Chapitre 6 : Entremondes

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Le vide, le néant, le trou noir, et tous leurs synonymes étaient valables pour décrire la situation que vivait Ethan à ce moment-là. Pas de tunnel avec de la lumière au bout, comme pour les personnes ayant vécu une mort imminente. Pas non plus de souvenirs de sa vie défilant devant ses yeux. Non, rien de tout ça, rien du tout. Ethan ne sentait plus son corps, il n'arrivait plus à mobiliser aucune énergie, seule sa faculté de penser persistait.

C'est alors que les ténèbres qui l'entouraient s'éclairèrent. D'abord une vision floue, puis de plus en plus nette, d'un mouvement de recul. Il s'éloignait d'un objet rond, une sphère en fait ; la Terre. C'était comme dans les films ou les documentaires, dans lesquels la caméra effectue un dézoome depuis une ville pour aller jusqu'aux confins de l'univers.

Rapidement, Ethan eut une vue panoramique sur la Terre et la Lune. Bientôt, il aperçut Mars, puis Vénus, et enfin Mercure. Suffisamment calé en astronomie, il se rendit compte qu'il se rapprochait en fait du Soleil. Lorsqu'il lui apparut, il fut presque étonné de ne ressentir aucune chaleur, puis se rendit compte que son corps était toujours sur Terre et que cette vision n'avait aucun sens.

A ce niveau, il s'éleva et eut bientôt une vue panoramique sur tout le système solaire, centré sur le soleil. C'est à ce moment-là qu'il se sentit lourdement tomber sur un sol dur, rattrapé par la pesanteur et par le poids de son corps qu'il avait délaissé sous l'Atlantique. Ethan ouvrit alors les yeux, et resta figé lorsqu'il comprit qu'il se trouvait, toujours, dans l'espace. Prit de vertige, Il tâta nerveusement de la main la surface invisible qui le maintenait suspendu dans le vide puis tenta brusquement de se lever, sans succès, son corps étant encore trop faible. Un rire puis une voix lui parvinrent alors :

- Il va te falloir de l'entraînement avant de pouvoir te relever si vite !

Ethan reconnut John qui, lui, était déjà debout, d'après la provenance du son. Lentement, Ethan s'appuya sur les coudes, redressa les genoux puis, péniblement, il parvint à se tenir debout, avec une stabilité plutôt précaire. Il regarda alors autour de lui et ce qu'il observa pouvait bien valoir tout l'or du monde : il se trouvait bel et bien au-dessus du système solaire, entouré d'étoiles et d'astéroïdes. Sa mâchoire resta pendue pendant de longues secondes avant qu'il parvienne enfin à articuler.

- Je... C'est impossible...

Il avait l'impression que c'était au moins la dixième fois qu'il disait cela aujourd'hui mais ce dont il était témoin dépassait l'entendement.

- C'est effectivement impossible avec notre conception des lois de la physique et de la nature, répondit John. Cependant, comme je te l'ai déjà dit, en traversant le portail, nous atteignons une nouvelle dimension. Dans celle-ci, tu devras oublier tout ce que tu connais du temps et de l'espace. N'as-tu par exemple pas remarqué que les planètes sont étrangement bien visibles ? Normalement, à cette distance, nous ne verrions que des points, voire rien du tout.

Ethan se sentit presque gêné de n'avoir effectivement pas constaté que les planètes étaient artificiellement grossies. Trop fier pour avouer son erreur, il répondit :

- Oui, bien sûr, ça me paraissait bizarre...

- Tout, absolument tout, te paraîtra bizarre, dit John. Gardes à l'esprit qu'aucun des repères présents sur notre dimension ne peut être utilisé ici, ça t'aidera à mieux accepter ce dont tu pourras être témoin. Tu ne peux même plus te fier à ton propre corps, qui n'est ici qu'une projection de celui resté sur Terre. Sauf peut-être l'activité cérébrale, nous pensons qu'elle peut être transposée. Mais c'est un détail.

Ethan n'avait pas tout compris du discours de son instructeur, il recevait beaucoup d'informations en un espace de temps qu'il jugeait beaucoup trop court. Il s'amusa d'ailleurs à penser que l'expression « espace de temps » ne pouvait en fait pas être utilisée dans cette dimension.

- Maintenant, marche vers le soleil s'il te plaît, reprit John.

Ethan, qui était quelque peu relaxé, rit à cet ordre.

- C'est quand même surréaliste ce qui se passe... « Marche vers le soleil »... Vivement que vous me demandiez de sauter dans un trou noir !

En proie à un fou rire, Ethan regarda son instructeur qui, lui, resta impassible, comme si ce qu'il venait de dire n'était en fait pas si drôle, pas si dingue. Ne préférant pas poser de question, il se calma et fixa le point brillant situé sous lui. Cette fois-ci, il n'était plus anxieux, John avait gagné sa confiance.

Se demandant d'abord comment se diriger vers le bas, Ethan se rendit vite compte que le sol invisible s'inclinait en fonction de la direction qu'il voulait prendre. En effet, en fixant du regard le soleil, il se sentit pivoter et, après quelques temps d'adaptation, il réussit à marcher droit vers l'astre, qui se rapprochait beaucoup plus rapidement que prévu. A chacun de ses pas, la sphère grandissait exponentiellement, jusqu'à ce qu'Ethan parvienne à la surface. Il regarda derrière lui et John lui fit signe de continuer. Après encore deux pas, tout son environnement fut ébloui par une lumière blanche vive. Désorienté, il avança aveuglément d'encore quelques pas avant que la luminosité ne diminue petit à petit. Tout en continuant à avancer, Ethan distingua de hautes tours au loin, et, au-dessus d'elles, un espace infini, blanc. Lorsqu'il jugea que la clarté était suffisamment supportable, il s'arrêta et sentit une main se poser sur son épaule.

- Bienvenue dans l'Entremondes, Ethan, lui dit John.

Les yeux exorbités, Ethan assistait sans nul doute à la vue la plus extraordinaire de toute sa vie. Devant lui s'étendaient de grands espaces vides, ainsi que des bâtiments sphériques, cubiques, et autres étrangetés architecturales, entre lesquels se dressaient de hautes tours jaunes dorés. Au sol, pas d'herbe ou de cailloux, mais une substance qui ressemblait fortement à celle du portail, sur Terre, par contre de couleur blanche, cette fois-ci.

De part et d'autre de lui s'élevait un mur bleu foncé d'une hauteur infinie, parsemé, au sol, de cercles blancs aux limites floues. Ethan se rendit alors compte qu'il venait de sortir d'un de ces cercles et que le mur décrivait en fait une légère courbe et devait donc former un cercle. Cependant, celui-ci était tellement grand qu'Ethan ne parvenait pas à distinguer l'autre bout.

- Tous les points lumineux que tu vois autour de toi représentent des soleils, dit enfin John. Emprunter l'un d'eux permet donc d'atteindre un autre système solaire.

Ethan réfléchit à mille à l'heure. Le potentiel d'un tel endroit était infini pour la recherche scientifique, les recoins de l'univers étaient à portée de main ! Cependant, ses rêveries furent rapidement interrompues lorsque John reprit la parole.

- De plus, des portails, comme celui que nous avons pris sur Terre, sont disséminés dans chaque système solaire. Cela veut donc dire que si d'autres formes de vie existent dans l'univers, et qu'ils empruntent un portail, ils atterriront ici.

John s'interrompit, regarda Ethan dans les yeux et sourit.

- Et, à vrai dire, c'est déjà le cas. 

Entremondes : l'éluOù les histoires vivent. Découvrez maintenant