XVIII

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L'endroit était enchanteur. La sombre forêt avait laissé place à une plaine qui s'étendait à l'infini. L'air embaumait le parfum de fleurs exquises et inconnues. Une légère brise soufflait. La jeune femme ne se laissait pas attendrir. Derrière elle, le trou béant avait disparu, ne lui laissant aucune issue. Elle retira son capuchon, dévoilant de longs cheveux blonds, presque blancs et des yeux dont la couleur rappelait l'améthyste.

Yle défit le lien qui maintenait en place sa vielle cape. Cette dernière glissa de ses épaules puis se fondit dans l'herbe verte. Yle sonda du regard les alentours. Elle était seule au milieu de ce paysage trop parfait pour être ce qu'il était réellement. Sur le sol, la cape était devenue un parterre fleuri. Yle fronça les sourcils. Elle devait agir vite. Elle avança dans la plaine. Du vert, rien que du vert. Et cette immonde et délicieuse odeur.

Soudain, Yle ressentit une douce chaleur au niveau de ses jambes et souleva le bas de sa robe, révélant des membres amaigris, de vieilles blessures. Ces dernières semblaient s'estomper à vue d'œil. Yle hésita. Devait-elle se laisser aller à cette plaisante sensation ou au contraire devait-elle s'en méfier ? Elle opta pour la seconde solution et commença à paniquer.

Le parterre de fleurs qu'était sa cape était encore devant elle, comme si elle n'avait jamais bougé de son point de départ. Yle contempla avec horreur son ancien habit, sentit la douce chaleur remonter jusqu'à ses cuisses. La jeune femme allait se faire absorber par l'endroit, elle le savait. Il fallait vite le trouver, coûte que coûte. Une vive brûlure au majeur droit surprit Yle.

L'anneau d'argent qu'elle portait brillait. Troublée, la jeune femme examina la ligne blanche au centre du bijou. Elle parvint à distinguer un visage, mais les traits en étaient brouillés. Normal, elle se trouvait dans un vide temporel. Mais si l'anneau s'était manifesté, cela voulait dire que son jumeau avait été retrouvé. L'évidence frappa Yle : on la cherchait, elle n'était plus seule. Yle réprima un sourire.

Après toutes ces années, elle ne pouvait plus faire confiance à qui que ce soit, et surtout pas à une bague qui la brûlait quand ça lui chantait. Un éclair illumina les yeux mauves de la jeune femme. Elle venait d'avoir mal. Dans un endroit où tout n'était que douceur et bonheur. Elle se souvint alors de ce que lui avait un jour dit Kerinn. Yle chuchota :

« Dans ce monde, le bonheur pur n'existe pas. Il y aura toujours une part de souffrance, même infime, et elle seule finira par nous dévorer. »

La légère brise devint une rafale glacée. Le parterre fleuri retrouva sa forme initiale. L'herbe avait fané, le ciel s'était noirci, et Yle sentit les cicatrices de nouveau entailler la chair de ses mollets. Le mystérieux endroit était devenu brusquement beaucoup moins accueillant qu'au premier abord.

La jeune femme se retourna, et aperçut un vieil escalier en pierre, surmonté d'une porte minuscule en bois pourri. Un sourire de triomphe apparut sur le visage d'Yle. Elle avait vaincu le vide temporel. Elle était passée de l'autre côté de cette satanée Porte, et elle allait le retrouver. Elle en était sûre. 

Juste Aux PortesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant