Une française à Londres - Chapitre 1

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  " - Tu as bien toutes tes affaires ? Ta brosse à dents ? Ton chargeur de téléphone ? "

  Ma mère. A l'entendre, on croirait que je pars à l'autre bout du monde. Je me demande si toutes les mères sont comme ça, où si c'est juste la mienne qui a décidé d'être surprotectrice. Je la comprends, en même temps. Je suis sa fille unique, la chair de sa chair et tout ça, quoi. Mais bon. J'ai dix-sept ans maintenant, et j'ai besoin de prendre l'air.

  C'est en partie pour cette raison que j'ai décidé de faire ce séjour linguistique à Londres. Pour tenter de " voler de mes propres ailes " comme dirait l'autre. Je suis plutôt confiante, de ce côté-là. Je suis pas mal débrouillarde, comme fille. C'est comme ça que je me suis trouvé un stage ( non-rémunéré, bien-sûr ) chez Beauty Queen, un magazine de mode anglais. Quand la femme de l'agence m'a appelée, j'ai cru que j'allais faire une crise cardiaque. Un stage dans les studios de rédaction d'un magazine de mode. Vous y croyez, ça ? Non ? Eh bien ça tombe bien, parce que moi non plus. Je suis toujours sur un petit nuage rose en barbe-à-papa, si vous voulez tout savoir. Bref. Du coup je me retrouve là, dans une gare quasiment déserte en compagnie de ma mère qui fait tout son possible pour retenir ses larmes. Je la regarde, l'enlace doucement. Je sais que ça va me faire bizarre d'être loin d'elle pendant si longtemps ( un mois, pour être précise. ) J'ai beau faire ma dure à cuire, je sais que ça va être difficile de vivre dans une famille d'accueil, avec des gens que je ne connais même pas. Ah oui, parce que je vais dans une famille d'accueil Londonienne. Ah non, hors de question que SuperMaman laisse sa petite fille chérie seule face à elle-même dans une ville inconnue, et dans un autre pays qui plus est ! C'est elle qui s'est occupé de la partie administrative. Je vais chez une certaine famille O'Connor. Un père, une mère, et deux fillettes âgées de quatre et six ans. Je sens le baby-sitting forcé de là, moi. Mais bon. Je vais travailler à Londres, alors je n'ai pas franchement de quoi me plaindre jusque là, si ?

  - C'est l'heure, dit ma mère en reniflant. Il faut que tu te dépêches où tu vas rater ton train.

  Je l'embrasse sur la joue, ramasse mes bagages. Elle est triste que je parte, je le vois dans ses yeux. De mon côté, j'ai un peu peur de la laisser seule à la maison. Ce n'est pas qu'elle a des problèmes, ou quoi que ce soit d'autre, mais je suis sa seule famille et j'ai peur qu'elle se sente seule. Bon, il y a bien Max mais bon.. . Je n'arrête pas de lui dire qu'il faut qu'elle sorte plus avec ses amis etc.. mais je crois qu'elle ne s'est toujours pas remise du départ de papa. Ah, le fameux. Le jour où il est parti avec la poufiasse qui lui sert de copine, j'aurais pu le tuer. Pas pour moi. Qu'il soit parti, personnellement, ça n'a pas changé grand-chose.. mais ça a bouleversé maman. Elle a dû aller voir un psy et tout. Elle se disait qu'elle avait fait quelque chose de mal qui avait poussé mon père à partir. Et moi j'étais là, et je la regardais se fermer aux autres, travailler de la maison, décliner les invitations à sortir.. jusqu'au jour où j'ai pris les choses en main : je lui ai présenté mon professeur de russe. Non, je n'ai pas eu froid aux yeux, sur ce coup. Il était charmant, célibataire, à peine plus vieux que maman. Alors, à la réunion parents-professeur, j'ai pris rendez-vous etc.. et ça a marché. Je ne suis pas peu fière de mon coup, là. Bref, elle sort avec Max depuis six mois, et je sens qu'elle recommence à vivre. C'est toujours agréable de la voir sourire.

  " - Ton train est là, dit-elle en sortant un mouchoir. "

  Ah non maman, pas les larmes. Typique de ma mère.

  " - Je t'appelle dès que je suis arrivée, maman. Promis. "

  Elle me serre dans ses bras. J'ai l'impression de l'abandonner. Mais je dois le faire, voler de mes propres ailes loin du cocon maternel. Je serre les poignées de mes deux valises dans mes mains et me dirige vers mon wagon. Le train est quasiment vide, à part un homme pendu à son téléphone et une femme aux cheveux oranges vifs qui dessinent. Je trouve mon siège et range mes bagages. Au travers de la fenêtre, je vois que maman n'a pas bougé. Je lui fais un signe de la main, elle me sourit. Puis elle regarde sa montre, m'envoie un baiser de la main et fait volte-face. Je la regarde s'éloigner. Les gens disent que je lui ressemble beaucoup. Des longs cheveux blonds comme les blés, des yeux verts clairs, un teint de porcelaine et une bouche aux lèvres pleines. Elle est légèrement plus grande que moi, du haut de son mètre soixante-quinze, mais nous sommes toutes les deux très minces. Maman a perdu beaucoup de poids lorsque papa est parti. Mais je trouve que ça lui a plutôt bien réussi, moi !

  Une voix résonne dans le wagon : le train va bientôt partir. Je regarde autour de moi. La fille aux cheveux orange dessine toujours, et l'homme au téléphone tape comme un forcené sur son ordinateur. Je sors un livre ( mon préféré, Orgueil et préjugés de Jane Austen ) et ré-entame la première page. Le train démarre. Good bye Paris, hello London.

Une française à Londres - Le jour où ma vie a basculéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant