Ou l'éternel combat de l'infinitif contre le participe passé. Un combat qui plonge dans le désarroi les professeurs de mathématiques de la francophonie. Faites des dons pour que l'Éducation nationale achète des dictionnaires aux enseignants.
Bref. Maintenant que j'ai été méchante, je vais me rendre utile et vous dispenser un cours qui me semble de la plus haute importance. Sauf si vous êtes si fortiches en français que vous avez remarqué que, dès la première phrase, j'ai fait une faute. Dans ce cas-là vous pouvez sortir parce que je n'aime pas ceux qui perturbent mon cours. Eh oui, il y a une faute parce que prisonnier n'est pas un participe passé mais un nom (ou adjectif/truc/appelle ça comme tu veux). Mais en général ça prend, dans ce cas-là, la forme d'un participe passé. Comment ça vous ne voyez pas où ma logique foireuse veut en venir ? Mais encore à ce salopard de "se", bien évidemment !Bon déjà petit rappel avant d'entamer les baux, je pense ne jamais en avoir parlé donc je vais juste faire un petit rappel sur une règle qui est censée être intégrée depuis l'école primaire, mais que personne ne respecte (pauvre petite règle grammaticale, enfermée dans l'armoire de la classe d'art, celle dans laquelle personne n'entre...).
AU PASSÉ COMPOSÉ (AINSI QU'À PAS MAL D'AUTRES TEMPS SUR PLEIN D'AUTRES VERBES, MAIS ARRÊTE DE M'INTERROMPRE PASCAL SINON ON EST PAS SORTIS DE L'AUBERGE), LE VERBE FAIRE, QUI DEVIENT UN PARTICIPE PASSÉ, NE S'ACCORDE PAS AU SUJET.
C'était la fin de la leçon. Non c'est faux. Car que serait une leçon sans ses éternels "exemples chiants" et leurs contrexemples qui remettent en question toute la pensée de votre école ? Hein ?
Donc : dans la catégorie des fautes Dommage (eh oui, c'est comme ça maintenant on catégorise les fautes, c'est plus facile) penchons-nous -mais pas trop quand même, on pourrait tomber...- sur le très classique : "Elles se sont faites kidnapper".
Bon déjà, c'est moche parce que ça casse le lyrisme de la phrase (si tant est qu'il y ait un minimum de lyrisme, cette phrase se retrouvant bien trop souvent à mon goût dans des fanfictions de midinettes en manque de Bad boys... Ensuite, "kidnapper" est un anglicisme dégoûtant qui mérite sa place sur le bûcher à côté de "viens on se stuff", "Kevin" et autres abominations qui caractérisent la jeunesse française désireuse d'oublier les bonnes meurs du pays. Oui, je suis vieille et conne, mais on ne doit pas le dire comme ça.
La dernière raison pour laquelle c'est totalement nul de faire ça, c'est parce que le verbe "faire" n'est pas un verbe réfléchi au départ (ça veut dire qu'il n'est normalement pas accompagné d'un pronom réfléchi).
On retrouve donc cette éternelle problématique dans l'intention que porte le sujet dans l'action. Quand je dis qu'elles se sont fait kidnapper, si on décortiquait la phrase pour en extraire les boyaux, comme j'ai la fâcheuse manie de le faire, on trouverait ceci sur la table d'opération :
"Elles ont fait kidnapper elles-mêmes".
Or, je puis vous assurer que dans le contexte où je l'entends, voire quel que soit le contexte, c'est peu probable. La raison en est très simple. Bien que grammaticalement, le sujet soit "Elles" et le destinataire de l'action aussi, par le pronom personnel réfléchi "se", nous savons tous pertinemment que la sémantique parle la première. Et, sémantiquement, le verbe "se faire" est utilisé pour remplacer la voix passive. Ainsi, on peut aisément remplacer l'exemple par "Elles ont été enlevées".
La différence avec la voix passive, si vous me le demandez, relèverait pour ma simple connaissance d'un avis que j'ai pu tirer au cours de diverses lectures, sans réelle preuve.
Il s'agit, et je le répète encore, c'est une simple supposition, de ce qui les rapproche aussi. En effet, le complément d'agent est une fonction qu'on ne retrouve qu'à la voix passive, mais par extension, avec le verbe "se faire". On dira sans problème "Elle se sont fait kidnapper par des chats mutants venus de Pluton". Ce sont les chats mutants venus de Pluton qui mènent l'action, et qui représentent, sous cette forme, le complément d'agent, mais on peut tout aussi bien réécrire la phrase. On a alors : "Des chats mutants venus de Pluton les ont kidnappées." ce qui n'a toujours pas de sens mais... oh regardez ! Le participe passé est de nouveau accordé tout est redevenu normal ! Pfiiiou... Ce n'était peut-être pas si grave après tout...
Revenons-en au sujet. De ce que j'ai pu lire, le verbe "se faire" anonymise. On centre l'action vers l'objet sans se préoccuper de celui qui la mène. L'auteur moyen préfèrera le "Elles hésitent à réaliser, à constater l'horreur de la chose, mais quand elles l'acceptent, il est trop tard. Elles ont été kidnappées. Elles se demandent par qui ? Ou quoi ? Seraient-ce les chats mutants extra-terrestres ?" à "se faire", puisque le thème du paragraphe est directement redirigé vers les ravisseurs. Un auteur averti, lui, évitera les anglicismes, intégrera de l'indirect libre parce que "pourquoi pas ?" et aura tout de même un scénario mieux ficelé. Oui, c'est totalement subjectif.
Rien n'empêche d'ajouter un complément d'agent ou pas dans les deux formes, mais la voix passive tend plus à en faire attendre un que l'autre.
(Oui cette partie est longue mais loin d'être terminée)
Prenons maintenant la phrase "Elles se sont faites kidnappées". Vous fûtes sans doute outrés par la tournure douteuse de cette phrase, avant, si vous êtes fins observateurs, de vous apercevoir qu'il se cachait sans doute dessous quelque sortilège dont j'ai le secret.
Permettez-moi donc de vous présenter mon dernier bijou : le participe passé à valeur d'adjectif substantivé. Donc lui est bien un participe passé, contrairement au titre. Si l'on dissèque la phrase, on obtient le très sale et maladroit "Elles ont fait elles-mêmes kidnappées", ce qui est, je suis tout à fait d'accord, encore moins français que dans sa forme contractée.
Cependant on peut remarquer un changement par rapport à la première phrase : "Elles" est sujet mais aussi initiateur de l'action. Non pas qu'on puisse dire "Elles se sont fait kidnapper par elles-mêmes", ce qui serait stupide, mais leur changement d'état, de libres à captives est induit par leur propre volonté, ou par une action indépendante de la main d'autrui ("Elle se fait vieille" ne signifie pas que "Elle" s'arrache ses derniers cheveux colorés tous les soirs pour qu'ils repoussent blancs quoique cette forme n'ait rien à voir avec celle dont nous traitons).
Bien que le sujet n'influe pas directement sur une action mais sur l'état qui résulterait tantôt de cette même action, on peut le rapprocher d'une forme passive d'une certaine d'activité passive (attention ce n'est pas grammaticalement exact).
"Les gardes les ont emprisonnés."
"Ils se sont fait emprisonner (par les gardes)."
"Ils se sont emprisonnés."
"Ils se sont faits prisonniers." (Ils ont effectivement fait d'eux-mêmes des prisonniers)
Cette forme-là n'appelle pas de complément d'agent : il ne s'agit déjà plus vraiment d'une voix passive, le sujet porte l'action et le COD, rattaché au sujet, la reçoit. Un véritable petit verbe pronominal comme on les aime, en somme.
J'espère ne pas avoir été trop chronophage, et vous avoir assez distraits pour que vous considériez tout mon art -qui consiste pour la plupart du temps à raconter n'importe quoi mais pas n'importe comment, de manière à vous faire croire que tout est vrai-, et qu'il vous apparaisse désormais comme un jeu de carte qu'un prestidigitateur ferait tourner avec aisance autour de ses doigts. Parce qu'au fond, retourner encore et encore des phrases toutes faites pour en faire autre chose de totalement différent mais très similaire à la fois, c'est ça : un magnifique tour de magie, qui, je l'espère, donne à réfléchir.
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La Northographe
Random(Certains chapitres ont été rédigés il y a un certain temps, et mon avis aura sûrement changé sur la question, mais je ne tiens pas à les supprimer pour l'instant.) Ceci est un SOS. Le SOS de la langue française, que trop de gens s'amusent à bafouer...