Si j'avais bien appris une chose de mes années d'études à Paris, c'est que mon instinct ne me trompais que rarement. Bien que cela puisse sembler irrationnel, j'ai toujours su pressentir les événements. Non pas que j'avais un soit disant don faisant de moi une de ces illuminées extralucides, une sorte de Madame Irma du XXI ème siècle. Seulement, j'avais cette sensibilité, cette capacité à facilement analyser au regard de mes nombreuses connaissances ce monde qui pouvait sembler absurde pour les plus pessimistes; tragique pour les plus réalistes.
Moi, je n'étais ni de ces âmes chagrines qui pensent que le monde ne peut être changé, ni de ces âmes retors n'envisageant la vie que sous le coup d'un éternel fatalisme.
Non.
J'étais et je reste une grande optimiste. Toujours plus avide d'émotions et de comprehension de mon environnement. Toujours à l'affût de ce petit détail qui change radicalement notre perception des choses. Obsédée par ce chant de sirène qu'est la vérité, n'était-il donc pas normal que j'entrasse en école de journalisme ?
John était un mystère pour moi. Et c'est ce qui le rendait à la fois si terriblement excitant et si effrayant à mes yeux.
Ce lien que j'avais ressenti lors de notre première rencontre... Je commençais à entrevoir sa véritable nature. Mon âme était à la recherche d'une histoire palpitante à entendre. Et lui n'attendais que la première occasion pour m'en raconter une. "Quelle aubaine !" s'exprimerait-il, pensais-je alors sourire en coin.
Ainsi démarra "l'enquête" qui me poussera, un an plus tard, à écrire ce journal.
Incontrôlable, mon désir d'en savoir plus sur cet étrange individu transforma mon obsession à son égard en énergie pure.
A l'ère du numérique, il est très facile d'obtenir une information sur un quidam. Seule condition requise pour cela : avoir un nom. Malheureusement, de lui je ne connaissais que le prénom. Alors, toujours avec ce soucis d'en apprendre davantage, je décidai d'aller voir monsieur Chalumard dans le but de lui soutirer l'information. Ma seule inquiétude résidait dans la manière dont je l'obtiendrai.
-Tiens, Lucie ! Que me vaut ce plaisir ? Je suis désolé mon bureau est en désordre, s'excusa-t-il rangeant quelques papiers dans un tiroir de son bureau. En quoi puis-je vous aider? Tout se passe bien avec votre nouveau partenaire de travail ?
- Avec John ? Oui, oui, mentai-je. C'est justement à son propos que je viens vous voir.
- Ah ? s'interrogea-t-il
- Cela fait maintenant deux semaines qu'il est avec nous à l'association et nous avons quasiment fini le toit de l'école, commencé à peindre la fresque murale et nous avons enfin pu commencer à donner des cours de mathématiques aux enfants. John se donne vraiment beaucoup de mal pour que l'on accomplisse les objectifs du mois.
- Et bien, tout cela me ravit ! J'avais quelques doutes à son sujet en voyant son profil. Un ex-militaire se reconvertissant dans l'humanitaire ce n'est pas tous les jours que l'on voit ça.
- Un ex-militaire ? m'exclamai-je ne pouvant retenir ma surprise.
- Oui. Il a été 10 ans dans l'armée avant de venir ici. Il n'effectuait plus de missions au vu de son âge avancé mais il semblerait qu'il ait été très haut placé dans la hiérarchie britannique. Et plutôt que de partir à la retraite grassement payé par son gouvernement, il a préféré venir ici. Un sacré personnage ce John.
-Je ne sais pas où vous l'avez trouvé mais ce John Smith est un sacré bonhomme en effet.
- Smith ? fronça-t-il les sourcils. Vous voulez dire Doe ?
- Oui pardon, me corrigeai-je ravie qu'il soit tombé dans le panneau, je disais donc que ce John Doe est un sacré bonhomme. Il m'a fait part de nombreuses suggestions qui pourrait vous intéresser pour faire tourner le chantier et avoir plus de dons pour financer nos travaux.
- Vraiment? Je vois...il ne lui aura fallu que deux semaines pour nous être d'une plus grande aide que ce que j'imaginais. Je vais le convoquer dans la semaine et nous en parlerons alors.
- Non, non, me précipitai-je.Non sûrement pas. Si John venait à rencontrer Chalumard sous ce prétexte fallacieux, il aurait vite pu comprendre que j'enquêtais sur lui. Et Dieu sait ce dont est capable cet homme... Un ex-militaire? M'aurait-il menti ? Me revint alors en tête l'image de John avalant quelques comprimés. Peut-être pourrais-je en savoir plus sur ce fameux tic à l'oeil qui le prenait quelques fois ?
- Non. Repris-je, il m'envoie justement pour en discuter avec vous aujourd'hui. Vous savez, avec sa maladie il vaut mieux qu'il se repose.
- Oh je vois...et bien qu'il se repose alors ! J'espère qu'il n'a rien attrapé de grave. On ne sait jamais avec ces épidémies de paludisme qui nous guettent.Zut. Il semblerait qu'il ne sache rien sur l'état de santé de John. Tant pis, me desolai-je, j'aurais essayé.
Après 20 bonnes minutes à discuter de la façon dont l'association pourrait mieux fonctionner, je quittai le bureau de monsieur Chalumard avec un nom : Doe. John Doe."Finalement, ces 4 années en école de journalisme allait peut-être bien plus me servir que ce que j'imaginais" souriai-je alors.
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Casus Belli
AventuraLucie est bénévole dans l'association "My dream" au Ghana. Un soir, lors d'une sortie dans un bar, elle rencontre un homme qui la captive,l'envoûte, la laisse dans un état extatique...Ce n'est que plus tard qu'elle apprendra la réelle identité de ce...