L'étincelle

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Quand je rouvre les yeux, j'aperçois une crinière rousse, à un ou deux mètres de moi. La rouquine me tourne le dos, respirant lentement. Nous sommes toujours dans la forêt, et la nuit est tombée. Une gourde d'eau est posée juste à côté de ma main. Je jette un coup d'œil à la rouquine, mais rien ne laisse entendre qu'elle sache que je suis réveillée. Pourquoi m'a t'elle secourue, au risque de sa faire prendre? C'est idiot. Ou c'est une de ces filles qui ont plus de compassion que de bon sens. A sa place, j'aurais couru le plus loin possible de moi, en m'oubliant. Je ne vais pas me plaindre, elle m'a sauvée la vie. Mais faire équipe, c'est très mauvais, par les temps qui courent. J'arriverais peut-être à lui fausser compagnie...

Lentement, j'attrape la gourde et la porte à mes lèvres.

- Ne boit pas tout, j'ai soif, moi aussi.

Je sursautais, renversant un peu d'eau par terre. La rouquine se retourna en soupirant, visiblement exaspérée. Elle à des traits assez doux, avec un petit nez en trompette. Elle a les yeux les plus verts que j'eus jamais vue. Ses joues sont constellées de tâche de rousseur, cachée en partie par de la crasse. Elle s'approcha et je voulu reculer, mais je me cognais à un arbre, réveillant la douleur dans mon crâne. La rouquine leva les mains en l'air, en signe d'apaisement.

- Calme, dit-elle. Je m'appelle Jojey. Et toi?

- Elia, dis-je, sachant qu'elle me mentait sur son prénom.

- C'est joli, dit Jojey.

Elle s'approche pour prendre la gourde et je la pose vivement au sol, sans y avoir touché. Jojey me regarde étrangement, mais prends la gourde et en boit plusieurs gorgées. Elle me la tend, et, en faisant bien attention à ne pas la toucher, je m'empare de la gourde. Je ne la quitte pas des yeux pendant que je m'offre une rasade. Quand  j'ai fini, je repose la gourde au sol, entre nous deux.

- Ton crâne, ça va?

- Un peu mal, dis-je.

- Tu m'étonnes! rit Jojey. La plaie est superficielle, beaucoup de sang pour rien du tout. Tu as été sonnée sur le coup, mais rien de plus grave qu'une légère commotion cérébrale.

- Comment tu sais tout ça ?

- Mon père était médecin, il m'emmenait souvent à l'hôpital, et il m'apprenait à différencier et identifier les cas.

J'acquiesce.

- Pourquoi? demandais-je en la scrutant.

Ses sourcils se fronce et ses yeux marquent l'incompréhension.

- Pourquoi quoi?

- Pourquoi tu m'a sauvée? Tu as risqué ta vie.

La rouquine semble chercher ses mots, pour finalement dire :

- Vois-tu, j'ai un sens de l'honneur très...marqué. Si tu n'avais pas été là pour distraire les Raffleurs, je serais sur une table d'examen, présentement. Je te devais une fière chandelle. Je n'avais pas fais dix mètres que je prenais un raccourci pour te rattraper.

- Et comment tu à neutralisé le type? demandais-je.

Jojey sourit et me montra une petit arbre en me disant "regarde". Elle tapa dans ses mains et l'arbre plia, le tronc brisé. Tout autour, l'herbe s'abaissa et certains brins furent arraché. Je lui offrit un sifflet admiratif. Jojey se retourna vers moi, toute fière.

- J'ai envoyé le Raffleur contre un arbre et c'est sans une once de regret que j'avoue qu'il est mort, les os brisés sous le choc.

- Un de moins, dis-je sans une trace de compassion pour le pauvre type qui voulait juste se faire un paquet de fric en vendant des jeunes au Centre de Recherche.

Jojey tendit une main, pour serrer la mienne. Aussitôt, comme si sa main était chauffé à blanc, je me recroquevillait sur  l'arbre qui me servait de dossier. Jojey, stupéfaite, me dévisagea :

- Qu'est-ce qu'il y a?

Je la regardais. Tout dépendais de ce moment. Je lui avoue, et elle part en courant; je me tais, et je court le risque qu'elle me tue ou inversement. Jojey dû voir mon hésitation, car elle dit :

- Dit la vérité.

Je décidais de lui dire la vérité...partiellement, du moins :

- C'est à cause de mon don, dis-je évasivement.

Je ne dirais rien de plus. Jojey sembla méditer mes paroles, puis hoche sérieusement la tête.

- Je propose un marché, dis t'elle.

- Je t'écoute, dis-je, curieuse.

- OK, alors, je récapitule un peu la situation?

- Vas-y.

Jojey se racla la gorge, se préparant à un long monologue :

- Il y a quatre ans, en juin, il me semble, une école prends feu. Un seul survivant, un jeune garçon de treize ans, Thomas Cordelier. Les raisons de l'incendie son floue, et Cordelier ne veux rien dire. Peu de temps après, une gérante de magasin appelle la police : elle a attrapée une gamine d'une dizaine d'année qui essayait de voler une babiole. La police se ramène, la gamine éclate en sanglot et au même moment, toutes les ampoules du centre commercial grillent. La petite est emmené. L'événement Cordelier et les rumeurs sur une gamine qui fait griller des ampoules, amplifiée par les réseaux sociaux qui dramatisent les faits, fait s'inquiéter les français. Même pas deux jours plus tard, une jeune mère appelle un  Docteur en urgence : elle a surpris son fils dans son bac à sable, et des "petits bonhommes de sables" jouait avec lui. Plusieurs cas étrange, tous sur des enfants. Suite à une demande, Cordelier, la gamine des ampoules, le garçon du bac à sable et quelques autres sont réunis. Cordelier se décide à parler : c'est lui qui à mis le feu à son école. Pour le prouver, il ouvre sa main et en fait jaillir une petite boule de feu, de la taille d'une bille. La gamine -appelons-là Hortense- avoue elle aussi être capable de maîtriser les ampoules, elle fait sauter plusieurs ampoules du commissariat.  Le petit garçon et les autres font eux aussi démonstration de leurs pouvoirs. La France s'enflamme. Les enfants, sur accords des parents, sont amenés dans des internats, pour "faire quelques tests" et suivre un cursus scolaire adapté. Il y a trois ans, une explosions de cas se fait ressentir, et des rumeurs sur de mauvais traitement dans les internats se font entendre. Les parents refusent de donner leurs enfants ou les abandonnent. Les scientifiques décident de prendre le problème à la racine : des rafles sont organisés, les enfants sont prélevés dans les rues. Il leurs faut peu de temps pour cibler ce qu'il faut chercher : c'est la nouvelle génération de mineurs. Les bébés sont enlevés dans les maternités, par prévention. Les internats dilapident les fonds du pays, les prix enflent, l'économie s'effondre. Certains mineurs particulièrement puissant font savoirs leurs mécontentements en faisant sauter des bâtiments. Les rafles sont plus puissantes, les moyens employés plus gros, les rumeurs sur des enfants tués ou traités comme cobayes se voient confirmer. La France sombre dans le chaos, les frontières sont fermés. Les enfants s'enfuient, se fondent dans la natures.

Jojey s'arrête pour reprendre son souffle, épuisée par se monologue funeste.

- Et nous voilà, conclu-t-elle. Planqué au fond des bois, crevant de faim, sales comme des porcs, à essayer d'échapper aux Raffleurs. Combien d'enfants sont morts, depuis quatre ans? Mille? Un million? Combien d'enfants sont torturés en ce moments, dans les internats? Dix milles? Cent mille? Deux millions? Combien d'enfants se terrent? Cinq cent? Mille? Combien d'enfant sont internés? Six millions?

Elle me regarde.

- Et nous, nous sommes là. Donc voilà mon marché : faisons équipe.

Je la dévisage. Son monologue était époustouflant, et elle a une étincelle de défis dans le regard. Cette étincelle, si belle, et qui ne demande qu'à être entretenue pour devenir un feu ardent. Et c'est cette étincelle qui me fait dire :

- D'accord.

@LivraMajor  (Mon compte, n'hésitez pas à vous abonner)

Elia Strickland 1.RecherchéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant