Observant les dorures usées sur les murs de chêne vieilli, Neelson porta une main sur ce bois ayant longuement vécu. Il put sentir sous ses doigts tremblants, les entailles ajoutées par les rudes hivers passés, défigurant les fines sculptures dont l'antre avait jadis été orné.
Le jeune homme reporta son attention sur les vitrines de cette vielle boutique du port. Les étalages poussiéreux et le verre sale laissaient entrevoir, dans une sombre lumière, plusieurs livres et différents objets en tout genre dont l'abandon datait certainement de plusieurs hivers auparavant.
Cette boutique se situait sur une rue pavée étroite et très fréquentée par la population de cette ville portuaire. Le lieu se résumait à une longue allé étriquée, jonchée de petits commerces sans grande fortune. Quelques bars surplombés de petits logements habités par de pauvres pécheurs et ouvriers, se vidaient petit à petit voyant le soleil apparaître à l'horizon.
Bientôt, la clarté de la lumière dissipât presque entièrement l'obscurité de la ruelle. On distinguait à présent les arbres dont les silhouettes se découpaient nettement au-dessus du brouillard nocturne. Les lampes, de leur faible lumière, projetaient les ombres dansantes des passants sur les bâtiments délabrés.
S'étant résolu à entrer dans le commerce, Neelson poussa le lourd battant de la porte qui émit aussi tôt un long grincement de protestation.
Le jeune homme fut surpris par l'allure de la pièce, elle paraissait petite mais sa vraie superficie était cachée par l'obscurité régnant en maitre sur le lieu. Seul une bougie sur le comptoir et une lampe à huile posée sur une pile de livre à droite de la porte d'entrée éclairaient la boutique.
Un parfum âcre de papier et d'ancre se mêlait à une odeur de poussière et d'iode. L'humidité de la salle écrasait le visiteur, mais celui-ci ignora ce sentiment et se concentra afin de distinguer ce qu'il se trouvait devant lui.
Dans le coin gauche de la pièce demeurait un comptoir jonché de différentes bricoles ; des bouteilles renfermant des navires, des coffres de tailles et de couleur différentes ainsi que quelques bibelots. Une énorme bibliothèque s'adossait lourdement contre le mur du fond, plusieurs livres poussiéreux étaient empilés sur la droite laissant à ce lieu un air abandonné. Un télescope était posé près des livres et de nombreuses fioles et matériel scientifique se faisaient face sur une table au milieu de la pièce.
L'étrange mélange d'obscurité, de poussière, d'humidité et de toiles d'araignées angoissaient notre héros...
- « Puis je vous aider jeune homme ? »
La surprise faillit faire perdre l'équilibre au jeune homme, son cœur fit un bond dans sa poitrine, il se retourna de manière si violente, qu'à un cheveu près il aurait renversé une pile de plats en porcelaine. Il s'arrêta brusquement dans son mouvement lorsqu'il aperçut une silhouette assise derrière le comptoir, elle n'avait pas attiré son attention jusque-là.
La voix se fit entendre une deuxième fois :
« Excusez-moi de vous avoir effrayé de la sorte, ce n'était point dans mes intentions » elle semblait éraillée et fatiguée malgré un soupçon de douceur, elle devait appartenir à une femme d'âge mur, d'environs soixante-dix voire quatre-vingts hivers.
La propriétaire des paroles s'avança vers la lumière de la bougie. La vielle marchande avait un visage rond et des joues tombantes, encadrées par des mèches blanches s'échappant de son chignon.L'éclairage de la pièce soulignait les profonds sillons dont sa peau s'était marquée à travers les années. Seuls ses yeux vifs et brillants d'intelligence luisaient dans la pénombre et trahissaient le grand esprit tapis dans cette enveloppe charnelle.
Neelson s'avança prudemment s'efforçant de masquer sa peur : « euh...oui, je recherche de l'essence d'épinette, j'ai entendu dire que vous en possèderiez peut-être...
- C'est probable... »
La vielle femme se leva s'appuyant péniblement sur une canne de saule, elle était petite et semblait fragile, mais la façon dont elle enjamba deux piles de livres démentit son image. Elle se dirigea vers un coin de la pièce, « laissez-moi deviner, vous êtes marin n'est-ce pas ? Un enfant des sciences pour être exacte. » stupéfait, Neelson resta bouche bée, comment a-t-elle pu deviner ?
Comme lisant dans ses pensées, la marchande poursuivit : « Vous cherchez un remède contre le scorbut, très peu de gens pensent à l'épinette, elle sortit une bouteille poussiéreuse d'un vieux carton, voilà le nectar...directement venu du nouveau monde »
La savante s'approcha de Neelson, à ce moment, il remarqua la couleur de ses yeux, ils étaient d'un gris froid, semblable à un morceau de glace, ses cheveux étaient clairsemés de fils d'argent brillant aux faibles lumières. Une fois qu'elle ne fut qu'a un bras du jeune homme, elle planta ses yeux dans les siens. Elle eut un hoquet de stupeur, elle tituba en arrière, un seul nom franchit ses lèvres : « Idna ! »

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Neelson ATLAS
AdventureA 17 ans, Neelson Atlas, fils d'un grand navigateur veut marcher sur les traces de son père. Pour une raison obscure, Neelson ne peut suivre son père dans son périple. Il quitte alors sa mère, Eleanne, et ses petits frères et sœurs, Caprice et Camil...