Chapitre 6

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Lydia avait choisi une robe en jersey violine, avec des fines bretelles et des petits boutons sur le décolleté. Sans aucun maquillage, elle avait laissé ses cheveux détachés sur ses épaules. Elle aperçut une étincelle admirative dans les yeux de David lorsqu'elle s'avança dans le couloir.

- Voilà, je suis prête, se contenta-t-elle de dire, consciente encore une fois du trouble qu'elle ressentait à chaque fois qu'elle se trouvait à ses côtés. On y va ? Merci pour la vaisselle ! Tu es un parfait petit homme d'intérieur plaisanta-t-elle.

- Vivre seul pendant deux ans dans un pays étranger, m'a énormément aidé à me débrouiller, tu sais ! Je n'avais pas de femme de ménage... ni de femme tout court d'ailleurs répliqua-t-il sur le même ton.

Au moment de partir, ils croisèrent Madame Michelet dans l'escalier. Elle tenait son petit chien en laisse, un griffon noir et blanc très affectueux et qui n'hésitait pas à prouver son affection à Lydia chaque fois qu'il le pouvait. La vieille dame âgée de 84 ans les salua poliment avec un grand sourire et s'adressant à Lydia, elle lui dit :

- Vous l'avez bien requinqué votre ami. Il a vraiment de la chance! Il avait une « sale tête » hier soir. L'expression arracha un sourire contrit de David. Elle continua ses confidences : « Je sentais bien que c'était une personne digne de confiance. Et puis... je crois l'avoir déjà vu avec vous, c'est pour ça que je n'ai pas hésité à le laisser rentrer dans le hall... » Puis elle enchaîna :

- Vous savez, il me rappelle mon défunt mari. Le même regard bleu océan et une carrure de sportif. J'avais 16 ans lorsque nous nous sommes rencontrés. C'était pendant la guerre, il était engagé dans la marine américaine. Il avait 12 ans de plus que moi, mais nous nous aimions assez pour braver les rumeurs...

Arrivés devant la porte de l'immeuble, David en grand gentleman, s'effaça devant la vieille dame pour la laisser sortir la première, suivit de Lydia, avec qui il échangea un coup d'œil attendri, l'histoire de Madame Michelet leur rappelait presque la leur.

- Je travaillais déjà dans les bureaux de l'armée, parce que j'étais l'aînée de la famille et que mon père avait disparu en Allemagne. C'est une de mes amies qui nous a présentés. Il arrivait de Normandie, au moment du débarquement. Et on s'était tous retrouvés dans un bar pour faire la fête. Il était là, grand et imposant et tendre à la fois. Je suis vite tombée amoureuse de lui... » Elle laissa échapper un petit sourire énigmatique :

- Vous savez quand on parle des mœurs trop libres des jeunes de maintenant, je peux vous affirmer qu'à notre époque, je ne devrais pas le dire, reconnut-elle, d'un ton conspirateur, mais c'était pareil ! Et nous nous sommes souvent cachés au début : il avait de l'allure dans son uniforme de marin ! J'étais enceinte à 20 ans. Comme il était reparti aux Etats Unis, à l'hôpital militaire, je l'ai vite rejoint là-bas avant que ma grossesse ne m'empêche de prendre le bateau et nous nous sommes mariés. Plus tard après la naissance de notre fille, il a quitté l'armée et nous sommes revenus nous installer dans le Sud de la France. Et puis notre deuxième fille est arrivée.

Notre amour a duré soixante-dix longues et belles années. Il s'appelait Georges Mitchell, mais nous avons francisé son nom en Michelet, c'était plus facile à prononcer pour les enfants. Il est décédé il y a dix ans. Alors je suis revenue par ici pour me rapprocher de mes enfants. Mais je peux vous assurer que nous avons vraiment été heureux tous les deux !

Les yeux brillants d'émotion à l'évocation de ces années de bonheur, la vieille dame sourit et posa la main sur l'avant-bras de Lydia : Je vous souhaite de vivre la même chose ensemble, chuchota-t-elle, avec tendresse. Vous êtes faits l'un pour l'autre, ça se voit dans vos yeux à tous les deux.

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