— « Il est manifeste, à partir de cela, que la cité fait partie des choses naturelles, et que l'homme est par nature un animal politique, et que celui qui est hors cité, naturellement bien sûr et non par le hasard des circonstances, est soit un être dégradé soit un être surhumain, et il est comme celui qui est injurié en ces termes par Homère : sans lignage, sans loi, sans foyer. » Aristote. Qui peut me dire ce que ça signifie ? Oui Charlie.
— Ça veut dire que les êtres humains sont humains en participant à la vie de la cité, non?
— Tout à fait. L'Homme étant un animal politique il devient homme parmi ses congénères, en vivant dans une société régie par des lois et des coutumes. L'homme développe tout son potentiel et réalise sa fin naturelle dans un contexte social.
Une sonnerie retentie.
— Et bien. On dirait que c'est la fin du cours.
Les lycéens commencent à ranger leur affaire dans leurs petits sac-à-dos.
— Au prochain cours nous verrons un autre...philosophe...qui...
Certains sont déjà dehors que John n'a pas encore fini de parler
— oh et puis nous verrons cela plus tard. Bon weekend à vous. Ces jeunes, toujours pressés... marmonna-t-il.
John sortit de la salle de classe, exténué par cette nouvelle journée de cours. Comme ayant le poids du monde sur les épaules, il ne pouvait s'empêcher de regretter ces belles années qu'il passait à apprendre des choses sur les bancs de la fac. Il était studieux et passionné par la philosophie et l'enseignement. Tout du moins de l'image qu'il en avait. Sorti major de sa promotion, il décida que pour enseigner à son meilleur niveau il valait mieux être docteur en philosophie que seulement diplômé d'un master. Ainsi, il se retrouva à étudier un texte de Leucippe, un philosophe présocratique, dont on avait retrouvé accidentellement dans une jarre des fragments en grec qu'il fallait traduire et comprendre. Son responsable de thèse qui travaillait sur ce fragment depuis une dizaine d'année maintenant, lui appris tout ce qu'il fallait savoir sur les philosophes présocratiques. Et plus généralement, de la Grèce antique. Il découvrit Aristote, Platon, Démocrite, Lucrèce, Epicure et bien d'autres encore.
Devenu docteur en philosophie, c'est sans mal qu'il réussit à son concours de professeur des écoles et qu'il fut affecté dans un des meilleurs lycées de son pays.
— Et malgré tout ça, me dit-il, j'ai quand même perdu la flamme. Vous savez l'enseignement, même quand elle est une vocation, devient très vite répétitive. Vous enseignez les mêmes choses, selon le même calendrier, à différents enfants, tous complétement largués en philosophie. Ce n'est pas avec un an de philosophie en terminale que l'on apprend à penser. Tout ce fatras accumulé en amont... Difficile de mettre de l'ordre là-dedans ! Il aurait fallu leur donné des cours de philosophie bien plus tôt dans leur scolarité. C'est navrant de voir la bêtise de certains élèves... J'en ai perdu le goût de l'enseignement à force. Mais c'est dans cet enfer là que j'ai pu rencontrer Olga.
— Olga ? demandais-je
— Celle qui deviendra plus tard ma femme. Et la mère de mon fils, Nathan. C'était une femme formidable. Elle était ce rayon de soleil qui transperce la nuit l'aurore venu. Elle débordait de vie. Son sourire avait ce don de me redonner espoir. Et me poussait à me dépasser continuellement. A repousser les limites de la routine, ce poison du couple. Et de l'âme soit dit en passant. « Un homme piégé dans la routine est un automate aux rouages mal huilés... » Me répétait-elle souvent. Elle avait le don de me rendre optimiste et rêveur...
— Vous parlez d'elle au passé. Est-ce que je dois comprendre qu'elle est...
— Oui, d'un cancer des poumons. La cigarette était le seul vice que je lui connaissais. Et celui-ci ne l'a pas épargné. La Mort ne s'intéresse qu'au personne qui ne le mérite pas. C'est toujours ceux qui t'emmerde le plus qui partent les derniers. Les meilleurs eux ce sont les éjaculateurs précoces de la vie ; ils partent toujours trop tôt. Excusez-moi je m'emporte... mais comprenez-moi. La vie ne m'a pas toujours fait de cadeau ; mis à part ma rudesse.
— Vous ne me semblez pas si rude que ça...lui dis-je timidement. Et ce n'est pas un mot qui vous rendra détestable.
Soudain je constata que l'œil gauche de John sautait. Il semblait se crisper. John remarqua ma surprise, sortit une plaquette de comprimés. En pris un et le goba.
— Si je vous semble si aimable pour le moment c'est parce qu'avec le temps j'ai acquis l'art de la simulation et de la dissimulation. Mais les confessions ne rendent pas aimable. Bien au contraire, une fois ses pensées révélées, il ne reste que des gens coupables de leur malhonnêteté profonde...
Je ne pouvais pas m'imaginer que l'homme que j'avais devant moi soit malhonnête. Il me rappelait tellement mon Frédéric que j'en venais à les confondre tous les deux. Chaque être trimballe son lot d'erreurs ou d'ombres du passé pouvant ternir leur présent. Mais je n'imaginais pas en quoi ce que pourrait me confier John me révèlerait une quelconque malhonnêteté.
— Vous savez, moi aussi je porte le fardeau de mes erreurs. Cela ne fait pas de vous quelqu'un de malhonnête, mais d'humain au contraire. Comme le Christ, chacun porte sa croix en ce bas monde. Ce sont nos erreurs qui nous rendent si attachant. Ce sont elles qui nous amènent vers le progrès et l'estime de soi. Ce dont je crois, vous manquez John.
— Vous êtes fine psychologue, dit-il en riant. C'est possible que mon estime ait pris un sacré coup avec le temps. Et ce n'est pas une mauvaise chose. Depuis que je suis ici, au Ghana, j'ai appris à rire de moi-même. Ce dont j'étais incapable lorsque je travaillais au parlement.
— Vous avez travaillé au parlement ? M'étonnai-je. Mais vous aviez le temps d'être professeur et parlementaire ?
— Non, bien évidemment. En fait, j'ai quitté l'éducation nationale après mon accident, il y a 10 ans de ça.
— Attendez, vous allez trop vite. Ça fait beaucoup d'informations à assimiler d'un coup...
—Ne vous inquiétez pas. Commençons par le commencement vous voulez bien ?
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Casus Belli
AdventureLucie est bénévole dans l'association "My dream" au Ghana. Un soir, lors d'une sortie dans un bar, elle rencontre un homme qui la captive,l'envoûte, la laisse dans un état extatique...Ce n'est que plus tard qu'elle apprendra la réelle identité de ce...