Chapitre 5

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  Melchior se sentait nauséeux, comme à chaque fois qu'il devait servir les désirs sanglants de son père. Mais il tiendrait bon et resterait de marbre cette fois encore.

Il était assis sur l'énorme trône de fer forgé de la salle d'audience. Un trône couleur ébène entièrement fait d'arabesques et de feuilles de vignes métalliques se dressant fièrement sur deux mètres de hauteur, surplombant l'immensité de la pièce.

La salle devait faire environ quatre cent pas de longueur pour deux cent de largeur. Dans une des deux extrémités il y avait deux grands battants de portes en bois sculpté et à l'opposé, d'immenses fenêtres se tenaient derrière l'imposant trône.

Ainsi, lors des procès, l'accusé n'était non pas dans la lumière, mais dans l'ombre du souverain, sur le tapis rouge sang, couleur de la justice locale.

Les pauvres muscles du jeune homme étaient meurtris pas le bourreau de fer, mais il ne cillait pas. L'inconfort de cette chaise reflétait ce qu'un descendant de Thaslor, le plus grand et sanguinaire roi que le royaume de glace avait connu, pouvait endurer. La famille royale était faite de roc, taillé dans le granit le plus dur.

Nonchalamment avachit depuis maintenant plus de trois heures et cachant sa douleur sous un masque d'indifférence et d'ennui, Melchior jaugeait la famille devant lui. Elle se tenait recroquevillé dans l'ombre du prince attendant la délibération du jury.

Cette pauvre famille n'avait pas payé ses impôts depuis un moment. Ils n'avaient plus rien. Leur bétail et leurs bijoux vendus pour couvrir les frais imposées par le roi, ils n'avaient même plus de quoi se nourrir.

Le jury, plusieurs charognards que le jeune homme comparait à des cafards, débattaient pour la sentence de la pauvre famille. Certains demandaient la peine de mort, d'autres l'emprisonnement et d'autres encore la torture.

Melchior détailla encore une fois la famille. Un couple, un bébé d'à peine quelques mois dans les bras d'une magnifique jeune fille, et deux autres bambins, un garçon et une fille. Soufflant de lassitude, le prince leva le bras mettant fin aux piaillements des vautours. Il se redressa et lança d'une voix tranchante :

- « Les accusés purgeront des peines différentes. M. Sabin devra travailler dans nos forges et nos écuries, la jeune fille dans les cuisines et les autres resterons chez eux. Et ce jusqu'à ce que la totalité du dut soit payé.

- Mais votre altesse, cette peine est trop légère ! ils doivent servir d'exemple au reste du peuple ! Un petit homme au grand nez que Melchior exécrait plus que les autres se fit entendre.

- Assez ! grogna le prince d'un ton menaçant, le regard meurtrier. La peine est proportionnelle à leur situation, oublieriez-vous comment nous traitons nos domestiques ? Ou pire, votre rang Bazil ! »

La manière dont Melchior avait prononcé le nom de l'homme en disait long sur les répercussions de son manque de respect.

Sans attendre, le prince se leva et l'assemblée s'inclinât devant lui avant qu'il ne sorte la pièce.

Marchant à vive allure dans château de son père, son aura imposante autours de lui, le jeune homme se dirigeait vers ses quartiers. Tous les domestiques qu'il croisait semblaient s'écraser à son passage.

Arrivé dans ses luxueux appartements, le jeune homme s'autorisa un bruyant soupir en s'affalant dans le canapé en noyer et aux assises pourpres. La tête renversée sur le dossier, ses boucles ébène cachant ses yeux mi-clos, il entendait déjà son valet lui reprocher avec ironie son manque de compassion. Tiens, en parlant du loup pensa le jeune homme.

- « Je sais, je sais, pouvons-nous en parler plus tard ? implora le prince d'une voix éraillé par la lassitude.

- Hors de question ! Lança le valet un sourire malicieux à la commissure des lèvres. Serait-ce la jolie jeune fille t'aurait influencé ?

- Mais quand me laisseras-tu tranquille ? lança Melchior d'un ton dramatique qui eut pour effet de faire rire le domestique.

- Tu feras un très bon roi. Lève-toi, Rose t'attends. » mettant ainsi fin à cette discussion avec le prince sur les talons, le domestique n'entendis pas le prince maudire son avenir.


                                                                                         ***


Rose l'attendait sur la petite terrasse fleurie de l'aile ouest, causant gaiement avec ses confidentes. Une fois le prince à leur hauteur, elles s'arrêtèrent de parler et les deux domestiques s'en allèrent en s'inclinant face au nouveau venu.

Le prince embrassa tendrement la main de la jeune femme avant de lui présenter son bras, un charmant sourire sur le visage.

- « Tu es ravissante comme toujours.

- Et toi toujours aussi charmant. Dis-moi, j'ai entendu dire que tu avais énormément de prétendantes.

Riant doucement, le prince menait toujours la marche à travers le jardin de son père. Laissant son regard survoler le tapis de feuilles aux couleurs chaudes il se mit à parler :

- Et bien tu n'es pas sans savoir que mon père veut absolument avoir des petits enfants et il commençait à perdre espoir en l'avenir de la descendance royale. Il a donc décidé d'organiser un tas de rencontres avec toutes les femmes les plus importantes du royaume.

Le prince soupira faisant doucement rire la jeune femme qui répliqua d'un air malicieux ;

- Et c'est moi que tu as choisi.

- Il faut croire, oui.


Les tourtereaux étaient maintenant assis sur un banc de pierre, sous le kiosque fleuris. L'endroit préféré du prince. Le bruit de l'eau ruisselante rythmait doucement le cours de la conversation.

- Dis-moi ? fit doucement la jeune fille.

Le prince avait fermé les yeux profitant des derniers rayons de soleil avant l'hiver. Il sentit une main froide lui effleurer le visage et remettre une mèche de cheveux de jais derrière son oreille. Il dut prendre sur lui pour ne pas s'écarter violemment et rouvrit doucement les yeux.

- J'ai vu les peintures datant de ton enfance...

Elle ne sentit pas le prince se crisper et continua doucement,

- J'ai remarqué que tu avais les cheveux blonds quand tu étais enfant. Que s'est-il passé ?

Le prince posa un regard détaché sur la jeune femme avant de répondre en s'efforçant à être le plus doux possible.

- Je ne sais pas, l'adolescence sans doute.

La jeune femme allait poursuivre cette discussion que le Melchior d'efforçait à clore lorsqu'un vacarme assourdissant rompit la tranquillité du lieu. 


                                                                                          



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