-Je ne sais pas. Je ne connais rien à ce sujet. Tu n'as rien lu dessus ?
-Il faut savoir séparer la fiction de la réalité. Et bien souvent, mieux vaut faire confiance à nous mêmes qu'au roman qui orne nos bibliothèques.
Aaron venait d'avoir 11 ans. Son visage murissait petit à petit, et sa voix se durcissait avec le temps. Mais, malgré tout ça, l'on avait toujours l'impression de voir le gamin de rue déniché dans la rue lorsqu'il déambulait dans les couloirs. Toujours cette pureté d'âme, faisant toute sa fierté. Chaque habitant de la maison tenaient à venir lui parler quand leurs bonheur s'enfuyaient, et il possédait cette inconsciente phrasé qui le faisait revenir. Ces mots pétris d'innocence déchiraient nos visages en un sourire, et son angélique regard nettoyaient toute trace de malheur dans nos coeurs. Enfin, c'est ce que les légendes auraient conté.
Je me sentais comme... trahie lorsque je vins le voir. Je voulais être apaisé, ramené dans notre réalité, et seul lui en était capable. De plus, cela lui permettait de passer plus de temps avec celui qu'il nommait « grand frère », appellation interdite en ma présence.
-Ça t'a fait mal ?
-Un peu. Mais pas comme une douleur, comme...
Cela m'offrait un peu de baume de coeur, pouvoir révéler ce que je ressentais à une personne détenant ma confiance, détenant la confiance.
-Comme une libération...
-Mais pour être libérer, il faut avoir été enfermé, nan ?
-La libération est un concept abstrait... Quelque chose que l'on ne peut voir, ni toucher.
Mais cela ne restait qu'un enfant. Bien sûr, l'on pouvait tout lui raconter, très peu de choses allait-il comprendre. Ce qui ne posait problème à personne, étant donné que cela garantissait la garde totale et absolue de nos paroles. Enfin, c'est ce que tout le monde suspectait. Maintenant que le temps me permet de prendre du recul, je me demande vraiment si il cela le dépassait réellement. Jamais je ne sus tout ce qu'il avait retenu, mais par moment, un autre de ces aspect enfantins s'animaient au fond de ses yeux, la malice. Et cette malice resplendissant dans son regard, que bizarrement seul moi remarquait, m'interloquait. Lors de ces instants, nuls ne savait ce qu'il pensait et raisonnait. Par petits mots et formulations à l'allure innocente, ils faisaient frémir la pièce entière. On l'avait rendu puits de savoir, et on redoutait qu'un jour, le puit devienne fleuve...-Et puis, se libérer, ce n'est pas censé faire mal.
-Lorsque nous sommes enchaînés, retirer nos chaînes peut sûrement provoquer de la souffrance.
-Donc tu te sentais enchaînés ?
-Pas vraiment...
-Alors qu'est ce qui t'a fait mal ?
Adossé au mur de ma chambre, cela faisait maintenant une dizaines de minutes que je m'était échappé de ce guet-apens. Ma présence n'avait pas l'air de déranger leurs retrouvailles, mais leurs présences devaient sûrement déranger ma désillusion. Étouffé par l'air chargé de sentiments, j'ai préféré la vie à l'agonie. Et de souffrance, j'était passé à la rééducation. Rééducation des plus corsée, l'on ne choisit pas son médecin.
-Disons... Le brusque rappel à l'ordre.
-Comme une voix qui t'ordonne de te réveiller ?
-Voila, un peu comme un appel venant des tréfonds de mon néant...
-Je te comprends, je ressens ça tous les matins, quand il vient me réveiller...
Le rire m'emporte. Une petite phrase anodine, sûrement pleine de bon sens, mais tellement éloigné de la réalité. Une phrase qui allège tout ce que tes pensées te poussent à croire.
-Je n'ai pas l'impression que cela soit réellement ça dont je parlais.
-J'essaie de comprendre... Mais tu parles comme dans les livres, ce qui complique ma tâche.
-Considères que mes paroles sont des énigmes, des devinettes. Et que tu dois donner réponse à ces énigmes.
-Mais même de ce point de vue, cela me paraît difficile...
Ce petit air abattue lui va si bien. Même après toutes ces années à l'utiliser pour me faire craquer, je ne peux me résoudre à lui donner tort. Utiliser ses charmes pour obtenir ce qu'il souhaite, une stratégie qui a fait ses preuves tout au long de notre Histoire. Et il le sait que cela fonctionne sur n'importe qui, peu importe la préparation ou la concentration. Déjà dans ces moments, l'on discernait ses effroyables talents qui allait en faire tomber plus d'un.
-Et si j'allais lui demander ?
-Lui demander ? À qui ?
Je me souvins encore de cette sensation, cette affolement, cette emballement cardiaque. Comme si mon corps voulait pousser un refus solennel devant cette idée inconsidérée. Et pour une fois, mon corps avait l'aval de mon esprit. Jamais je ne devais lui laisser cette occasion. C'est tout ce que je demandais. Je sais que cela paraît brusque ainsi, mais personne n'a envie que ses pensées soient dévoilés au principal intéressé. Seulement, l'esprit d'un enfant est souvent détraqué par sa vision étriqué de notre monde, et mieux vaut-il le laisser bercer dans cette vision.
-À Elizabeth. Tu voulais que je demande à qui ?
-Mais tu souhaites lui demander quoi au juste ?
-Qu'est-ce-qu'elle t'a fait, puisque c'est sûrement la seule qui puisse me donner une réponse sans tenter de me la dissimuler.
-Tu n'oserais pas la déranger, elle est avec son... « amie », si mon raisonnement est juste, et dans un venimeux affrontement avec ses parents.
-Tu crois que je me ferais jeter si je tente de m'y introduire ?
-Sûrement, nos hôtes ne sont pas les personnes les plus ouvertes, et je redoute leur réaction s'ils apprennent ta présence...
Le temps que je termine ces paroles, sûr que cela allait le refroidir, voir même assassiner dans l'oeuf ces futurs actes, il avait déguerpi en quête de la « maîtresse ». Ces paroles avaient donc été prononcés en vain ai-je maintenant envie de rajouter, car l'on ne tue jamais les convictions d'Aron, l'on ne fait que les ralentir en l'amusant...J'attendis une dizaine de minutes ainsi dans la solitude des murs et dans le silence de l'air. Le vent semblait tenir lui aussi à ne pas souffler, afin de ne pas troubler ce moment de grâce qui m'avait été accordé. Je ne souhaitait penser, réfléchir, juste attendre. Une éternelle attente aurait été souhaitable, mais l'on ne pouvait changer un fait, et cela n'était pas plus mal. Si toutes choses pouvaient être modifiés à notre convenance, le monde ne ressemblerait qu'à un immense bac à sable. Alors je mis tout en oeuvre pour attendre au creux de ma propre réflexion. Attendre en quête de nouvelles qui pourrait briser cette sérénité naissante. Mais attendre en quêtes de nouvelles qui pourraient créer un bonheur décent.
Quand il revint, je ne le vis pas sur le coup. Yeux fermés, plongés dans mes pensées, je ne remarquai sa présence que lorsque il se pencha vers moi pour vérifier si je ne m'était pas endormi.
-Respires moins fort...
-Oh, désolé, je pensais que tu t'étais assoupi.
-Tu aurais préféré, nuance.
-Pourquoi aurais-je préféré ?
-Car tu as perpétré un acte me concernant contre mon gré.
-Arrête de parler comme les hommes de lois, cela ne te correspond pas.
Le silence s'installa. Je brulai d'impatience de connaître les résultats de ses investigations, mais je ne pouvais le clamer. Cela aurait nuit à ma crédibilité. Alors je me tus, patientant, tandis qu'il se retenait de tout dévoiler. Enfin, c'est ce qu'il me semblait. Car, sûrement ennuyé par ce petit jeu, il se leva et se prépara à partir.
-Si tu ne veux rien savoir, autant tourner court.
Je voyais mon espoir s'évader. Le choix était simple : ma crédibilité ou la vérité. Et ma décision fut tout aussi simple. J'aurais tout donné pour la vérité, alors ma crédibilité, elle peut se reconstruire.
-Que t'a t'elle dit ?
Il devait arborer un diabolique sourire, heureux de ce qu'il avait pu faire, et réussir. Il se hâta de se rasseoir, de m'exposer ses découvertes acquises des plus facilement.-Elle n'était plus en plein dispute quand je la vis. Elle venait de sortir de la pièce et s'était réfugié dans sa chambre. Je crois que l'autre la recherchait, car quand je le croisai, il me demanda où se trouvait sa chambre. Bien entendu, je lui ai donné une direction opposé, hors de question qu'il ne la trouve avant moi. Et puis, grâce à lui, je l'avais trouvé. J'arrivai donc devant sa chambre. Mais que faire pour rentrer...
Ainsi m'étala-t-il tout ses faits et gestes dans leur précision. Il ferait sûrement un excellent romancier. Mais en ce moment, je n'avais guère la tête a écouté son récit. Je ne cherchai qu'un seul passage, et très vite, je fis la sourde oreille à son histoire. Inutile de se perdre dans ses explications.
-...et là elle parla. Je lui demanda ce qui n'allait pas. Elle me répondit que ses parents avaient pris une décision à sa place. Mais étant donné que je n'étais pas venue pour ça, je ne renseigna pas plus. Je voulais juste savoir ce qu'elle t'avait fait, et grâce à des moyens détournés, j'ai eu un semblant de réponse. En fait, elle ne t'a rien fait, tout ça, c'est juste dans ta tête. C'est toi qui a inventé ta prison, et donc ta libération ! Mais je ne comprends pas pourquoi...
Cela, je l'avais bien compris sans son aide. Bien sûr que cela venait de moi, seul mes divagations étaient responsables.
-Merci...
Ma parole avait une nouvelle fois pris le dessus sur mes pensées. Heureusement pour moi. Je ne me voyais pas lui expliquer à quel point son effort était vain. Je ne pouvais pas gâcher son illusion. Je préfère qu'il pense m'avoir aidé que savoir qu'il avait risqué sa présence ici pour rien. « Toujours cultiver l'imaginaire d'un enfant, même si l'on doit mentir. » avais-je un jour lu. Mais ce n'est que maintenant que les raisons m'ont effleuré.
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Jack
Novela JuvenilJack était un ancien pensionnaire du fond des rues londoniennes, vivant sa vie comme il le voulait mais surtout comme il le pouvait. Mais un beau jour, au gré d'un caprice de jeune fille, il se retrouve propulsé dans l'aristocratie anglaise. Les ann...