Chapitre 1

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Les embouteillages semblent interminables. Je vais être en retard et ce n'est pas pour me réjouir. Combien de temps dois-je encore attendre assise dans ce taxi ? Combien vais-je devoir débourser pour cette course ? Je soupire. Moi qui me faisais une joie de jouer dans mon premier film, la journée commence mal. Essayant de me détendre un peu, je ferme les yeux et me rappelle.

Je m'en souviens comme si c'était hier. Arrivée aux Etats-Unis, j'ai enchaîné les castings pour enfin décrocher un rôle dans une série télévisée. C'était pas grand-chose. Juste un personnage du passé qui faisait son apparition deux ou trois fois. Depuis, j'ai enchaîné ce genre de second rôle jusqu'à ce que je me fasse remarquer et qu'on me propose de jouer le personnage principal d'une série télévisée attendue. L'adaptation d'un roman à succès. Mon prénom à l'affiche, je suis rapidement devenue la coqueluche des médias, qui me prêtaient des relations amoureuses avec la moitié des acteurs d'Hollywood. Il y a quelques semaines, alors que je cherchais un nouveau scénario, j'ai reçu le coup de téléphone de ma vie. On me proposait le premier rôle dans le premier film d'une trilogie. L'intrigue me plaisait, l'idée d'être sur le grand écran m'a séduite et j'ai reçu le script. Et me voilà, dans ce taxi à attendre que la circulation accepte de se déboucher. En retard dès le premier jour...

Dix heures trente. Je suis enfin sur les lieux du tournage. J'observe le décor, des maisons en bois encadrent une large allée de gravillons terreux. Au bout, j'aperçois une église et juste devant, une construction semblable à une estrade. Je souris, un vrai décor de cinéma.

— Lydie ! Vous êtes enfin là, on ne vous attendait plus...

Je m'incline aussitôt, inquiète et désolée.

— Enfin, relevez-vous voyons. Ne perdons pas plus de temps, suivez-moi.

Alors que je le suis, il ne cesse de parler, me posant mille et une questions. Je réponds rarement, il ne m'en laisse pas vraiment le temps. Davis Loodwig, un des plus grands réalisateurs de ces dernières années. Son caractère excentrique a rebuté plus d'un acteur mais son immense talent fait de chacun de ses films un succès. Je continue de le suivre, hochant la tête à chacune de ses remarques. Vous avez lu le script ? Vous avez aimé ? On va pouvoir commencer ? Cette dernière question ressemble plus à une affirmation mais j'acquiesce tout de même, une façon de donner le change. Devant nous, je vois un attroupement. Monsieur Loodwig marmonne et accélère le pas. D'une voix autoritaire, il lance :

— Quel est le problème encore ?

La masse s'écarte pour laisser place au patron. Un homme noir, malingre et chétif nous fait fasse, le regard hautain. Robert. Robert Haterson. Le grand et l'unique.

— Robert, que se passe-t-il ?

— C'est quoi ces vêtements ? Je ressemble à un mendiant dans cette tenue.

Monsieur Loodwig soupire et demande d'un ton doucereux :

— As-tu lu le script ? Sais-tu au moins quel est ton rôle ?

— Non, je n'ai pas eu le temps. Qui est cette femme, derrière-toi ?

Robert est l'acteur fétiche de Davis. Mais à le voir là, l'idée que je me faisais de lui me semble faussée. On dirait un égocentrique. Rien d'autres qu'un égocentrique.

— Tu joues un esclave noir.

— Qui est cette femme derrière toi ?

Il ne l'écoute pas. Trop préoccupé à me reluquer. Je vois sa langue glisser sur ses lèvres, puis ses yeux descendre le long de mon corps, épousant mes courbes.

Un retard et un goujat. C'est décidément une sacrée journée qui commence...

Love in movieWhere stories live. Discover now