Chapitre premier

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Les nuages parcourus d'éclairs grondaient en déversant des torrents d'eau. Les kidnappés se trouvaient désormais seuls sous ce ciel morose, les deux femmes ayant disparu d'un claquement de doigts. Les arbres semblaient toujours peu agités malgré le climat et la terre se faisait boueuse sous les bottes des personnes rassemblées en cercle, faisant leurs chaises s'enfoncer dans le sol. Une légère brume flottait quelques mètres en-dessous du bord de la falaise, mais on comprenait en observant l'horizon que la terre ferme se trouvait à quelques centaines de mètres en dessous.

- Mais quelle idée de nous abandonner ici, on gèle !

Une fille aux cheveux pourpres venait de grogner ces mots tout en remuant afin de se réchauffer un peu. Elle ne portait que des vêtements légers qui finirent trempés sous la pluie en peu de temps et râla intérieurement de ne pas en avoir pris des plus chauds. Deux garçons se trouvaient sur les chaises d'à côté. Celui à sa droite était japonais et avait les yeux verts, un air anxieux et une apparence frêle tandis que celui à sa gauche, vers qui elle s'était tournée, avait de longs cheveux blanc polaire mettant en valeur sa très grande taille.

- Je m'appelle Elizabeth, Elizabeth Dupont. Et toi ? demanda-t-elle en s'adressant au suédois.

- Béryl Kvalificerad.

Il ne lui accorda même pas un coup d'œil, regardant devant lui d'un air indifférent et palpant ses liens du bout des doigts. Grâce à quelques manipulations précises et agiles, il réussit à les défaire et se leva, pivota et partit vers les bois sans un mot.

- Vous ne penseriez même pas à m'aider, non ? Dire que je vais devoir me débrouiller toute seule, soupira Elizabeth en soufflant sur une mèche pourpre tombée devant ses yeux.

Elle tenta en vain de se contorsionner dans tous les sens mais n'arriva pas à défaire ses liens. L'autre garçon, aux cheveux noirs, regarda un moment Béryl s'éloigner puis fixa Elizabeth avec curiosité en voyant bien qu'elle n'y arrivait pas, ses yeux devenant même humides. Il se concentra alors et sa chaise se mit à léviter à une dizaine de centimètres du sol avant de brusquement retomber en cassant. Sous des yeux ronds, il fit passer ses bras en-dessous de ses jambes et une fois ses mains devant lui, tira sur ses liens à l'aide de ses dents. Une fois débarrassé de sa corde, il lui sourit avant de s'agenouiller derrière elle pour défaire ses liens, Elizabeth balbutiant un « merci ».

- Je suis Makoto Kei, pas de quoi.

Il voulut retourner s'asseoir sur sa chaise mais étant cassée et l'herbe trempée, il décida de s'asseoir plus loin sur un gros rocher et de mettre de l'ordre dans ses pensées. Les deux femmes étaient les premières qu'il rencontrait à avoir des pouvoirs comme lui. Peu importe si elles sont des ennemies de l'Académie, elles avaient piqué sa curiosité et il allait rester dans l'espoir d'en apprendre plus. Puis il repensa au garçon qui venait déjà de mourir. Il aurait bien voulu le rattraper en le faisant léviter mais il n'en avait pas eu le temps. Il ne se sentait pas triste ni heureux de ce fait, c'était la loi du plus fort qui s'imposait dans la nature depuis la nuit des temps.

~•~•~•~•~•~

Pendant ce temps, du côté opposé du cercle, une fille aux traits asiatiques observait d'un œil éteint l'endroit où quelqu'un se trouvait il y a encore quelques instants auparavant. Son voisin de gauche avait été poussé dans le vide. Ses lèvres peintes d'un rouge sang vif remuaient sans un bruit et un fin trait noir accentuait ses yeux bridés. Elle se frottait doucement les poignets rougis, la corde les lui ayant enserrés gisant désormais par terre.

De l'autre côté de la place vide se trouvait un garçon aux cheveux bouclés auburn et aux yeux verts, de légères taches de rousseur mettaient en valeur son nez fin et allongé. Il avait l'air un peu perdu et sonné, ses pensées défilant à toute vitesse. Ont-ils été téléportés ou est-ce une illusion ? Le garçon poussé dans le vide, était-ce réel ou était-ce pour leur faire peur ? Il parcourut le cercle du regard, une quinzaine de personnes, puis ouvrit la bouche en regardant sa voisine deux chaises plus loin, et la referma aussitôt. Il ne saurait compter que sur lui-même, faire les présentations maintenant était impossible. Il testa ses liens et regretta de ne pas avoir de canif, qui lui aurait été bien utile. Tant pis, il était assez souple et après quelques minutes infructueuses passées d'abord à trouver le nœud pour le défaire de manière civilisée, il finit par tirer comme une brute dessus et son acharnement paya car il était enfin libéré. Un nouveau coup d'œil autour de lui ne lui en apprit pas plus sur les intentions des autres et il sentit un léger énervement masquer l'excitation en lui, ne pouvant entendre ce qui se disait. Il focalisa son attention sur le paysage, toujours assis. La falaise n'était définitivement pas une option et il n'était de toute manière pas d'humeur à se jeter dans le vide. Ce sera donc la forêt, pensa-t-il. Il se leva, les jambes douloureuses, et se mit en marche après avoir jeté un regard en coin à l'asiatique qui s'était assise à la limite du vide. Il sentit les siennes flageolantes et elles faillirent le lâcher quand il se retourna. Il passa devant une fille rousse lui arrivant en-dessous de l'épaule et grimaça en voyant qu'elle s'était coupée.

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