Trois

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Ses pas doux et allégés sur le sol froid de la cuisine, brisèrent le lourd silence qui régnait sur l'appartement plongé dans le noir. Vêtue d'une simple chemise de nuit blanche, elle avançait tel un fantôme errant sans but...


Cherchant un moyen de quitter ce monde et la douleur qu'il lui procure au quotidien.


Une odeur de brûlé envahit la pièce et emplit ses narines. Dans un coin près de la gazinière, une flamme orangée resplendie tel un phare dans la nuit, l'aidant à trouver son chemin.


Mais elle songea que ce fut peine perdue, que jamais plus elle ne reverrait le soleil se lever.


Tandis qu'elle s'approchait de la flamme, elle se remémorait la scène... elle le revoyait devant elle, pas spécialement grand, pas spécialement beau.. enfin, un gars comme on peut en croiser dans les rues.. un gars normal.


Il n'était pas le plus populaire non plus, mais elle l'aimais. Elle était même folle amoureuse de lui.

Pendant un court instant, elle s'était égarée dans les bras d'un autre, elle voulait un brun de folie dans sa triste vie. Et elle en paya les conséquences, devant supporter son absence pendant quelques mois.. et puis, il avait accepté de la revoir.


Ils se tenaient l'un en face de l'autre, ils discutèrent de tout et de rien, puis quand il reprit enfin son souffle en marquant une pause, elle savait que l'heure de vérité était venue.


Il s'avança vers elle, lui prit les mains et dit : "Je te pardonne", l'embrassa sur la joue et s'en alla.

Elle était restée seule, observant sa silhouette disparaître et se fondre dans la foule. Elle ne bougea pas, n'en revenait pas.

En vérité, elle ne voulait pas être pardonnée, car elle savait que le pardon la ferait tomber dans l'oubli.. et elle ne le désirait pas. Elle ne voulait pas être pardonnée; elle voulait qu'il continu à lui en vouloir, car elle savait que même s'il était en colère par sa faute, au moins, il pensait à elle..

Et elle aimait savoir qu'elle n'était pas oubliée, pas effacée, pas envahie par le désespoir que la solitude et l'oubli lui procuraient.

Mais il avait finalement décidé de lui pardonner, de tourner la page et de l'oublier.

C'était tellement égoïste de sa part, elle le savait. Mais elle ne pouvait s'y résoudre.

Elle voulait que quelqu'un pense à elle, elle en avait besoin. Sinon à quoi bon continuer à vivre, pensa-t-elle. Elle est redevenue comme inexistante à ses yeux, aux yeux de tous.

Comme si elle n'avait plus de raison d'être. Elle souffrait tellement de cette solitude permanente. Elle voulait désespérément que quelqu'un l'aime.

Quelqu'un, n'importe qui aurait fair l'affaire.. Pourvu qu'elle ait quelqu'un à ses côtés, tout irait bien.. mais hélas, ce n'était plus le cas.

Elle ne pouvait tout de même pas le retenir, elle savait qu'elle devait le laisser partir, même so elle devait en souffrir.

Elle leva une main tremblante vers la flamme dansante qui s'était propagée, étendue autour d'elle. Elle ferma les yeux et décida de se laisser aller au rythme du mouvement des flammes; de succomber à la chaleur qui brûlait son corps; se laissa envahir par la chaleur finalement réconfortante du feu.

Pensant que les ténèbres quitteraient enfin son être, à la recherche d'une autre âme faible et brisée.

Sa chemise de nuit se consuma et un nuage de fumée l'enveloppait tandis que les sirènes résonnaient au loin...

"Emma, Emma! Vous m'entendez?"

Mais il était trop tard car elle s'envolait déjà vers une lueur inconnue.


Texte original 2015 ; inspiré par Emma Bovary


Pensées de minuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant