Veni, Vidi, Vici

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Après cet aveu de faiblesse, si je puis dire, John me semblait être un tout autre homme. Prise de tristesse je décidai de changer de sujet.

— Plus je t'écoute et plus je me dis que tu as l'art et la manière de dire les choses... je crois que j'aurais pu deviner sans que tu me le dises que tu étais un homme politique. Ou tout du moins un homme dont la verve sert dans son métier. Mais raconte-moi, comment de professeur de philosophie tu en es venus à la politique finalement ? Je veux dire, ça doit être compliqué quand on a aucun réseau...

— Et bien tout simplement vous savez...enfin, je veux dire, tu sais. J'ai toujours eu du mal avec le tutoiement. Cela me vient de mon époque dandy lorsque j'étais encore adolescent. Je crois que ce goût pour la singularité ne me quitta plus dès lors, rit-il les yeux pleins de nostalgie.

— D'accord...répondis-je un peu gênée. Mais cela ne répond pas à ma question...

— On pourrait le penser, mais en fait cela répond totalement à votre question. Le politique est un dandy. Il fait de son art, le mensonge et la tromperie, sa vie. Il la façonne de telle sorte à être pleinement celui qu'il doit être aux yeux de son publique. L'acteur que j'étais, et j'étais plutôt bon acteur, le savais que pour charmer son publique il fallait incarner au mieux son personnage. Et quel meilleur personnage que celui de l'homme révolté?

— Pour toi tout le monde politique ne se résume qu'à jeux d'acteurs et incarnation de personnages ?

— Tout à fait.

— Je ne suis pas sûre de cela...

— La communication est très importante en politique autant qu'en éducation. Une information mal délivrée et c'est la fin : vous perdez l'intérêt de votre auditoire. Il faut savoir se mettre au niveau du peuple pour avoir une emprise sur eux. C'est pourquoi mon premier acte politique a été d'entrer dans un syndicat. Il me fallait tester mes talents d'orateur. Et l'occasion vint plus rapidement que prévue. A peine arrivé au syndicat, qu'un de mes collègues était sur le point d'être renvoyé pour avoir couché avec une de ses élèves tout juste majeure. Tu imagines l'aubaine ?

— Une aubaine ? répondis-je, je ne vois pas en quoi un détournement de mineur est une aubaine excuse-moi.

— L'aubaine est plus dans la difficulté de la défense que dans l'accusation de détournement de mineur.

— D'accord, dis-je passablement énervée, mais qu'as-tu fait ensuite ?

— J'ai défendu l'indéfendable bien sûr ! ha ! ha ! ha !

En effet, c'est ce qu'il fit. Arrivé au conseil de discipline du lycée, John entra dans la salle avec cet air grave et concerné que pouvait avoir parfois les avocats. Il revêtait pour l'occasion des petites lunettes rectangulaires qui lui donnait un air froid. Glacial même.

Le conseil commença la discussion et c'est tout naturellement le directeur du lycée qui s'exprima le premier :

— Bonjour et bienvenu à tous à ce conseil de discipline. Aujourd'hui nous nous réunissons donc pour traiter d'un sujet ma foi fort grave puisque nous avons appris, par le biais de quelques élèves, une informations d'une importance et d'une gravité que l'on ne peut tolérer dans ce lycée. En effet, Cédric Trogneux, professeur de littérature dans notre établissement, est accusé de détournement de mineur sur la jeune Isabelle Cromna. Bien que celle-ci soit aujourd'hui majeure, au moment des faits elle ne l'était pas. C'est pourquoi aujourd'hui nous discuterons du renvoi immédiat ou non du lycée de notre tristement estimé collègue et, bien entendu, de la divulgation de ces éléments à la police qui se chargera de l'affaire. Pour cette occasion, nous avons tenu à ce que John, membre du syndicat du lycée, soit présent bien que, comme les faits l'indiquent, le dénouement de cette affaire est déjà tout tracé.

Casus BelliOù les histoires vivent. Découvrez maintenant