CHAPITRE 8 : Douce Nuit

32 4 4
                                    

On court en riant comme des dératés dans les rues. On a garé la voiture sous un réverbère et j'ai poursuivi Aenor en riant. Bien sûr, on trottine seulement puisque je commence déjà à fatiguer. On ralenti la cadence et j'aperçois un supermarché qui marche 24 h/24 au coin de la rue. Je fouille dans mes poches et trouve une carte bancaire avec le code marqué au blnac dessus (pas très safety entre nous). Je ne m'étais pas encore questionné sur comment je ferais pour payer ma nouriture vu que je suis toujours dans mes études mais la jeune fille m'avait assuré que tout l'argent nécessaire avait été versée hier. L'appartement m'appartient car on m'a aussi dit que tout avait été remboursé depuis longtemps et que les frais des études avaient eux aussi été payés en avance. Une pensée me taraude depuis quelques heures : "il faut que j'appelle ma mère". C'est comme si elle faisait tout pour ne pas me voir. Je n'avais vu ni ma soeur, ni ma mère depuis mon réveil et même si je ne me rappelais pas d'elles, ça ma blessait qu'elles ne daignent même pas faire le déplacement ou même m'appeler. Mais je suis vite distrait par Aenor qui me tire par la main vers la boutique. Lorsqu'on passe la porte, un son de clochette résonne dans les hallées désertes. Une punk émerge de son sommeil et nous toise à moitié endormie. Mais lorsqu'elle se rend compte de qui se tient à côté de moi, ses yeux pétillent et elle esquisse un large sourire :
- Ae' ! Ça fait un bail !
La jeune fille s'approche et l'étreint par dessus la caisse.
- Alors, avec Henry ? demande-t-elle en m'adressant un regard qui m'indiquait clairement que ce n'était pas de mon écho.
Je lève les yeux au ciel et laisse les deux filles à leur conversation pour visiter les rayons. Face à face, on dirait le jour et la nuit. L'une, cheveux à moitié rasés et tintés de bleu électrique et de rouge carmin, tatouage sur l'intégralité du bras droit, percings, écarteurs dans les deux oreilles et vêtements totalement déchirés et l'autre, robe douce et noire arrivant au dessus du genou, cheveux auburns ondulants et un collier en argent dépassant de son col sage. Deux styles s'affrontant dans un vieux supermarché éclairé par des néons à la lueur vacillante.
Je ne me laisse pas happer par mes pensées et me dirige vers les rayonnages. Tout tourne autour de moi et je ne sais pas si c'est dû à avoir trop couru ou quelque chose comme ça. Je prend des gâteaux au hasard, ne savant le goût d'aucun. Je ne me souviens pas a avoir goûté de ses choses là, bien que je me rapelle celui de tous les aliments que j'ai pu croiser.
"Oreos ? C'est quoi ça encore ?" pensé-je.
Aenor arrive après avoir fini sa conversation. Devant mon air hésitant, elle a tout de suite compris. C'est fou comme cette fille arrive à décripter toutes mes expressions.
- Attend ! T'as jamais goûté aux oréos ? s'indigne-t-elle en détachant chaque syllabe de sa phrase.
Je secoue la tête en fronçant les sourcils, amusé. Elle me montre d'autres choses et est scandalisée que je ne connaisse aucuns de ceux qu'elle me pointe.
- Mais Calvin, t'as fait comment pour survivre jusqu'ici ? me questionne-t-elle en ouvrant de grands yeux.
J'hausse les épaules en souriant. On prend quelques bouteilles de bierres (goût qui fait totalement partie de mes souvenirs) et une autre bouteille dont je ne connais pas le nom.
Une montagne de marchandises nous attend donc sur la caisse. Alors qu'on sortait tous les deux nos cartes de crédit presque simultanément, la punk nous arrête d'un geste.
- J'vous l'offre, de toute façon j'ai prévu de me faire faire virer demain à l'aube, lâche-t-elle en souriant.
Aenor la remercie et sort, deux sacs en plastique dans chaque main. Alors que je remplis les derniers sacs, la punk me transperce du regard :
- La fait pas souffrir où je te jure que t'auras plus de couilles demain, crache-t-elle.
Je fronce les sourcils en souriant. C'est qui cette fille ?
- Je déconne pas Hayton, je t'ai à l'oeil.
Encore une fille qui faisait partie de mon fan club.
- T'avises pas de lui toucher un seul de ses cheveux, ne pense même pas à pouvoir sortir avec elle, que tu pourrais être à la hauteur car tu ne le seras jamais. Elle est trop bien, trop gentille pour toi, toquart.
Elle enfonce ses écouteurs dans ses oreilles, place son portable face à moi pour que je vois le volume monter à fond et me tend son majeur peint d'un vernis noir.
Je sors, et Aenor s'approche de moi en me montrant tous les sacs :
- Zoe est trop sympa, tu trouves pas ?
J'hoche énergiquement la tête en signe de grand OUI en rigolant à l'intérieur. On continue à marcher dans la pénombre et on arrive dans un petit parc. L'herbe est humide comme l'atmosphère, malgré les 3 heures et demi du matin. On s'installe dans le gazon malgré la pancarte brillante "Ne marchez pas dans l'herbe". Mes bras derrière la nuque, je m'allonge en observant les étoiles. Il y en a peu, puisqu'on est près du centre-ville.
Aenor me tend son portable. La lumière douce baigne son visage d'un halot bleuté. Un sourire ne peut quitter ses lèvres. Je me redresse et prend l'engin entre mes mains. Je regarde l'application et comprend tout de suite :
- Tu pourras écrire dessus quand tu voudras parler. Ça parle à mesure que tu écris, comme ça je devrais pas attendre pendant trente ans pour que tu finisses d'écrire ta phrase.
En guise de remerciements, je passe mon bras autour de ses épaules en rigolant. Elle sait que ça me coûte de faire ça et rit de plus belle.
- Quelles seront tes premières paroles, Sherlock ? demande-t-elle.
- "Ça fait du bien de parler putain !"
La voix de l'application était celle d'une femme et elle disait les paroles d'une façon monotone et syntétique, si du moins une voix peux l'être.
- "On pourrait pas changer à une voix d'homme viril puisque je suis le symbol même de la virilité"
Le problème avec ce genre de chose, c'est qu'ils ne mettent pas le ton.
- D'accord, homme viril, je vais le mettre.
Aenor rit. Je me rends compte que c'est la première vrai conversation qu'on tient, sans écrire sur un bout de papier quelques mots à la dérobée. C'est la première fois que je peux "parler" librement avec quelqu'un, et qu'Aenor n'est pas obligé de tenir de longs monologues épuisants. Pendant qu'elle cherche dans les paramètres, Aenor s'excuse de ne pas avoir trouvé plus tôt l'application mais se reçoit un coup de coude. J'ai décidé de faire ça à chaque fois qu'elle tomberait dans les "pardon" ceci et les "excuse-moi" cela. La jeune fille me tend le portable et je pianote gaiement dessus.
- "Merci Aenor"
La voix d'un homme sûrement âgé de 40 ans plane dans l'air.
- "Ça fera l'affaire !"
On ouvre les sacs à la recherche de nos emplettes. Aenor prend un paquet de brownies et me brandit le gâteau sous le nez.
- Hûme cette odeur de paradis ! m'ordonne-t-elle.
Je souris en pianotant sur l'écran.
- T'es au courant qu'il y a toujours l'emballage ?
Elle roule des yeux et ouvre le paquet. J'en profite pour taper quelques mots, profitant des derniers instants où l'atmosphère serait bon enfant :
- Dis, Aenor, j'ai fais quoi que je ne me souviens pas pour que les gens me détestent à ce point ? J'ai fais quoi à Aslan ?
Elle avale difficilement son brownie, s'étouffe un instant et déglutit :
- D'accord. Il est temps que tu saches après tout.
Son visage a viré au livide, elle n'arrive pas à me regarder dans les yeux mais tente de garder un ton léger vite trahi par sa voix tremblante.
- Je veux savoir ce que je t'ai fais, Aenor. A propos d'Ed. S'il te plait.
Elle hoche doucement la tête, ses cheveux ruisselants le long de ses joues, formant un rideau luisant sous les révèrbères.
- Ed était mon petit-ami.
Je fronce les sourcils, n'étant pas au courant de sa relation avec un garçon.
Devant ma réaction, elle éclate d'un petit rire forcé et poursuit doucement :
- Il avait une cancer, une leucémie, Calvin. Je ne pouvais pas penser qu'il pouvait mourir, je n'avais jamais émis la seule hypothèse qu'il pourrait partir. Pas une seule fois. Mais lui, le voulait. Il ne comprenait pas quel sens avait cette vie après son combat, il ne voulait plus vivre avec ces souvenirs, et je l'ai compris bien trop tard. J'aurai pu l'aider, j'aurai pu comprendre. Mais non.
Je la fixe, surpris par cette révélation soudaine.
- Je n'avais dis à personne ce qui s'était passé, Calvin. Pas même à mon propre frère ni à mes parents. Puisqu'il habitait loin, je n'avais rien à craindre pour que les gens qui connaissaient Ed le disent à mes proches, et avait réussi à garder tout ça sous silence jusqu'à ton arrivée. J'avais juste prétexté une rupture, ce qui pouvait donner un alibi à mes pleurs. Je ne sais pas comment tu as réussi à savoir tout ça, mais tu m'as fais du chantage pendant longtemps avec cette information en l'échange de mes services et tu as tout de même malencontreusement lâché l'information lors d'une de ses soirées de Pavel.
Juste devant Maxime qui s'entêtait nuits et jours à me faire cracher le morceau. Il a été horrifié ce jour-là et je n'ai toujours pas compris pourquoi il avait été comme ça, de cette intensité je veux dire. On me regardait comme une pauvre enfant, avec cette pitié qui brillait dans les yeux de ses gens. J'avais eu envie de te tuer, confesse-t-elle en riant doucement, comme pour alléger l'atmosphère qui ne faisait que de s'alourdir.
- J'ai pleuré si longtemps, si tu savais. Mais Henry est arrivé. Il m'a fait croire des choses, qu'il me reconstruirait. J'aurai dû me douter, me douter que s'était pour mieux me détruire après. La mort d'Ed n'était rien en comparaison de ce que cet enfoiré a pu me faire. Il a profité de mon chagrin pour monter sa côte de popularité en disant qu'il était celui qui m'épaulait, mais se tapait des filles dans mon dos. Max ne m'avais plus parlé depuis qu'il avait su pour Ed, et Henry ne faisait qu'empirer les choses. Les deux garçons se détestaient, j'en avais presque peur. Et puis il y a eu d'autres histoires et tu étais toujours le noyau central.
Un long silence s'installe, et j'ai si honte de ce que j'ai pu lui faire, même si ce n'était pas vraiment moi.
- Je suis sincèrement désolé, Aenor. Vraiment. Je te donnerais le fusil si tu veux.
- Je sais, sourit-elle. C'est pour ça que j'ai pris des heures supplémentaires pour t'accompagner, même avant ton réveil.
Mes doigts pianotent comme un dément sur l'écran.
- Des heures supp ? Mais Aenor, pourquoi ? Sérieusement, pourquoi ? Tu devrais me détester !
Elle hausse les épaules et cette fois-ci, ces yeux croisent les miens.
- Tu semblais, différent. Plus apaisé, moins tourmenté. Comme libéré pendant ton sommeil. Alors j'ai voulu voir si sous toutes ses couches de crevards, s'il ne se cachait pas un petit fond d'être humain.
C'est à moi de sourire.
- Je ne suis pas rancunière, loin de là. Malgré tout ça, je voulais te laisser une chance. Crois-moi, c'est du passé, contrairement à Henry.
J'agite la tête. On mange des gâteaux en silence et les mots sous mes doigts volent jusqu'à ses oreilles.
- Et Aslan, j'ai fais quoi à Aslan ?
Son regard fuit désormais, elle baisse les yeux et soupire.
- Il fallait qu'on en arrive à ce sujet. Laisse moi juste te raconter d'abord ce qu'il s'est passé à la fête de Pavel, la première à laquelle tu as assisté, d'accord ? Tu te rappelles d'Andrea Hippysley ?
-
{Une trèèèès longue absence je saiis mais avec la rentrée tout ça c'est compliqué :(}

Mute || Calvin HaytonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant