Elle se réveilla avec - encore ! - l'envie de vomir. Il semblerait qu'en plus de ne pas tenir l'alcool, Melania avait aussi le mal de mer. Elle se releva tant bien que mal du hamac dans lequel elle avait plongé en fin de journée, une fois certaine que personne ne les avait suivis. Bon, là c'était clair qu'elle pourrait pas se rendormir. Elle se dit que sur le pont, au moins elle pourrait voir l'horizon.
« Tu veux pas le faire sauter, plutôt ? »
Je t'ai viré ta gueule de bois l'autre jour, déconne pas.
« Fallait tenter. »
Le pont du bateau était éclairé par des lanternes disposées régulièrement sur ses soixante mètres de long, à chaque bord. On entendait quelques membres d'équipage se déplacer le long des trois mâts de l'embarcation, mais tout était à peu près calme. L'air frais lui faisait du bien, l'odeur du large n'était pas désagréable. Elle vit Garamis en train de discuter avec une jeune femme blonde dont la tête ne lui disait rien, portant une chemise et un pantalon probablement empruntés à un marin. Elle s'assit à côté d'eux en essayant de rester dans l'axe de la quille. S'agissait pas de prendre plus de risque que nécessaire. Surtout lorsqu'on parlait de garder son ptit dej' à sa place.
« T'en tires une tête, chef.
— J'aime pas naviguer. Salut ! » lança-t-elle en tendant la main vers la fille. « Vous êtes nouvelle ?
— Oublier les personnes que vous prenez en otage, ce n'est pas très professionnel, vous savez. »
La main retomba alors que l'impression d'être idiote, elle, montait en flèche.
« C'est pas pareil sans le masque. D'ailleurs, vous pourriez m'expliquer à quoi il vous sert ? Je veux dire, c'est un truc rituel ?
— Non, c'est une simple question de sécurité. On a des patients qui rejettent leurs implants et qui peuvent s'en prendre à leur chirurgien, donc on évite de montrer nos visages. Ça aide aussi à éviter les projections de fluides corporels. J'ai entendu des histoires de sang infecté dans les yeux de la part d'anciens, elles étaient terrifiantes. On nous demande de nous laver les mains entre chaque opération, de changer de robe chaque jour. C'est très organisé.
— Et très cher.
— La guilde a les moyens. D'ailleurs, c'est peut-être ce qui va me manquer, désormais... »
Elle détourna la tête vers le large, visiblement peu désireuse d'en dire plus. Melania aurait aimé la questionner sur ses motivations, sur les raisons qui l'avait poussée à quitter la guilde. Mais pas ce soir, ça attendrait que la Ville soit loin derrière eux. Il fallait lui laisser le temps de se retourner, de prendre la mesure de son choix. Une fois arrivés aux Îles Hospitalières, l'horizon serait sans doute plus clair.
Elle avait l'air fragile, cette chirurgienne, débarrassée du prestige de l'uniforme. Une peau pâle qui ne voyait pas souvent le soleil, une carrure frêle qui nageait un peu dans ses vêtements de marin. Un visage pas désagréable, ceci dit, avec une forme de noblesse qui ne demandait qu'à surgir, lorsque l'occasion se présenterait. Si elle était un peu maligne, elle pourrait utiliser cette air générale d'innocence pour arriver à ses fins, quelles qu'elles soient. Enfin, une fois aux Îles, ça ne serait certainement plus le problème de Melania. Bon vent et à jamais, petite otage.
Un mousse essoufflé s'approcha d'eux, timidement. L'équipage avait tendance à être nerveux en présence de l'équipe de voleurs. Si jamais la Reine était arraisonnée par un navire royal... Peu probable. La Reine naviguait sous pavillon de complaisance, le capitaine avait des laisser-passer de Lumière. Il suffisait de se planquer dans la cale le temps nécessaire. Le gamin s'arrêta devant eux.
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Une mission comme une autre
FantasiÇa devait être une opé sans histoire. Mélania, héroïne de guerre, criminelle et accessoirement grande amatrice de bourbon devant l'éternel, ne pensait pas que ça allait à ce point partir en sucette. Entrer dans le siège de la guilde des métamages, p...