Elite Academy

Prologue

Froid. Il faisait énormément froid. À l'extérieur durant le mois de septembre, les individus claquaient des dents tandis que leurs habits claquaient dans le vent.

Une demi-heure. Cela faisait une demi-heure qu'ils patientaient. Des enfants, des adolescents, de jeunes adultes. Ils ne pouvaient même pas se réchauffer en frottant leurs mains les unes contre les autres : Les mains liées derrière le dos, ils étaient fermement attachés à des chaises.

Une demi-heure qu'ils patientaient dans une semi-obscurité avec une quarantaine d'inconnus, tous attachés à des chaises inconfortables disposées en cercle dans ce qui semblait être une sorte de kiosque. Aucun ne parlait.

Enfin, une lumière s'alluma. Ils regardèrent tous dans cette direction. Oui, tous. D'un ingénieux stratagème, ceux qui se trouvaient de dos ont adroitement réussi à tourner leur chaise en la faisant pivoter sur un pied.

Une silhouette d'abord lointaine et frémissante se précisa au fur et à mesure de son approche. Il s'agissait d'une femme au teint de porcelaine, yeux de rubis et chevelure d'argent.

- Bonsoir. Je m'appelle Ina.

~•~•~•~•~•~

Tous ceux présents dans la pièce fixèrent la dénommée Ina du regard tandis qu'elle s'avançait lentement vers le centre. Une fois positionnée de manière à ce que tout le monde puisse la voir, elle commença à parler d'une voix mielleuse.

- Eh bien eh bien, qu'avons-nous là ?

Si quelques personnes restaient de marbre, nombreux étaient ceux qui semblaient mal à l'aise dans leurs chaises et se tortillaient dans tous les sens.

- Rassurez-vous, s'adoucit-elle. Je ne vais pas vous manger ! Tout ce que je vous demande, c'est de me révéler ce que vous savez sur l'Elite Academy.

Un frisson les parcourut. Tous sans exception. La seule différence étant que c'était plus visible chez certains que chez d'autres. Chaque personne dans le kiosque savait très bien de quoi il s'agissait, mais cette école était censée être connue de nul.

- Est-ce que vous savez comment on y entre ?

Le silence. Telle fut leur réponse à tous. Chacun avait été contacté séparément par l'Académie et y avait postulé il y a maintenant de nombreux mois. Plus de deux ans pour quelques personnes. Certains avaient même presque abandonné l'idée de recevoir une réponse. La seule condition posée par l'Académie en échange de leur postulation avait été leur silence.

- Vous ne voulez pas me le dire ?

On entendait et sentait le vent souffler par bourrasques violentes, des feuilles mortes s'accrochant parfois aux cheveux de certains qui ne faisaient pas un geste pour les retirer... ils n'auraient pas pu, de toute manière. L'Académie, aussi secrète soit-elle, était réputée pour les traitements sanguinaires qu'elle réservait aux mouchards. C'était la première chose qu'elle apprenait à ceux qu'elle contactait. Si on n'avait jamais entendu parler d'espion s'y étant infiltré, certains avaient bien tenté de vendre le peu de connaissances qu'ils avaient. On ne les avait jamais revus. Ou plutôt, juste quelques-uns de leurs doigts. Ou même, avec un peu de chance, leur tête.

Il était impossible de faire une seule remarque au sujet de l'Académie sans que celle-ci ne finisse par le savoir. Il était tout bonnement impensable pour n'importe quelle personne saine d'esprit de délier sa langue.  Autant nier sa connaissance de l'existence même de cette l'Académie.

Ina se redressa.

- Je vous le demande gentiment, mais la patience a des limites. De plus, si vous coopérez, il se pourrait qu'il y ait une récompense à la clé. De l'argent peut-être...

Certaines personnes remuèrent, attirées par le gain.

- Ou bien... Des informations sur les Disparus.

Là, tous se figèrent. Les personnes encore un peu déconnectées de la conversation commencèrent à écouter avec attention.

- Qu... Que savez-vous... sur les... les... les Disparus ? souffla une fille aux grands yeux bleus innocents.

- Voyons, ma chérie. Tu ne pensais tout de même pas que j'allais te le dire comme ça, sans rien en échange, n'est-ce pas ?

La jeune fille baissa la tête, laissant un filet de cheveux blonds lui recouvrir le visage. Derrière elle, on pouvait voir que ses poings serrés tremblaient et que ses jointures étaient blanches.

- Tu es contrariée ? Oh, pauvre petite.

La mystérieuse dame esquissa une moue tandis qu'une étincelle passait dans ses yeux. Quand elle repris la parole, c'était en s'adressant à tous :

- Vous n'avez qu'une seule phrase à dire. Dites que vous coopérez, et vous aurez ce que vous voulez. De l'argent, des renseignements, du pouvoir... Tout ce dont vous pouvez rêver. Tout ce qu'il vous suffit de faire, c'est de nous dire ce que vous savez sur l'Elite Academy.

Nouveau frisson de la part de certains à l'entente de ce nom.

- Je suis informée, vous savez ? Je sais très bien que vous avez déjà été contactés par l'Académie.

Cette fois-ci, ce furent des tremblements incontrôlables qui prirent certains de court. Ils tremblaient et n'arrivaient pas à s'arrêter. De grosses gouttes perlaient sur leurs fronts.

- Vous n'avez qu'une seule chose à dire. Une chose à dire, on vous détache, vous nous dites ce que vous savez, et on vous donne tout ce que vous voulez en retour. Allez-y, parlez.

Ina fit le tour du kiosque en effleurant du bout des doigts la tête de tout le monde.

- Et vous savez quoi ?

Elle laissa ses paroles flotter un instant. Le temps qu'elles rentrent dans l'esprit des kidnappés.

- Je sais même que vous avez postulé pour faire partie des nouveaux étudiants. Tous.

Là, ce furent des cris perçants qui s'élevèrent dans l'obscurité. Personne n'était sensé avoir lu leur lettre de candidature à part les dirigeants de l'Académie ! Un petit garçon commença à s'agiter dans tous les sens, menaçant de casser sa chaise. Une jeune femme approchant la trentaine sanglotait de peur. Plusieurs personnes étaient en proie à l'hystérie la plus totale. Cette femme allait signer leur arrêt de mort à tous, elle n'était pas sensée posséder de telles connaissances.

Tous étaient en proie à la peur.

Tous, sauf un petit groupe, éparpillés aux quatre, ou plutôt nombreux, coins du kiosque.

À ce moment-là, une autre voix s'éleva. Il s'agissait d'une autre femme, que personne n'avait encore remarquée. Elle était adossée à l'un des piliers qui retenaient le toit, une ample capuche cachant son visage.

- Ça va, Ina. Je crois que la plaisanterie a assez duré.