eLle T2 : La Sérénade Du Serpent (terminé)

17 Juin 2017, 09:49

Aujourd'hui, c'est essayage de robe de marié pour Pandora. Et bien sûr, je l'accompagne, elle y tient particulièrement et je dois avouer que j'aurais été déçue que ce soit autrement. Sa future belle-mère est aussi de la partie. Et au départ, la triplette s'était bien proposée pour nous accompagner aussi, mais Pandora avait apparemment peur que ce soit le bordel avec ces trois-là au même endroit et qu'ils ne gardent leur langue auprès de leur frère seulement deux secondes. Dans le meilleur des cas. Eyia affirme qu'elle sait déjà à quoi elle va ressemblait et qu'elle n'a pas cafté pour autant, mais vu les triplets au moment de la demande en mariage, je pense que Pandora a raison de se méfier de l'effet de groupe avec ceux-là. Donc nous ne sommes que trois.

Et je me suis aperçue au passage que Pandora n'a vraiment aucun proche. Elle n'a aucune amie d'enfance connue, à part notre groupe d'amis, elle a tout au plus des connaissances que ce soit des collègues de travail, des concurrents lors des concours ou des anciens camarades de classe. Et puis elle n'a pas non plus de famille. Du moins aucune avec lequel elle ait des liens... De ce que j'en sais, elle a deux oncles maternels et une tante paternelle, mais elle ne les a jamais rencontrés et elle ne sait même pas si elle a des cousins cousines. Et elle a son demi-frère qu'elle n'a jamais rencontré non plus. Elle n'a pas non plus de grand-parent, ces derniers étant apparemment morts. Et elle a perdu les seuls membres de sa famille qu'elle connaissait... Vraiment, elle connaît si peu de monde que c'est à se demander si elle n'a pas vécu totalement en autarcie du monde pendant toute sa vie. Ce qui n'est pourtant pas le cas.

Si on fait la comparaison avec la famille de Yiao, c'est encore plus choquant. Concrètement, les Pirie ont dix oncles et tantes, qui ont chacun entre deux et sept enfants, ce qui doit faire approximativement cinquante cousins-cousines connus. Heureusement qu'Yiao et Pandora ont décidé de faire un mariage en petit comité et qu'il n'a pas prévu d'inviter tout ce beau monde, parce que sinon rien que pour sa famille, il y a déjà cent convives. Bien que, vu le peu de relation amicale qu'il a, passant la majeure partie de son temps avec sa fratrie, il aurait pu inviter un peu plus de membres de sa famille, mais ce n'est pas dans leur optique de faire un mariage en grande pompe alors... De toute manière, je suis sûre, ça va être une belle fête. Et Eyia en est convaincue aussi, alors c'est bon signe.

En tout cas, la mère des Pirie est très impliquée dans sa mission d'aider Pandora à trouver une robe et est tellement aux petits soins que c'est trop mignon. Et ça fait plaisir de voir que les deux femmes ont vraiment une bonne relation. Je l'avais déjà vu toutes les fois où les parents Pirie étaient venus voir leurs enfants à Dundee, mais ça fait plaisir de voir que ça continue, même si Pandora va épouser son fils aîné. Surtout que je sens que ça fait vraiment plaisir à Pandora cette attention maternelle et vu qu'elle a perdu sa mère alors qu'elle était encore qu'une adolescente, ça peut totalement se comprendre.

Pourtant, je ne peux pas m'empêcher de m'inquiéter pour Pandora. Rien à voir avec la préparation du mariage ou l'essayage de la robe. Elle est heureuse, incontestablement. Elle est même radieuse. Mais elle semble tellement épuisée au quotidien. Depuis notre retour d'Italie, elle semble de plus en plus fatiguée. Elle est de plus en plus pâle, les cernes sous ses yeux se creusent et ça ne s'améliore pas, je ne sais pas exactement à quoi c'est dû, mais ça m'inquiète. Peut-être que c'est parce qu'elle a peur par rapport aux Akra, peut-être qu'elle est stressée, peut-être qu'elle a peur pour Yiao, peut-être qu'elle se met trop la pression par rapport au mariage, peut-être que ça n'a rien à voir, mais en tout cas, elle est épuisée et ça se voit. Ça ne l'empêche pas de faire vingt mille choses dans ses journées.

Depuis le retour d'Italie, elle a même repris de manière intensive l'entraînement d'Yiao. Bien sûr, elle nous fait nous entraîner de manière régulière pour pas que nous perdions la main, mais Yiao, c'est un autre niveau. C'est quasiment tous les jours alors qu'avant, c'était une à deux fois par semaine. Officiellement, c'est une envie de Yiao, mais les raisons plus profondes... Vu la micro conversation que j'ai interceptée avant le départ en Irak, je suppose que ça a un lien direct, mais ce n'est même pas certain. En tout cas, je ne sais pas pour Pandora, mais Yiao est vraisemblablement sur ses gardes pour reprendre un entraînement au combat intensif. Ou alors c'est une initiative de Pandora, même si ça m'étonnerait quand même, Yiao semble plus en être à l'initiative.

Quoi qu'il en soit, elle semble heureuse, ce qui est rassurant. Et même maintenant à l'essayage des robes de marié, elle semble si fière. Pourtant, elle n'est pas du tout dans son élément, elle qui est si rarement en robe, ne trouvant pas ça pratique du tout au quotidien. Mais en robe de marié, elle est magnifique et puis ses yeux pétillent tellement, on dirait une petite fille et ça, ça fait vraiment plaisir. Malgré tout, quand sa future belle-mère sort de la boutique à cause d'un appel, je ne peux pas m'empêcher de lui demander :

— Comment tu te sens ?

— Très bien, ça fait vraiment du bien de respirer un peu.

— Stressée ?

— Forcément un peu. Mais bon, le pire est sûrement derrière nous, maintenant il n'y a plus qu'à arriver jusqu'au mariage, rigole-t-elle semblant vraiment détendue, même si ça remarque veut dire beaucoup.

— Tu t'inquiètes pour Yiao ?

— Non, je n'ai pas à m'en faire, tout va bien se passer et je m'occupe de sa protection.

— Et toi ? Je dois m'inquiéter ?

— Pour moi ? Pourquoi ça ?

— Parce que tu as l'air fatigué en ce moment... Tu es sûre que ça va ?

— Je fais si peur à voir que ça ? Je t'ai déjà dit que tu n'avais pas à t'en faire pour moi, je gère, si tu dois t'inquiéter pour quelqu'un, inquiète-toi plutôt pour les autres, moi je risque rien, je te le promets.

— Je n'ai pas besoin d'être rassurée, tu sais ?

— Je sais oui. Bon, définitivement, cette robe est jolie, mais ce n'est pas moi, affirme-t-elle au moment où la mère des Pirie nous rejoint. Il me faut quelque chose de moins conventionnel.

Sur ce, la conversation est déclarée comme close. Pandora essaye plusieurs autres robes dans la boutique, avant de déclarer qu'elle ne trouvera pas son bonheur ici. Vu qu'il est déjà presque midi, nous décidons de nous arrêter là pour la matinée et de rentrer. La mère Pirie rejoint alors son mari en centre-ville et Pandora et moi retournons chez nous. Le repas se passe tranquillement, comme d'habitude, dans la bonne humeur alors que nous sommes tous réunis autour de la table, étant au complet, vu qu'on est samedi.

— J'ai une grande nouvelle, annonce Oyau vers la fin du repas.

Il a l'air tellement sérieux en disant ça que c'en est surprenant. Un peu plus et il faisait tinter son verre avant son annonce. Et je pense que nous pouvons donner exactement deux secondes à ses sœurs avant de se moquer de lui. Même Yiao le regarde en s'empêchant de rire.

— Grande annonce, tout de suite les grands mots, soupire Eyia ne semblant pas surprise.

Apparemment, ça aussi elle l'a vu venir en avance... Preuve que son Dō̂ron n'est pas inutile, il est juste inadapté en ce qui concerne les menaces, mais dans la vie de tous les jours, il marche toujours vu qu'elle a pu prédire les fiançailles de Yiao et Pandora ainsi que l'annonce qui se prépare.

— Je vous en ai sûrement déjà parlé, mais à la fac, il y a un pôle international jumelé avec l'Indonésie et Singapour, continue-t-il en ignorant royalement sa sœur. Et l'année prochaine, vu qu'on est en quatrième année, il y a le programme de mentorat qu'on peut intégrer pour aider les étudiants étrangers. Bref, je vous passe les détails, ça fait depuis deux/trois mois que je parle à un futur étudiant qui vit en Indonésie et j'ai décidé de l'accueillir chez moi, en mode collocation pour l'aider vu qu'il n'a pas un très gros budget et qu'on s'entend bien. Donc on va avoir une personne de plus ici, il s'appelle Rigel et il arrivera mi-août.

— Tu l'as prévenu que c'était la collocation la plus bizarre du monde ? vérifié-je.

— Tu en avais si marre que ça de vivre seul ? rigole Ayoe, même si pour le coup, Oyau ne correspond pas vraiment à la définition de solitude.

— C'est quoi le délire dans cette famille ? On ramène le plus d'étrangers possible ? demande Nolan moqueur.

— J'espère pas, parce que je fais tache dans ce cas-là, remarqué-je.

Malgré tout, je ne peux pas totalement lui donner tort. Entre Pandora qui vient de Grèce avec des origines catalanes, Nolan qui a grandi en Russie et maintenant Rigel qui est Indonésien, je suis la seule colocataire des Pirie à ne pas avoir d'origine étrangère.

— J'avais bien cherché une Argentine ou une Péruvienne, mais j'ai rien trouvé, alors je me suis contentée de ce qui m'ait tombé sous la main. Je me rattraperai quand tu partiras, affirme-t-elle d'une voix qui sonne si faux que la blague s'entend largement.