Champ de Bataille

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La fumée noire se dissipait dans le ciel brumeux. Des flammes étaient encore présentes au sol. Le sol était souillé de sang.
J'étais agenouillé à terre. Je n'osais pas lever le regard. Je sentais l'odeur métallique du sang m'emplir les narines. Il faisait froid ce matin-là et tout était silencieux, pas même un petit étourneau s'égosilla pour annoncer l'aube. Je regardais mes doigts, violets et engourdis par le froid. Je regardais la lame de mon sabre, recouverte de sang.
J'eus enfin le courage de me lever. Devant moi, se tenait un massacre ignoble. Je commençai alors à marcher, hésitant. Tout mon corps tremblait. La vue de ces corps, de ces cadavres me donnait la nausée. Parfois ils n'avaient plus de bras, de jambes ou même de têtes. C'était écœurant à voir. Le sang ternissait le sol boueux.
Devant moi se tenait une centaine d'hommes morts. Des morts qui n'ont pas voulu être ici, comme ça, dans ces conditions honteuses. Des morts qui voulaient retrouver leur famille, leur nom, leur vie d'antan. Certains étaient déjà déformés mais ils voulaient se battre pour retrouver leur épouse, parfois même leurs enfants qu'ils n'ont pas vus grandir.
Des larmes s'écoulaient de mes yeux. Je ne pouvais supporter cette vision. Je ne pouvais supporter de comprendre jusqu'à où l'humain peut aller pour avoir le sentiment d'être victorieux. Mais victorieux de quoi au juste ? Victorieux de tous ces morts innocents ?
Ils étaient niais et ne connaîtront jamais le mot paix. Quand est-ce que ce mot prendra un sens ? Dans des siècles ?
Je me trouvais un chemin parmi ces corps et trainais tant bien que mal ma jambe blessée. J'étais larmoyant de voir ce désastre autour de moi. De voir que même la Mort ne leur a pas fait honneur. De voir ce que je n'aurai pas dû voir. J'aurai dû mourir avec eux, mes confrères. J'aurai dû mourir sous les coups ennemis, sous les balles et les obus.
J'aurai dû...
Mais je ne pouvais plus m'apitoyer sur mon sort. Il fallait que je sorte d'ici, de ce lieu malsain regorgeant de souvenirs meurtriers et infâmes.
Je marchais encore, dans cette mer de soldats, voulant atteindre la berge, voulant atteindre une autre vie. Je me laissais guider par mes pas aveugles et fermais les yeux, en espérant quand les rouvrant je retrouverai le sourire d'auparavant.

Recueil de textes diversOù les histoires vivent. Découvrez maintenant