Froid Mortel

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Le regard errant, les mains glacées par le froid, le corps tremblant, j'essaye de me frayer un chemin à travers cette tempête. Je lutte pour marcher droit dans ce vent grisant. Et j'erre. J'erre sur cette étendue blanche à la recherche de vie. Où suis-je ? Je ne le sais point. La réponse est quelque part autour de moi, mais ne m'atteint pas. Je l'effleure sans doute du bout de mes doigts mais elle ne vient pas. Cette réponse invisible, virevoltante au gré du vent, esquivant tout contact avec mon corps.
Puis, petit à petit, des flocons de neige tombent, légers comme l'air et se fondent dans la masse immaculée qu'est le sol sous mes pieds. Je tends mon bras vers eux, les caressant et les faisant fondre dans ma paume.
Le vent glacial continue de souffler, rendant mes cheveux indomptable. Je grelotte de plus en plus, essayant par tous les moyens de me réchauffer. Je vois ma peau bleuir, je ne sens plus mes mains et les pieds. Mon nez coule et je renifle sans cesse. Je ne sais même plus si je suis encore vivant. Je resserre mes vêtements et commence à courir malgré le peu de force qui m'habite. Mais bientôt, je m'arrête, suivant du regard ma respiration qui se condense. Le seul signe prouvant que je suis encore de ce monde.
Pris par de fortes convulsions, je m'effondre et en touchant terre, je vois apparaître sur la neige du sang. Mon nez saigne et je ne parviens pas à arrêter cet écoulement.
Que ressentais-je en cet instant ? Rien. Je ne sentais plus l'air entrer dans mes poumons, je ne sentais pas les pulsations régulières de mon coeur, je ne distinguais plus ce qu'il y avait autour de moi. Je ne pouvais entrevoir la possibilité d'être encore vivant dans cet univers hostile.
Je me relève avec difficulté, tremblant de tous mes membres. J'observe, branlant, autour de moi. Mes dents claquent dans le sifflement aigu du vent. Au loin, à travers ce nuage de tempête de neige, j'aperçois une ombre qui est rejointe par une deuxième. D'autres arrivent derrière moi et sur les côtés. J'entends des grognements sourds, des griffements sur le sol dur et une sorte d'excitation est présente dans l'atmosphère.
Je n'ose pas bouger. Même je ne peux plus bouger. Si je le pouvais, j'irais prendre mes jambes à mon cou mais je ne peux pas. Tout mon corps est figé, comme de la glace. Mais ces ombres menaçantes me donnent la chair de poule et un mauvais pressentiment m'envahit. Celui de mourir. Mais je ne veux pas mourir, pas comme cela. J'entends un hurlement. Les ombres tournent de plus en plus vite autour de moi me donnant un mal de crâne. J'essaye de suivre leurs mouvements pour me parer à une éventuelle attaque mais impossible de les distinguer nettement dans cette tempête tourbillonnante. D'ailleurs, les flocons n'ont plus cette danse si gracieuse qui leur est propre, ils me fouettent le visage avec violence et je sens leur marque profonde comme si ils m'avaient écorchés à vif.
Et puis, c'est le noir. Le temps ralenti autour  de moi, tout s'arrête. Je chute. Je tombe. Où ? Dans le néant. Mes jambes cèdent sous moi et je m'écroule. Ma tête heurte quelque chose provoquant un long sifflement aigu comme le bip d'un cardiographe qui annonce que le coeur ne bat plus. Je ferme les yeux ; regarder autour de moi m'est insupportable. La paume de mes mains est coupée, mon nez saigne toujours et mes vêtements se sont déchirés pendant la chute. Par quoi ? Je ne le saurais jamais.
Le sifflement aigu s'est apaisé. Maintenant, j'entends ma respiration. Elle est lente et régulière. Comme le battement de mon coeur que j'entends de nouveau.
Je ne veux plus rouvrir les yeux. Je sens les relents de la mort autour de moi. Cela me semble si familier. Je veux rester dans cet état de transe si agréable. Malgré le vide qui m'empare, je souris. Éternel heureux. Heureux de mourir ainsi. Mourir de froid. Un si grand soulagement.

Alors il expira son dernier souffle. Son corps ne tremblait plus, il semblait paisible. Autour de lui, une meute de loups le guettait et ayant faim depuis des jours, ils le déchiquetèrent, telle une proie.

Recueil de textes diversOù les histoires vivent. Découvrez maintenant