Chapitre 3 : Vitesse et Précipitation

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C'est au rythme ni trop lent ni trop rapide de Polka que nous traversions la forêt qui entourait le village. Mon père m'avait conseillé – expressément ordonné - de passer par là et non par les routes habituelles, pourtant beaucoup plus praticable. Le sol n'était ici que racine et rocher. Demandez la confirmation à mon derrière, même avec une selle, il en a douloureusement conscience.

Malgré les secousses pas des plus agréables, je ne regardais même pas le chemin et me contentais de lire avec attention les pages du carnet. Ma confiance en ce cheval étant sans bornes, ça me paraissait inutile de m'attarder sur les environs. Et puis surtout, on en faisait vite le tour : des arbres. Partout.

Une forêt quoi. Rien de 'transcendantal'.

À l'inverse, dans mon carnet, j'apprenais des choses de ligne en ligne. Curieux de comprendre ma situation, j'avoue avoir littéralement sauté la partie concernant les instructions pour directement passé à la partie « Révélations ».

Mort de trouille et pourtant, il ne lit pas ce qui peut lui sauver la vie. Quelle logique implacable, vous vous dites. Et bien vous avez raison. Seulement, je n'ai jamais dit que j'étais un modèle dans ce domaine.

Au cours de cette lecture, j'en tirais plusieurs informations. D'une part, que j'étais dans cette situation à cause d'un connard – n'appelons pas un vautour un joli moineau - pas fichu de respecter un règlement datant de plusieurs millénaire. Mon père, voulant réparer cette injustice, l'a à son tour ignoré. Il a modifié le futur proche, invalidant tout ce qui a été écrit après cet évènement manqué.

En soit, ce n'était pas ma mort qui était importante pour ses supérieurs, mais le fait que me laisser en vie signifiait pour eux être dans le flou total pendant les cinq prochains siècles. Ma vie contre le savoir. Le fait de vouloir m'éliminer était amplement justifié. N'empêche que, ce n'est pas pour autant que j'allais me laisser faire.

D'autre part, puisque j'étais cité dans l'un des Originaux, ma vie devenait importante – ironique quand on songe que c'est ma mort qui la rendait ainsi - et donc toutes mes futures rencontres le devenait également. Je devais donc faire attention à ne pas rencontrer trop de crapule, sinon je leur donnais un rôle dans l'Histoire. J'avoue ne pas trop comprendre pourquoi, mais puisqu'il en était ainsi, je n'avais pas grand-chose à répondre.

Ah ! J'appris aussi que ma plus grande sœur, Gwennaelle, faisait la formation pour devenir Narratrice. Moi qui pensais qu'elle voulait devenir libraire, et bien, j'en étais bien loin. Comment avait-elle réagi ? Papa lui avait-elle expliqué ? Avant ou après mon départ ?

Alors que je m'interrogeais sur le rôle de ma sœur, des gouttes d'eau commencèrent à se déverser sur nous. Il pleuvait.

« Super. Impeccable, m'exclamais-je, blasé par la tournure que prenait ma journée. »

Exaspéré, je tournais rapidement les pages pour arriver au chapitre des cartes. Mon père avait répertorié près d'une soixantaine d'abris allant de la vieille tanière d'un ours à l'auberge ne demandant rien d'autres que de l'argent.

« Hum... Une grotte devrait faire l'affaire... Alors, alors, une grotte, une grotte, une gr. »

Je m'étais arrêté en pleine tirade, réalisant quelque chose, non des moindres.

« ... Bordel, où est-ce que je suis ? »

Je me frappais la tête devant ma stupidité.

Mon Cher Siméon... Toi qui de base as une notion de l'espace pouvant être qualifié de biscornue - voir abstraite -, tu m'expliques comment tu comptes te repérer sur la carte alors que...

« Tu n'as fait que suivre aveuglement ton cheval, terminais-je à voix haute. »

Devant mon manque effarant de jugeote, je me demandais si ce n'était pas mieux de me tuer finalement. Ça ferait un débile en moins sur cette Terre.

« Bon, réfléchissons, dis-je en descendant de Polka. »

De mon corps, je tentais de ne pas mouiller le livre, l'encre pouvant baver et les feuilles gondoler, et surtout de ne pas me perdre ! La forêt entourant le village était vaste, mais sa lisière était pleinement visible. De l'autre côté, il y avait des champs de culture – de raisin si mes souvenirs sont exactes donc, en théorie, j'étais encore dans la forêt. Dans la partie ouest, puisque nous n'avions pas traversé le chemin « officiel ». Toujours en théorie, la montagne devrait être visible, mais le ciel étant gris et les arbres toujours fournis de leurs feuilles, je ne la voyais pas.

Embêté, je regardais si je n'avais pas d'autres points de repère. Après la montagne, je n'avais pas l'embarras du choix, il me restait la rivière. Le problème, c'est qu'elle ne m'indiquerait pas où je suis.

« Enfin bon, c'est toujours mieux que rien. Polka, en route vers la rivière ! »

Plus facile à dire qu'à faire. Le bruit de la pluie s'écrasant sur les feuilles, les pas de Polka, l'orage, ... Tout cela m'empêchait d'entendre le moindre cours d'eau. C'est au bout d'un très long moment de recherche intensive, que nous trouvions – Enfin surtout Polka- enfin notre repère.

La pluie s'était arrêté, mais au moins nous n'étions plus perdus !

C'est dans un enthousiasme et un soulagement non dissimulé que je lève mes bras en l'air en libérant un cri de victoire.

Puis de terreur.

Le carnet venait de glisser de ma poche et de tomber lamentablement dans une flaque d'eau.

« Non, non, non, non, répétais-je inlassablement en me hâtant de ramasser l'objet, plus stressé que jamais. »

Avec empressement, j'ouvris la première page du carnet pour en vérifier son état.

Instruction n°1 :

Avant tout de chose, il faudra que tu arrives à te procurer de faux papiers. Sans cela, tu devras toujours te cacher et vivre dans des endroits peu recommandables. J'ai fait des recherches dans les précédents Originaux (voir la fin de ce livret pour comprendre de quoi je parle) et j'ai trouvé quelqu'un qui pourrait faire ça. Tu dois aller à la Capitale et trouver un dénommé Alain Gosset. Cet homme, bien que dangereux, ne te causera pas le moindre tord tant que tu fais affaire avec lui et lui donne ce qu'il veut. Contre des faux papiers semblant être plus vrai que nature, il te faudra

Et évidemment, comme si le Destin s'acharnait contre moi – ce qui est le cas, rappelons-le sans subtilité -, la fin de la page était illisible à cause du mélange encre et eau. Et comme si ce n'était pas suffisant, il en était de même pour les autres pages. J'espère qu'en séchant certains mots serait discernable, mais j'en doutais.

Résumons donc ma situation :

Je dois parler à un faussaire dangereux en lui donnant quelque chose dont la nature m'est totalement inconnue.

« Impeccable. »



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⏰ Dernière mise à jour : Aug 18, 2017 ⏰

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