommes cherchant leur compagnie. Fort heureusement pour moi, j'avais les contrats signés sur moi, et je pouvais donc éviter ce rendez-vous sans risque de perdre ce marché. Et c'est avec une timidité d'adolescent que je rejoins Lysa à sa table, où je n'avais jamais vu qu'elle. Elle me fit signe de m'asseoir, ma vie fut bouleversée.

RuellesWhere stories live. Discover now